Le film venait de se terminer alors que j’étais sur le point de m’endormir. Oh c’est pas que c’était nul,
La Mort aux trousses, ça restait un classique et quelque chose d’assez exceptionnel pour l’époque. Non c’est juste qu’il commence à être sacrément tard, et avec une journée de travail dans les chaussures, la journée finissait par s’étirer. Sur le point de mettre le contact, je constate que la voiture de devant fume, et c’est une fumée qui fait pas mal peur, bien noire, bien puante, quelque chose dont on pas forcément envie de subir quand on est fatigué et qu’il minuit et demi. La voix du propriétaire se fait entendre : c’est une femme. Je capte un instant son visage dans la lumière de mes phares… Non, sérieux ?
Mallory. Gamine, c’était la même tête. Voilà un petit moment que je savais qu’elle était revenue à Aster, mais j’avais fini par me dire que chercher à lui reparler était une mauvaise chose. Le passé c’était le passé, une amitié pendant l’enfance, ça n’a rien à voir avec une amitié en tant qu’adulte, non ? À bon essayer de recréer quelque chose qui s’était terminé naturellement.
Quand bien même, je n’allais pas la laisser là. Rentrer à pied à cette heure-ci, avec ce qu’on pouvait lire dans les journaux, ça faisait pas envie. J’étais déjà descendu de ma voiture, enfin de la voiture de mes parents tandis qu’elle avait les yeux sous le capot de la sienne. Comment me présenter ? Anonymement ? Lui dire mon prénom directement ? Faudrait pas non plus que je lui fasse peur là dans le noir, qu’elle se retourne et qu’elle me mette une mandale en me prenant pour un agresseur. Non je vais l’appeler déjà par son prénom, ça va la rassurer hein ? Ou alors elle va me prendre pour un psychopathe qui connait le nom de toutes les femmes de la ville.
« Mmmallo… Mallory ? Euh, on était à l’école ensemble, Trent, dis-je en me pointant du doigt comme si je m’exprimai dans une langue étrangère.
Enfin bref, c’est pas important… T-Tu… tu veux que je te ramène chez toi ? Je vois bien que t’as un souci avec ta voiture ; puis comme c’est pas à cette heure-ci qu’un dépanneur va se déplacer, voilà je me propose quoi. » De toute façon, à par dormir dans sa voiture, il ne lui restait pas beaucoup d’options : en quelques secondes seulement, le drive-in s’était vidé de ses clients et du projectionniste. J'étais pour ainsi dire, son seul espoir.
@Mallory Page