Quitter son pays, laisser tout derrière soi. C'était le choix qu'avait fait la famille Bong au début des années 70. Après une guerre qui avait ravagé les deux Corées, ils avaient espéré que les choses s'amélioreraient mais l'élection d'un dictateur au pouvoir avait tôt fait de leur faire perdre espoir. Exploité comme si ils n'étaient que des objets, les Bong avaient prit la décision de partir d'ici. Pour au moins que leur fils de cinq ans ait une meilleure vie qu'eux. Haut comme trois pommes, Jaewoon n'avait pas encore les yeux assez ouverts pour se rendre compte de ce qu'il se passait autour de lui. Tout ce qui lui importait c'était de jouer avec ses figurines. Ses parents avaient réunis toutes leurs économies pour pouvoir se payer un voyage vers les Etats unis, le rêve américain comme leur avait fait part une de leur amie qui s'était installé là bas. Bien évidemment, ils avaient un peu peur de ce continent inconnu, d'une langue qu'ils ne maîtrisaient pas du tout.
Après plusieurs heures de vol, les Bong posaient enfin les pieds sur le sol Américain, dans le Maine plus exactement, à l'aéroport de Portland. C'était la destination la moins chère qu'ils avaient trouvés. Durant quelques mois, ils s'étaient installés dans la chambre d'un motel, dormant tous les trois dans le même lit. Le père, Pil, avait trouvé un petit travail qui ne nécessitait pas de parler juste à côté. Sa mère, Sujin, restait avec Jae et faisait de son mieux pour l'école à la maison avec ses propres capacités. La vie n'était pas simple et ils étaient obligés de se restreindre. Ils faisaient de leur mieux pour satisfaire les besoins de leur fils et le rendre heureux. Jusqu'à ce que du jour au lendemain le motel se retrouve fermé. Dépité, la famille était monté à bord d'un bus qui les menaient dans la campagne du Maine. Aster Cove. Par chance ils étaient arrivés à trouver une petite bicoque qui avait vu des jours meilleurs mais au moins ils avaient un toit. Un loyer pas trop chère qui était surement dû au fait qu'il y avait des fuites quand il pleuvait.
Jae avait donc été inscrit à la petite école pour se familiariser avec la culture américaine et les autres enfants. Ses parents de l'autre côté s'étaient inscrit à des cours d'anglais offert bénévolement aux immigrés par une association. L'insertion de l'enfant n'avait cependant pas été facile au début. Timide, il n'osait pas aller vers les autres et il ne comprenait pas non plus ce qu'on lui disait. Ce petit temps difficile avait duré quelques jours, jusqu'à ce que finalement on lui propose par un geste de ballon de jouer avec eux. Jae avait compris et susurré un petit "oui". Il était heureux de s'être fait de nouveaux amis car s'amuser tout seul ici ce n'était pas vraiment très amusant.
Malheureusement les enfants grandissaient et à l'école élémentaire ils commençaient à s'interroger sur ce qui les entouraient. Leur ami étranger était peut être drôle et cool mais il était surtout pauvre. Ils avaient finis par remarqués ses vêtements déchirés, recousus et que le tee-shirt qu'il avait était le même que celui de Lundi. C'était la fin d'une amitié et le début de l'enfer pour Jae.
Ses camarades avaient rapidement trouvé un surnom : "Bong le puant". Plus personne ne voulait jouer avec lui et il se retrouvait tout seul à la récréation. C'était la galère pour les instituteurs car aucun élève ne le voulait dans son équipe. Jae pleurait sur le chemin en rentrant chez lui mais essuyait ses larmes une fois devant la porte de sa maison et affichait un sourire sur son visage. Le cinéma n'avait pas duré très longtemps quand ses parents furent convoqués par l'école. Parlant un peu mieux anglais, ces derniers avaient réussis à comprendre la raison pour laquelle ils étaient là. L'institutrice avait remarqué l'état déplorable des vêtements de Jae et tâchait d'expliquer le plus simplement possible qu'il était vitale pour l'enfant de s'habiller avec des habits propres pour des questions d'hygiènes et de santé. Embarrassé Sujin et Pil étaient rentrés chez eux, essayant d'expliquer à leur petit, qui s'excusait en pleurant, que ce n'était pas de sa faute. Après discussion une fois à la maison, ils avaient décidés de dépenser plus en lessive et en vêtement pour Jae, à défaut d'un autre budget. C'était une solution qui n'était que temporaire car il était urgent pour eux de trouver un travail.
