(m) Alfonso Herrerra - i search for it, and always find it

Emilio Villanueva aurait dû devenir homme de Dieu et a bien failli, fût un temps, renoncer à la vie du monde pour embrasser l’habit sacré. Tout petit, sa mère l’a fait baptiser, l’a emmené à la messe - où se réunissaient tous les enfants du quartiers, malgré la violence qui éclataient régulièrement dans les rues de Mexico, livrée aux gangs et aux cartels, anciens ou émergeants. C’est de lui-même qu’Emilio a continué le catéchisme, a passé quelques journées, voire semaines au séminaire le plus proche, envisageant sérieusement d’enfiler la robe de serge noire Il avait pour habitude de brosser soigneusement celle du prêtre de sa paroisse, avant la mess, quand il était enfant de coeur. L’odeur qui s’en échappait, fait d’encens, de myrrhe et d’autre chose, de quelque chose de sacré, lui emplissait le coeur d’une joie sincère, pure. Une joie qu’il n’a plus connu par la suite.

Il y en a eu d’autres, bien sûr, des morceaux de bonheur arrachés après avoir passé la frontière, après avoir obtenu des papiers, grâce à son oncle, à l’âge de douze ans. Parlant tout juste anglais, Emilio fut raillée et travailla dur, très dur pour apprendre la langue pour effacer son accent marqué - mais il ne pouvait rien faire contre les boucles noires et le teint halé, témoins vivaces d’une enfance passée dans les rues de Mexico. Alors Emilio a appris, Emilio a redoublé d’effort, malgré les bagarres, malgré les insultes, malgré les drôles de regard, dans la petite supérette de son oncle, pour l’enfant immigré, le petit sans-papiers. Il aurait pu apprendre à détester ces gens mais il préféra les ignorer, d’abord, par protection, puis il finit par pardonner. C’était ce qu’on lui avait appris, après tout, pardonner, passer l’éponge.

Sa fierté n’en resta pas moins blessée, et Emilio décida, dès ses douze ans, de devenir le meilleur de sa classe. Puis, avec plus de précision, il se proposa d’obtenir une bourse pour entrer à l’université et l’obtint - une magnifique bourse au mérite, ses études entièrement financée, un véritable honneur pour sa famille. S’en suivirent plusieurs années de succès - l’université, d’abord, puis le barreau, puis la place dans un grand cabinet de Los Angeles. Le mariage, également. Olivia, la voisine du quartier, qui habitait à côté de chez son oncle. Olivia, qui l’avait aidée à perfectionner son anglais, qui lui avait donné envie de faire du droit, de devenir avocat, de servir à quelque chose. Olivia, sa meilleure-amie, puis petite-amie, et enfin sa femme. Olivia, renversée par une voiture trois ans après leur mariage, plus de dix ans après leur première rencontre. Elle avait voulu faire quelque chose de bien - empêcher un homme de s’enfuir. Il avait préféré lui rouler dessus. Ce moment-là, ce moment précisément, envoya Emilio en enfer.