The stars look very different today {Dave}

• The stars look very different today •

C'était une journée normale. Tu t'étais levée tôt pour avoir le temps de bien te préparer. Aujourd'hui, ce serait une jupe blanche avec un pull rouge. Des bas en résilles parce que t'aimais bien. Avant de t'habiller, un passage sous la douche, moment toujours difficile mais à force, t'as l'habitude. Après tout, ça fait dix sept ans que tu supportes mon corps. On frotte bien sur les bleus de la semaine dernière, quand un gars à juger bon te donner un coup dans l'espoir que ça te ferait "redevenir comme tout le monde". Puis un autre parce que t'es trop bonne pour un gars. Puis encore un encore parce que. Le moment compliqué de la petite culotte, puis le rembourrage de soutien gorge et tu peux enfin cacher tout ça sous tes vêtements de jolie fille. Ça va mieux ? Admettons. Après l'effort, le réconfort, il est temps de jouer les magiciennes. On cache mon visage. On le couvre pour mieux découvrir le tien. Tes yeux envoûtants, tes lèvres charnues, tes longs cils. Aujourd'hui, ça sera des cheveux longs, parce que c'est la saison. Et tu sors enfin de ton placard.

Attablé dans la cuisine, Théodore te dit à peine bonjour, clope au bec, journal entre les mains et un toast à demi entamé dans son assiette accompagné d'une tasse de café froid. Tu te prépare rapidement du pain perdu -seul plat que tu saches réellement cuisiner sans faire trop de dégâts- puis tu prends place en face de tonton ours en aspergeant ton petit déjeuner de sirop d'érable. Le silence règne mais tu as l'habitude. Après tout, Théo n'est pas bavard et toi, ça ne t'intéresse plus d'essayer de le faire parler.

Il fait ronronner le moteur du pick-up, tu refermes la porte derrière toi. Le bus scolaire, c'était surfait - surtout que devoir aller en cours dans un car remplis d'animaux qui n'attendaient qu'un battement de cils pour lui sauter dessus, c'était gavant, à la longue. La radio parle du retour des disparus mais tu t'en fiches, tu mets tes écouteurs dans tes oreilles tandis que ton walkman diffuse une chanson des Runaways. Le trajet est rapide, en voiture. Une fois arrivée, tu claques la porte sans te retourner. On croit presque entendre un "A plus" sortir de ta bouche.

Dans les couloirs, ça se bouscule, ça s'regarde, ça pue l'hypocrisie. Les weirdos tremblent dans la foule. Les brutes cognent. Les populaires brillent. Et c'est comme ça toute la journée. On te siffle, on te regarde de travers, on t'insulte parfois quand tu passes. Tu arrives devant ton casier. La porte en fer a été gravé d'un magnifique "GAY" que tu avais prit le soin de repasser avec du vernis brillant parce que l'intention complètement dénuée d'originalité t'avais fait rire - et qu'au moins, c'était plus joli comme ça.

Les profs se trompent sur ton prénom, encore. "Isaac ? Euh .. A-Ange ?". "Monsieur Mathieu, tenez vous bien. Pardon ? C'est Delacourt ? Et alors ?". "Is- .. An- .. Euh .. Toi, là, lis ce passage, s'il te plait.". Des ricanements. Des boulettes de papier humides. Des mots pas très beaux murmurés à voix basse. Et la journée passe lentement.

C'est enfin l'heure de rentrer, un tour aux toilettes des filles, discrètement, histoire de ne pas se faire remarquer par la bande de Mackenzie - qu'elle aimait bien appelé Mackenslut avant de se faire tabasser par ses gardes du corps. Manque de chance, c'est bien eux que tu croises à la sortie des toilettes. Ça te bouscule. Mais tu next. Ca t'insulte. Mais tu next. Puis finalement, ça se termine par l'obscurité devenue presque rassurante de ton casier et l'espace ridicule de ce dernier. Comment arrivaient-ils à te faire rentrer, à chaque fois ? Fallait dire que t'étais pas bien épaisse. Mais tout de même.


