I must be myself, respect my youth {Christopher}

C’était ton projet de l’été. Tu y avais mûrement réfléchi, tu avais bosser dessus en secret, fermant la porte au nez de Théodore dès qu’il passait devant. La fin de l’année qui avait été marquée par tes doutes identitaires t’a finalement inspiré. Tu avais beau être le mouton noir de cette ville conservatrice, un bon nombre de jeunes semblaient t’adresser un semblant de confiance concernant leurs différences. Ils avaient besoin de savoir qu’ils n’étaient pas seuls, qu’il y avait des gens comme eux dans cette ville. Ils avaient besoin d’une épaule, l’épaule que tu n’as pas eu la chance d’avoir. Alors que l’esprit des grandes villes évoluaient, celui des bleds perdus comme Aster Cove stagnait, il était temps que ça change. Doucement, mais sûrement. Et tu comptais bien être le la main salvatrice qui sonnerait le glas de la révolution. Et comme toute révolution, il fallait commencer quelque part, trouver des fidèles, redonner de l’espoir. Il y avait cette fameuse soirée drag-queen, ce club si difficile d’accès pour les jeunes personnes comme toi. Tu avais voulu y entrer plus d’une fois, sans parvenir à franchir le seuil de la porte de l’établissement. Pourtant, ce soir-là, le videur, en voyant ta tenue flamboyante, colorée et pailletée, avec cet air décidé qui décorait ton visage et un maigre paquet de prospectus, sans doutes avait-il eut pitié de toi et t’avais laissé entrer. C’était comme un air de déjà vu. Un souvenir d’une enfance passée à admirer les spectacles dans les coulisses, les lumières, les étoiles qui se bousculaient dans tes yeux. Il y avait cette même atmosphère, cette sécurité, cette confiance, cette chaleur que tu ne retrouvais que dans ce genre d’endroits. Tu te surprends à sourire comme une enfant, à sentir ton coeur s’affoler alors que tu repenses au visage de Camille, une petite douleur au coin du myocarde, un soupçon de nostalgie, doux-amer. Tu prends place, en silence, à une table, seule, tu admires les artistes faire le show. Parfois, tu sens deux, trois regards se tourner vers toi. Mais contrairement aux yeux accusateurs qui t’assassinent dans la rue, tu as cette impression de fascination, d’admiration. Ce n’est peut être qu’une impression, au final, mais, quelque part, tu te sens à l’aise. C’est à cet instant que la Maîtresse de Conférence annonce la prochaine artiste, le modèle phare du club, la jolie Délice. Intriguée, tu regardes la scène avec le regard débordant d’étincelles curieuses. C’est alors qu’elle fait son entrée. Une magnificence certaine, cette aura renversante qui chamboulait les esprits, tes yeux la détaillent et ses traits te semblent de plus en plus familier. C’est lorsqu’elle prend la parole que ton sourire s’élargit, comme si tu venais de trouver la perle rare. Ne serait-ce pas Monsieur Harrison avec une perruque ?