Zoe Hughes, ou Hughes Zoe, c'est comme vous voulez.

Comme après chaque cours, Zoe rentre chez elle à pieds. Elle pourrait prendre son vélo, c’est plus rapide. En fait non. Déjà, elle n’a pas de vélo, mais en plus sa mère lui dit que « ce n’est pas convenable pour une jeune fille ». En revanche, son petit frère de 14 ans peut y aller avec son vélo sans problème. L’adolescente est agacée par la différence que ses parents font entre elle et son frère. Puisqu’elle est la grande sœur, c’est elle qui doit être responsable, qui doit aider ses parents à la maison. Enfin, plutôt parce qu’elle est une grande sœur et non pas un grand frère. Elle est persuadée que sa vie aurait été toute autre si elle avait été un garçon. Pendant ce temps, son frère joue tranquillement avec ses amis dehors, trainant dans les rues d’Aster Cove.

Aster Cove. Cette ville, elle la connait par cœur. La jeune ne connaît d’ailleurs que cette ville puisqu’elle n’en est jamais partie. Sa famille y vit depuis tellement longtemps qu’elle a perdu le fil de son arbre généalogique. Comme beaucoup de foyers dans Aster Cove, sa mère ne travaille pas pour s’occuper de la maison et c’est son père qui nourrit la famille avec son magasin spécialisé dans le sport.

Le sport. Ironiquement, elle ne peut pas en faire, toujours parce que « ce n’est pas convenable pour une jeune fille ». A part la danse et le cheerleading, l’adolescente n’a pas l’autorisation de ses parents pour faire du sport. Pourtant, Zoe aimerait faire du basket ball, sport qui l’intéresse énormément. Elle connaît toutes les règles, les différentes techniques et s’entraine secrètement après les cours. Elle pense être faite pour le poste d’ailier, mais elle ne peut pas faire ses preuves malheureusement.

Bref, Zoe rentre des cours.

Elle commence d’abord par enlever ses chaussures et enfiler ses chaussons, pour éviter de salir la maison, qui ressemble plus à un catalogue de meubles qu’à une vraie maison. C’est à se demander s’il y a de la vie dans cette maison si impeccable. La maison, Zoe ne l’apprécie pas plus que ça. Certes, elle a grandi dans cette maison, mais elle a surtout subi de la pression de ses parents pour être la petite fille parfaite qu’ils attendent. Pendant longtemps, et encore maintenant, Zoe s’applique à être irréprochable, mais ses parents ont toujours quelque chose à lui reprocher. Cette maison ne connaît pas les fous rires que certaines familles peuvent avoir, ce qui n’aide pas la jeune à l’apprécier.

Elle passe ensuite par la cuisine pour se prendre un goûter. Son choix se porte sur une pomme verte, bien acide comme elle aime. La lycéenne décide ensuite de faire ses devoirs, telle la jeune fille respectable qu’elle se doit d’être. Elle se demande d’ailleurs pourquoi elle devrait être si bonne en cours alors qu’elle va finir femme au foyer désespérée, comme sa mère.

Lorsqu’elle a fini de tout réviser, il est l’heure d’aider sa mère pour faire à manger. Au menu de ce soir : rôti de bœuf, purée de pommes de terre et petits pois. Un repas classique quoi. Pendant que sa mère assaisonne le rôti, Zoe épluche et coupe les pommes de terre. Repas cuit, servi à table. Prière obligatoire pour remercier Dieu pour ce repas avant de l’entamer. Zoe est plutôt d’avis à ce qu’on la remercie elle et sa mère pour l’avoir fait, mais bon, elle n’a pas vraiment le droit de parole sur un sujet aussi sérieux que la religion. Finalement, elle prend sa douche, se tartine de crème hydratante, se met en pyjama et lit un livre jusqu’à vingt-et-une heures, puis s’endort.

Mais surtout, Zoe étouffe. Elle n’en peut plus de cette vie bien rangée, tranquille. Sa vie est encore plus routinière que celle de ses grands-parents ! Zoe aspire à autre chose, à quelque chose de plus grand. Elle veut pouvoir dire tout ce qu’elle pense, faire ce qu’elle veut sans avoir d’interdiction simplement parce qu’elle est née avec un vagin. Mais l’adolescente ne sait pas comment faire, encore emprisonnée dans la petite case que son éducation lui a laissée. Pour se révéler entièrement, il lui faudrait un nouveau souffle. Mais ce nouveau souffle est difficile à avoir dans une petite ville comme Aster Cove.