- Eh toi .. Viens .. Ici, ici putain ! Non .. Non, non, ne pars pas ! Mais reviens, j'te paye un milshake ! Je- .. Fais chier.


Tu venais de faire fuir un junior innocent qui, sachant pertinemment qui t'avait enfermé ici ne prit pas le risque de te venir en aide. Pauvre de toi. Qui sait ? Peut être que ton prince charmant viendra te délivrer de ce casier maudit ? Rêves pas trop, Princesse.

Ange, elle avait toujours rêvé d'être populaire. L'attention des autres. Les regards rivés sur elle. La foule autour d'elle. D'une certaine manière, elle avait déjà tout ça. Dommage que son idéal soit gâché par cette espèce d'image de monstre pervers homosexuel qui lui collait à la peau. Du coup, les gens ne l'aidaient pas quand elle se faisait bousculer avant de tomber à terre. Les gens fermaient les yeux quand des connards lui lançaient des pierres. Les gens jouaient les sourds quand elle se mettait à hurler parce qu'on essayait de la déshabiller. Mais les gens avaient beau être des cons, Ange et sa fierté n'aidaient en rien sa réputation déjà bien mauvaise. La gentillesse de certain sonnait faux à ses oreilles et elle préférait les écarter quand elle sentait que ça risquait de se retourner contre elle. Elle en avait assez apprit en deux ans à Aster Cove pour savoir que peu tendait une main sans avoir un couteau dans l'autre.

David Wheeler. Le prince d'Aster Cove High. Le tombeur de ces dames au sourire tendre et aux douces attentions. Ce métisse si charmant. Tu mentirais si tu disais que tu n'avais pas déjà maté son p'tit cul alors qu'il passait dans les couloirs. Il avait quelque chose d'extrêmement attirant dans son regard, dans sa gentillesse, sa candeur. Il y avait un Mais. Un gros Mais. Et pas des moindre puisque Dave était le meilleur ami d'Isha Fawkes. Tu l'avais aimé. Tu l'avais détesté. Tu l'avais haï. Ce garçon qui t'avait traîné dans la boue comme tant d'autres après lui. Tu ne pouvais définitivement pas t'approcher d'un gars qui était le meilleur ami d'Isha. Quand bien même tu en avais terriblement envie.

Alors que le petit junior s'enfuyait comme un lâche, que tu continuais de grommeler au fond de ton casier froid, tes plaintes cessèrent lorsqu'une ombre apparut devant la porte de ta cage en fer. Alors que tu t'apprêtais à sortir ta langue de vipère, elle resta coincée entre tes lèvres quand les traits fins de David se dessinèrent entre les fentes du casier. « J’gagne quoi en échange ? ». Tu te mords les lèvres. Ta voix se fit plus étouffée.


- J'ai pas besoin de ton aide, Wheeler ...


Ange ferme les yeux, prie pour qu'il passe son chemin. Fais simplement comme les autres, Dave. Ignore-la. Hausse les épaules et lâche une petite insulte au passage. Mais ne soies pas aussi gentil. Tu as ce pincement au coeur quand la porte s'ouvre enfin. Il baigne dans la lumière et tu as du mal à cacher ce rose qui vient colorer tes joues. Quel idiot. Tu t'extirpes du casier, les jambes frêles comme un jeune agneau malade, les doigts qui effleure l'avant bras du beau garçon. Elle tire légèrement sur ses manches pour cacher les marques rouges qu'ont laissé ses agresseurs et arrange sa jupe froissée. Elle sent ce regard sur elle et elle ne sait pas si elle doit être agacée ou flattée. « Charmante, ». Eh bien, Ange ? Serais-tu en train de rougir devant ce compliment donnée par le grand Dave Wheeler ? Ce n'est pas ton genre de te laisser amadouer de la sorte. Oh, quoi que, c'est carrément ton genre. Mais pas par Dave Wheeler. Plus maintenant.

