do you feel like a young god? (jaimie)

¤ Jaimie, elle est née après un décès. A ce qu’il parait, elle aurait eu un grand-frère de quatre ans son aîné, perdant la vie deux années avant sa naissance à elle. Une malformation du cœur, qui a laissé la génitrice Hewitt dévastée et à fleur de peau. La venue de la rouquine au sein de la famille a amené un souffle de renouveau, permettant au couple de renaître de ses cendres. Le ciel leur envoyait une petite fille au sourire rayonnant, nommée en souvenir du défunt James. Un garçon qu’elle n’a jamais connu, et qui, pourtant, fait partie intégrante de sa vie. Les photographies du jeune enfant n’ont jamais été enlevées des commodes, et, chaque année, les oncles et tantes viennent célébrer l’anniversaire de leur neveu disparu. C’est une tradition familiale à laquelle chacun se plie sans broncher.  

¤ Fille unique, elle s’ennuie. Elle réclame sans cesse une petite-sœur qu’elle pourrait choyer et chérir de tout son cœur. Mais les Hewitt ne veulent pas risquer un autre rejeton à perdre. Ils préfèrent lui accorder toute leur attention. Alors, à défaut de pouvoir amener un autre être humain au foyer, ils lui achètent un labrador. Albatros, qu’il s’appelle. Personne ne saura jamais pourquoi, elle-même n’a pas réfléchi des masses avant de le nommer. Al, c’est son compagnon, son chien-chien chéri. Celui qui dort sur le tapis au pied de son lit sans vouloir la laisser seule aux prises avec ses rêves. Il la protège des monstres dont elle ne croit pas à l’existence.

¤ La petite fille, elle est heureuse. Sans cesse en train de sourire, elle volète de-ci-de-là, riant à gorge déployée. Elle pleure pour un pigeon écrasé sur la chaussée, pour un chat qu’on oublie dans un incendie au beau milieu d’un film. Elle pleure de joie, de colère ou de mélancolie. Les émotions qui l’animent, elles la retournent, la bouleversent. Elle vit chaque événement d’une manière intense, presque brutale. L’injustice la révolte, la sort littéralement de ses gonds. Elle n’a pas froid aux yeux, la fille aux cheveux de feu. Sa franchise en fait plier plus d’un. Elle parle à tort et à travers, le tact ne fait pas partie de ses connaissances. Elle en blesse beaucoup en ne s’autorisant aucun filtre, mais elle est comme ça ; une bavarde hyperactive trop sincère pour être aimée de tous.

¤ Alors que ses traits fins et doux la rendent élégante et jolie, elle préfère tomber dans la boue plutôt que s’apprêter convenablement. La superficialité, elle l’exècre au plus haut point. Alors, parfois, des imbéciles la traitent de garçon manqué… sans savoir, semble-t-il, qu’elle n’en a absolument rien à faire de leurs avis.

¤ Toujours perchée sur ses patins à roulettes, elle se débrouille comme un as, filant à une vitesse difficilement rattrapable. Néanmoins, elle n’est pas tellement douée pour d’autres sports que celui-ci, ayant plutôt l’âme d’une artiste. Plus jeune, elle faisait de la danse classique. Discipline qu’elle a finalement détestée, la trouvant bien trop exigeante et pointue. Alors, elle s’est tournée principalement vers le dessin. Elle a un véritable talent pour ce domaine… talent malheureusement incompris. En effet, la jeune fille laisse bien souvent son crayon de papier s’acharner à produire des œuvres totalement abstraites, explicables seulement par son esprit décalé. Toute fière de montrer son travail, elle n’a jamais compris pourquoi ses géniteurs n’affichent strictement aucun de ses dessins dans la maison. Alors, elle les expose dans sa chambre, dont les murs sont désormais couverts de feuilles colorées à l’excès.

¤ Jaimie, c’est la douceur qui recueille les brebis égarées. Au lycée, elle a déjà sa place, bien intégrée parmi ses camarades. Alors, quand l’un d’eux se retrouve à manger tout seul, nouveau rejeté de tous, elle va le voir. Elle lui propose de rejoindre sa table ou bien s’installe face à lui. Elle ne supporte pas la solitude, alors elle fait toujours en sorte d’en épargner les autres.
 
¤ La comédie est devenue sa deuxième passion, il y a très peu de temps. Lors de son entrée au lycée, elle s’est immédiatement intéressée à la troupe de théâtre dont son professeur d’anglais lui a bien vite parlé, face à son enthousiaste communicatif. Elle l’a intégrée très rapidement et s’y épanouit totalement, heureuse de pouvoir, pour un temps, abandonner son propre rôle dans cette grande pièce qu’est la vie.

Ils sont allongés sur l’herbe fraîche du printemps, les bras sagement repliés sous leur nuque. Ils rêvent, contemplant le ciel bleu strié de quelques nuages. Parfois, Al vient renifler leur visage, leur arrachant des rires d’enfants heureux, profitant des rayons du soleil venant caresser leurs paupières closes. « Dis, Jaimie… tu crois qu’on restera toujours amis ? » Elle ouvre les yeux et se redresse quelque peu, contemplant le garçon installé à ses côtés. « Tu rigoles ? On restera toujours meilleurs amis, c’est sûr ! » Il ouvre un œil, un air épanoui collé à la peau. « Alors je vais devoir supporter ta petite tête d’idiote encore longtemps, zut… » « Eh ! » Faussement vexée, elle lui donne un coup de coude dans les côtes, lui arrachant un gémissement plaintif. « Je sais que tu ne peux pas te passer de moi. » Elle s’allonge à nouveau, un sourire lui bouffant la moitié du visage.

¤ Jude, c’est ce garçon qu’elle côtoie depuis sa plus tendre enfance. Des voisins s’entendant à merveille, il était écrit dans les étoiles que les deux enfants deviendraient les meilleurs amis du monde. Un duo inséparable, aussi agaçant qu’attachant. Ils se disputent à longueur de temps, pour trois fois rien. Font tourner les adultes en bourrique à force de faire des bêtises. Jude, il suit la demoiselle dans toutes ses frasques sans se poser de questions, ne riant jamais autant qu’avec elle. Et pourtant, l’entrée au lycée semble signer le départ d’un nouveau tournant dans leur relation. Alors que la rouquine s’y sent parfaitement à l’aise et sympathise avec toutes les classes sociales, Jude, lui, semble vouloir se démarquer. Il sélectionne minutieusement ses fréquentations, désireux de se dresser en haut de l’échelle, et ce, dès la première année. Il tente d’emmener sa meilleure amie à sa suite dans son ascension, essuyant son incompréhension quant à son changement de comportement. D’ailleurs, en grandissant, Jude n’est plus si sûr de croire dur comme fer à l’amitié fille-garçon. Son accompagnatrice de toujours semble adopter une nouvelle place dans son cœur, fait l’effrayant au plus haut point. Les rumeurs quant à une possible relation amoureuse entre ces deux-là n’aident pas ; il semblerait qu’au lycée, fréquenter un garçon depuis toujours soit forcément synonyme de couple. Inutile de préciser que Jaimie ne comprend strictement rien à cette logique apparemment irréfutable.