Heureusement alors que le collège ouvrait ses portes à Jae, c'était aussi le cas pour ses parents dans le monde du travail. Pas de quoi s'acheter un palace mais leurs deux maigres salaires allaient au moins leur permettre de survivre un peu mieux à la vie dure.
En revanche pour le jeune Bong ça n'allait pas être simple. Etant toujours dans la même petite ville, il avait aussi récupéré les mêmes camarades qui s'étaient moqué de lui. Ils se souvenaient tous de "Bong le puant" même si il avait plus de soucis à ce niveau là. Les railleries avaient duré quelques semaines avant d'être rapidement balayé par d'autres victimes. C'était ainsi que la scolarité au collège s'était passé : des nouvelles rumeurs qui circulaient dans tous les couloirs à chaque changement de bouc émissaire, suivi par le harcèlement. Mais au moins, Jae avait réussi à se sortir de sa prison du passé et même à se faire deux-trois amis. Il avait cependant beaucoup de mal à s'approcher des filles. Elles lui paraissaient impressionnantes et il ne savait pas du tout comment se comporter avec elles. Il avait bien été mis à mal le jour de la Saint Valentin quand une de ses camarades de classe avait demandé à lui parler. Timidement Jae l'avait suivi à l'abri des regards. Elle lui avait ensuite tendu un paquet en lui demandant de sortir avec elle. Le coréen n'avait rien d'autre trouvé à répondre que "oui". Alors qu'il ne la connaissait pas vraiment et qu'il ne l'aimait pas. Mais elle lui avait offert un cadeau. Un petit miroir dont les dessins gravés dessus était très beaux.
Leur relation avait duré un mois. Sur un commun accord ils avaient rompus, restant amis. Jae n'était pas triste, il était même plutôt rassuré. Il s'était toujours senti mal à l'aise quand ils étaient tous les deux.
Etant un élève plutôt studieux, Jae avait réussi les examens de fin d'année et pouvaient entrer au lycée. Aimant le sport et étant plutôt assez bon, il avait rejoint le club de football. Cette activité lui permettait de lui donner un côté viril par rapport à son apparence quelque peu féminine qui s'était manifesté en grandissant. Ce n'était pas non plus sa manie de se regarder toutes les cinq minutes dans le petit miroir qui allait arranger ça. Mais son ex petite amie lui avait tellement dit des millions de fois qu'elle était jalouse de ses cheveux noirs corbeaux qu'il avait fini par le croire. Jae vivait donc tranquillement sa vie de lycéen, entre les filles qu'il ignorait, à défaut de ne pas pouvoir dire "non", et les quelques idiots qui le chambrait sur son physique.
Les choses s'étaient cependant gâtés dans la ville d'Aster Cove lorsque des mystérieuses disparations avaient eu lieu. Des enfants comme des adultes. Et une brume épaisse avait aussi fait son apparition. C'était très étrange.
Et puis deux ans plus tard, certains étaient réapparus. Récemment, l'une de ses camarades avait été retrouvé morte et il s'était passé quelque chose de bizarre à l'église. Les autorités parlaient d'un gaz hallucinogènes. Puis quelques jours après, Jae avait trouvé un polaroïde dans la boîte au lettre en rentrant de chez le disquaire dans lequel il travaillait après les cours. Il n'y était pas allé, pensant que c'était une farce. Pourtant le lendemain, lorsque les journaux avaient annoncés ce qui s'était passé, l'adolescent ne pouvait pas s'empêcher de faire un lien entre l'église et la nuit dernière. Finalement, il avait bien fait de ne pas s'y rendre.