Tu prends nerveusement ton sac resté dans ton casier et alors que tu fermes la porte en fer brutalement, Dave ne semble pas vouloir te lâcher. « J’ai cru t’entendre parler de milkshake, si je ne m’abuse... ». Il a donc entendu ses tentatives désespérées pour acheter la pitié d'un gamin de quatorze ans. Des dettes, tu n'aimais pas en avoir. Surtout que c'était Dave Wheeler. Qui sait ce qu'il pourrait te demander en échange. Tu ne faisais pas confiance à cette gentillesse. Tu commençais peut être à payer un peu trop de milkshakes aux gens, non ? Bon, il n'y avait eut que River mais c'était déjà beaucoup pour une personne qu'on enfermait dans son casier. Ne fais pas semblant, Ange. Tu en as envie, de ce milkshake avec ce garçon. Qu'est-ce qui t'arrêtes ? Il en a envie, toi aussi, alors pourquoi tu hésites ? Et de toutes façons, si tu refuses, soit tu rentreras chez toi, là où il n'y aura personne parce que Théodore sera probablement sortit, soit tu iras au dinner pour boire un milkshake seule. Là, tu avais l'occasion d'en boire un en compagnie d'un charmant garçon, pourquoi t'en priver ? Tu en as envie. Je le sais. Ne résistes pas. Dis oui. Dis oui.

Ange se retourne finalement pour être face à Dave. Elle le regarde, droit dans les yeux. Elle veut se montrer ferme mais finit irrémédiablement par se mordre la lèvre inférieur. Ses lèvres toutes fines et ce petit nez parfait. Et ses yeux en amandes, ses prunelles toutes douces. Et ses cheveux qui ont l'air si soyeux. Comment faisait-il pour être aussi beau ? Doucement, Ange, tu te laisse trop aller. Elle se racle finalement la gorge avant de dire d'un ton catégorique.


- Un Milkshake et on est quittes. Et je te préviens, c'est simplement parce que je ne veux pas avoir de dettes envers toi. Va pas t'imaginer quoi que ce soit, hein !


Puis tu prends le chemin de la sortie, balançant tes mèches brunes derrière ton épaule, la tête haute. Tu te fais violence pour ne pas rougir. Après tout, tu es Ange Delacourt, tu ne peux pas être affecté par les petites avances des garçons. Parce qu'à chaque fois, tu te laisses avoir. Ils sont gentils, te tiennent la porte, t'offre parfois le milkshake pour les plus généreux d'entre eux. Alors tu souris, tu ne réfléchis plus et tu te laisses entraîner à l'arrière des gradins. Et au final, ils partent en te laissant agenouillée dans la boue avec le rouge à lèvres presque entièrement effacé. Mais cette fois, tu resteras sage, tu mettras le plus de distance possible entre vous. Hors de question que tu soies le jouet de la bande d'Isha. Plus jamais.    

Les regards sur toi, ça ne t'a jamais dérangé. Bien au contraire. C'est de là que tu tires ta force. Plus il y a de regards posés sur toi, plus tu te sens importante. Puissante. Et quand bien même ces regards n'avaient rien de réellement admiratifs, tu avais cette impression d'avoir le monde à tes pieds. Ils pouvaient te détester, te haïr, cela ne faisait que te faire sentir encore plus forte. Mais quand tu étais face à Dave et que les yeux se posaient sur vous, tu avais cette sensation étrange. Tu pouvais lire dans les yeux des autres "Il a pitié d'elle". "David est si gentil, il ose même parler à ce pervers". "Pour qui il se prends à parler à David ? Il serait mieux en enfers avec tous les autres de son espèce". Lui, il était d'une autre race. Il faisait partie de l'élite du lycée. Elle était condamnée à rester au bas de de l'échelle.

Elle ne prends pas vraiment la peine d'attendre Dave, pressée de pouvoir profiter du minimum d'air frais que pouvait lui conférer la sortie du lycée. Le soleil commence à fatiguer et son ventre signale à Ange qu'il est temps de le nourrir. Elle est rapidement rejoint par Monsieur-Le-King-Du-Lycée mais préfère comme s'il n'était pas là. Et pourtant, comment ne pas remarquer les coups d'oeil qu'il lance en sa direction. Que t'arrives-t-il, Ange ? Le regard de ce beau garçon te perturbe à ce point ? Tu n'avais pas l'habitude. Pas des regards, au contraire, tu en recevais constamment. Mais cette fois, c'était différent. Il n'y avait pas ce goût amer du jugement. Juste de l'intérêt. En était-ce vraiment ? Se moquait-il de toi ? Te voir céder à ses avances était-ce le but de toute cette mascarade ? Il prends les devants, tu penses d'abord qu'il prends la fuite. Après tout, ça serait pas la première fois. Mais tu déchantes bien vite lorsqu'il se pointe avec sa moto, sur ton chemin. Tu caches tant bien que mal ta surprise. Il est peut être sérieux ? Allons, Ange. N'oublies pas les autres garçons. A chaque fois que tu te dis qu'il n'est pas comme les autres, il est exactement comme les autres. « Je ne m’imagine rien du tout, ». Fais attention Ange, tu risques de craquer.

Le parking est presque vide, tu ne voies personne aux alentours. Dave se lève de sa moto pour venir face à toi. Ton coeur s'accélère, peut être pas pour les bonnes raisons. Un peu comme un réflexe, tu fermes les yeux très fort en levant légèrement les avant-bras. En général, c'était à ce moment qu'on te frappait. Mais alors que tu t'étais préparée à encaisser, tu sens un poids sur le haut de ta tête. Tu rouvres alors les yeux, perplexe. Un casque ? Tes yeux restent plantés sur le visage de Dave. A quoi il joue ? Ton regard se fait perçant, tu tentes de déchiffrer ses sourires. Pour qui te prends-t-il ? Tu n'étais pas une simple midinette que l'on pouvait impressionner avec une moto. Enfin ça, c'est ce que tu prétends parce qu'au fond, ce petit numéro de charme te fait craquer. Heureusement que le visage moqueur d'Isha te maintient dans le monde cruel qu'est la réalité.

Il s'éloigne et tu l'observes enfiler sa veste, sans dire un mot. Alors que Dave s'installe, tu restes à le regarder, se doutant bien qu'il ne t'a pas mis ce casque pour faire joli. Il ressort ce sourire ravageur mais tu ne sembles pas te laisser amadouer. Pourtant, imaginer tes mains autour de sa taille, ta tête contre son large dos, cette proximité, toutes ces petites choses te font envie sans que tu soies capable de te l'avouer. Et le vrombissement du moteur ne fait que t'émoustiller un peu plus. Pourtant, tu hésites. « J’peux attendre toute la nuit s’il le faut, mais on risque de geler jusqu’à ce que mort s’en suive, ». Cette humour avec cette petite touche macabre te fait mordre ta lèvre inférieure. Shit. Tu fais alors quelques pas en sa direction et te décide enfin à monter à l'arrière, prenant soin de bien arranger ta jupe avant.


- Tu es vraiment impossible, David Wheeler. Tu as de la chance que je sois fatiguée.


Ne te la joue pas Meuf Intouchable, Ange. Il est clair que c'est un visage qui te sciait bien mais vu l'effet qu'a Dave sur toi, ça en devient ridicule. Tu viens donc placer délicatement sur ses hanches, tu les agrippes fermement. Elles se replacent légèrement autour de sa taille, alors que ses doigts sentent brièvement la musculature du garçon sous le tissu. Face à ce contact peut être un peu trop intrusif, tu les replaces sur ses hanches, les joues brûlantes cachées par le casque de Dave. Ressaisies-toi, Ange. Vous n'êtes pas de la même espèce, lui et toi. Ne te fais pas de films. Ne te fais pas de films.


- Dépêches-toi. J'ai ... très soif.


Fais chier. Où est passé ta confiance légendaire, Ange ? Probablement partit flirter avec les abdos que Dave cache sous son t-shirt. A présent, tu n'avais plus qu'une envie, que vous arriviez rapidement au dinner. Une fois là-bas, Aaron commanderait directement un milkshake en te voyant, tu lui ferais signe d'en prendre deux pour aller plus vite. Dave fera probablement une tentative pour engager la conversation le temps que les commandes arrivent. Tu resterais très évasive. Ensuite, une fois les boissons arrivées, tu terminerais le milkshake d'une traite, tu laisserais l'argent des deux commandes ainsi que le pourboire sur la table et tu rentrerais chez toi le plus vite possible en priant les cieux pour que Dave soit stoppé par une marée de groupies sorties de l'ombre. Tu prendrais ensuite une longue douche pour te laver de tous les films que tu t'es fait durant ce court rendez vous et le lendemain, le train-train quotidien reprendrait son cours. Lui avec les populaires et toi enfermée dans ton casier. Mais si tu sais comment ça va se terminer, pourquoi prends-tu la peine de le suivre ? Allons, Ange. Ton petit coeur sec n'est pas du même avis que toi, et tu le sais très bien.

Étrangement, la violence des hommes était toujours quelque chose qui t'avait fascinée. Moi qui n'étais qu'un jeune enfant fébrile et faiblard, j'avais toujours eut du mal à supporter les coups. Mais toi, dès que tu te dévoilais, il y avait cette carapace qui se formait automatiquement autour de ton coeur. Tu supportais, il te suffisait de fermer les yeux, serrer les dents et imaginer tes agresseurs en tenue d'Adam pour que tout se passe très vite. Bien heureusement, ils avaient toujours du mal à te frapper au visage. Comme quoi, le maquillage faisait bien son effet ! Mais ta bouille d'ange ne les empêchait pas pour autant de s'attaquer aux parties non visibles de ton corps. Compter les bleus de ton ventre et tes cuisses étaient devenu un passe-temps. Plus il y en avait, plus tu mangeais de bâtonnets de réglisse rouge au drive pour te consoler. Il t'arrivait d'en avaler tellement que tu en avais mal au ventre. Quelque part, tu trouvais les couleurs qui se dessinaient sur ta peau blanche étrangement jolies. Un mélange de bleu nuit et d'un mauve sensuel avec une pointe de rouge pourpre. Parfois, tu t'amusais même à assortir ton fard à paupière à ces marques de la couleur du ciel de nuit d'été. Mais ça, personne ne le savait.

Dave démarre son engin, tu sens vibrer le moteur sous tes cuisses. Tu avais beau te creuser la tête, tu ne semblais pas te souvenir être déjà monter sur une moto auparavant. Il y avait bien eut le vélo ridicule de Jonah mais ça ne faisait même plus partie de tes souvenirs lointains. Et au-delà de ça, les deux bolides n'étaient définitivement pas comparables. « Vos désirs sont des ordres, ma reine. ». Ses paroles t'arrachent un sourire discret. Les flatteries, ça te faisait toujours un petit effet (Les garçons qui avaient obtenu ce qu'ils voulaient de toi l'avaient bien compris, d'ailleurs). Lorsque le véhicule démarre, prise au dépourvu face à la vitesse - pourtant pas si élevée que ça -, tu te colles au dos du garçon, tes bras entourant entièrement sa taille. Ce fut très bref, une dizaine de minutes. Pourtant, ce fut très agréable. La vitesse, le vent qui frappe tes épaules légèrement découvertes, la chaleur du corps de Dave sous tes mains. Tu en viens même à faire face à une légère déception une fois le dinner en vue. Dave coupe le moteur et tu retires hâtivement tes mains. Alors que tu galères à retirer le crochet du casque, c'est une fois de plus le brun qui te vient en aide. Aucun de vous ne dit mots et aussitôt la tête libérée, tu t'enfuies vers le restaurant en remettant correctement ta jupe.

Comme prévu, Aaron te capte du regard dès ton entrée, haussant un sourcil en te voyant accompagnée d'un garçon. Te voir en compagnie de quelqu'un était déjà rare, alors un garçon. En général, tu réservais tes rendez-vous au drive, c'était plus intime. Et quand bien même les gars que tu avais "fréquenté" t'invitaient au dinner, c'était toujours à des horaires très tardives, là où personne ne pourrait vous croiser. Bien heureusement, la banquette libre était celle à laquelle tu t'asseyais à chacune de tes visites. A croire que personne n'osait s'y asseoir de peur d'attraper le sida ou  une autre de ces conneries qu'on associait à ta personne. Tu sentais de temps à autres les regards de petits parasites intéressés par la présence de David à tes côtés. Et quand ce n'était pas ces troubles-fêtes qui te fixaient, c'était Monsieur-Le-Tombeur qui s'en donnait à coeur joie. « Je ne suis pas Isha, » qu'il lâche, dans le plus grand des chills. A l'évocation de son meilleur ami, ton regard fut plus perçant que jamais. Peut être que s'il n'avait pas été aussi vache avec elle il y a deux ans, les autres gars ne la traiteraient pas de la même manière aujourd'hui. Après tout, c'était devenu une habitude de martyriser Ange. Et quand bien même Isha avait ou non un bon fond, cela n'effaçait en rien les crasses qu'il lui avait fait subir. Ange se contente de poser ses avant-bras sur la table avant de planter ses prunelles dans les yeux en amande de Dave.


- Je le sais. Et si c'était le cas, je ne me serais même pas donné la peine de monter sur ta moto. Je t'aurais probablement cracher dessus avant de m'en aller sans dire un mot. Alors oui, tu n'es pas Isha, je sais encore faire la différence, merci.



Pour qui te prenait-il ? Tu avais beau te méfier, tu étais bien placée pour savoir qu'il fallait toujours apprendre à connaître les gens avant de les juger. Bien heureusement, l'arrivée des milkshakes tombe à pic et réussit à faire redescendre la pression. Tu remercies Aaron d'un doux sourire et alors que tu t'apprêtais à attaquer la cerise, Dave ajoute des pancakes. Tu ne peux retenir un rire, ou plutôt une sorte de gloussement étouffé, tournant la tête sur le côté. Qui était ce garçon étrange qui commandait exactement le plat que tu prenais les jours de déprime ? Vraiment, Dave avait quelque chose qui te faisait craquer. Et quand bien même tu te répétais de ne pas trop te laisser amadouer, ça faisait du bien d'être en compagnie d'un beau garçon sans se poser de questions.

Reprenant ton attitude de princesse, tu te redresses et reprends la cerise confite posée sur la chantilly de ton milkshake. La confiserie traverse lentement la frontière de tes lèves avant de libérer son goût sucré sur ta langue. Tes joues en rougissent presque de plaisir. Vraiment, la cerise, c'était ton plaisir, ta petite consolation (avec une grosse assiette de pancakes les jours de grosses déprimes). Alors que tes lèvres viennent capturer le bout de ta paille blanche, tu lèves les yeux vers Dave et croises son regard. Décidément, il avait cette tendance à t'observer qui avait le don de te perturber. Était-ce de l'admiration ? De la curiosité mal placée ? Une tentative de tromper l'ennui en s'intéressant à la Reine des parias ? Et finalement, il rompt le silence. « Tu veux faire quoi après le lycée ? ». La question qui brûlait les lèvres de tous les élèves de sa promo. Tu t'écartas de ton breuvage pour te caler contre la banquette. Tu n'y avais jamais vraiment réfléchis.


- Ce que j'aimerais faire après le lycée ... Travailler le plus vite possible pour pouvoir gagner beaucoup d'argent et faire en sorte à ce qu'on ne me déshabille plus pour voir ce que j'ai sous ma jupe, peut être ? Dit-elle, l'air sarcastique avant d'ajouter. Pour le moment, c'est mon principal objectif. Les projets comme devenir maquilleuse pour des comédies musicales, écrire des livres sur l'histoire des trans dans le monde, des petites choses comme ça qui ne doivent pas vraiment t'intéresser, viendront probablement plus tard. Même si, maintenant que j'ai dit ça, en bon tombeur que tu es, tu vas probablement me répondre "Mais non, je trouve ça super ! J'espère que tu réaliseras tous tes rêves, blablabla".


Son sourire moqueur ne quitte pas son visage. Ce même sourire qui lui a valut de grosses raclées lorsqu'elle faisait la maline devant les brutes du lycée. Après avoir bien occupé la parole, elle lâche, après une minute de silence, un petit "Hum ... Et toi ?", l'air désintéressé. Même si, au fond, imaginer Dave réaliser les buts de sa vie, elle trouvait ça étrangement chou.