Comment devient-on "connard" ? La question est plutôt pertinente ! Chacun d'entre nous l'a déjà ressenti. Une rencontre dans la rue, dans un magasin, en voiture ? Pourquoi ce mec en est-il arrivé à être un si gros enfoiré ? Pourquoi cette fille est-elle si hautaine ? Notre entourage est parsemé de ces petits gens que nous ne pouvons voir du bon oeil... Et pourtant ! Le monde ne vit pas qu'à travers nos yeux individuels. Il est un ensemble de points de vue. Un tissage d'histoires complexes que nous ne pouvons toutes appréhender... Il est en effet facile d'observer les choses comme nos yeux semblent nous les montrer. Prendre cet homme pour un connard, car il agit comme tel avec vous... Les choses sont pourtant ce qu'elles sont pour une raison, et que vous souhaitiez l'entendre ou non, chaque connard possède son histoire !
"L'homme est naturellement bon" disait Rousseau. La société cependant le corrompt... Voilà une citation qui te va à ravir mon cher Stan ! Je t'ai connu dès nos premiers pas. Nos parents s'étaient rencontrés lors de leur emménagement à Aster Cove, ils étaient tous nouveaux dans la ville. Ce fut là le début d'une longue amitié, qui ne put que s'intensifier à notre naissance. Nous avions cinq mois d'écart, et l'école d'Aster Cove nous tendait les bras. Nous ne pourrions pas dire que tous les problèmes avaient commencé ici. Bien au contraire ! Tu étais un garçon avenant, gentil avec tous tes camarades, avide de bonnes actions et de liens sociaux. Oh ça, tu avais toujours été bon pour te trouver des amis... Peut-être ce don ne fut-il pas toujours utilisé à bon escient... Quoi qu'il en soit, rien n'avait pu te disposer à finir comme tu en es arrivé aujourd'hui. Tes parents ne t'ont jamais battu : les Alessandro ont toujours été de bonnes personnes, parfois un peu sur les nerfs comme ton arrière-grand-père, mais toujours de bon coeur... Que diraient-ils en apprenant ce que tu es devenu ?
Ton premier goût du pouvoir devait être arrivé lors de notre entrée en 6th grade... Tu n'avais jamais été perdu malgré la nouveauté, et cela avait fait ta force. Déjà entouré abondamment, tu appris rapidement à ne pas recevoir la méchanceté naissante des nouveaux préadolescents... Cette dernière pouvait être dévastatrice pour des esprits faibles, mais toi tu t'en étais parfaitement sorti. Ce fut probablement lors de cette année que nos chemins se séparèrent. Tu étais un garçon très actif, aimant par-dessus tout ne jamais s'ennuyer. Tu ne pouvais vraisemblablement pas te promener seul, au risque de te faire chier... Dans mon cas, petite fille timide que j'étais, mes connaissances se comptaient sur les doigts de la main ! Tu étais ainsi rentré sans réellement le savoir dans un certain panier de la microsociété qu'était la vie scolaire... Cette petite lutte de pouvoir restait bien évidemment bon enfant à cette époque ! Mais comme tout tyran, le désir de puissance surpassa les limites de l'acceptable...
En 7th grade, tu entras dans la petite équipe de football de l'établissement. Rien de très épatant... Suffisamment cependant afin de faire monter ta côte, ce qui semblait te réjouir. À cette époque, le jeune Stan avenant et amical n'avait pas encore mis les voiles. Tu étais resté quelqu'un d'appréhendable, et il arrivait que l'on parle ensemble de notre enfance commune ! Certains de tes amis cependant avaient déjà attrapé le virus du "connard"... Oh nous parlions là de "petit connard", celui qui n'use encore que de ses mots, mais ils restaient une sous-catégorie des dangereux élèves... Tu te contentais de les ignorer la plupart du temps lorsqu'ils s'acharnaient trop longuement, te contentant parfois de rire avec eux. Peut-être auront-ils eu finalement raison de toi ? Certains ayant suivi ton parcours pourraient le penser, mais moi, qui te connaissais tout particulièrement, savait pertinemment que les larbins du collège n'avaient jamais eu assez de pouvoir afin de te faire tomber dans la merde sociale que tu es aujourd'hui ! Oh non, tu n'es pas de la classe des "influencés", ceux-là même ne comptant que sur les autres pour leur apprendre à faire le mal... Non, toi tu es né influenceur. Les plus dangereux... Ceux qui ne suivent pas. Ceux qui inventent, ceux qui innovent et propagent le mal et le harcèlement... Évidemment, nous ne pouvions pas encore parler de telles proportions à cette époque, mais il ne s'agissait là que du début de ton histoire.
Il est drôle de se dire que ta première utilisation de la force brute fut porté vers le bien ! À vrai dire, le 8th grade n'avait pas encore totalement fait de toi une ordure. Du moins, en début d'année ! Tu t'étais occupé personnellement de deux collégiens ayant eu la joie de me racketter à la sortie des cours... Le temps de quelques jours, mon immense connerie m'avait fait tomber amoureuse de toi... Je compris bien mon erreur en observant attentivement ta déchéance -ou si l'on en croit la classe supérieure de la vie scolaire : ton ascension-. Tu avais compris que le nombre était important... Si une cour docile se formait autour de toi, tu ne pouvais qu'être le roi ! De même, tu savais pertinemment être plus costaud que la moyenne des élèves de ton établissement. Aucune crainte d'une possible agression ne parcourait ton esprit. Ce fut probablement dans ces eaux-là que tu fis la connaissance de Kenny Holland... Vos regards devaient bien s'être déjà croisé dans les couloirs, mais vos deux personnages ne s'étaient jamais mis en relation. Kenny était le réel roi du collège en ce temps. T'allier à lui avait considérablement fait évoluer ta manière de percevoir les choses. Tes ambitions avaient grossi... Elles en étaient rapidement devenues obèses, ne souhaitant que régner sur ton petit royaume et vivre paisiblement sur ces piliers faits de malheureux... Ce fut Kenny qui t'initia au rackette... Après tout, c'était là ta destinée ! Tu avais seulement eu besoin de la bonne personne afin de t'y faire parvenir, et le jeune Holland était idéal.
Où était donc passé le gentil Stan ? Rousseau vous le dira : il était mort... Corrompu... Tabassé par l'exemple de société que le collège et la vie scolaire offraient ! Une copie assez conforme de ce qui l'attendrait une fois sorti du cadre dans lequel il baignait déjà... À vrai dire, il ne me semble pas que le racket ait été un jour ta priorité. Kenny était un roi dans cette catégorie, toi tu n'en avais pas vraiment besoin. Du moins, pas matériellement... Ta préoccupation était le pouvoir. Te sentir à l'aise et sans tracas dans une petite société difficile. Le racket agissait ainsi comme un moyen de pression. Une ombre de peur que tu pouvais insuffler sur la "populace"... Sur les moutons... Sur nous... Ton expérience du pouvoir et de la terreur évolua grâce à Kenny. Ce garçon, il me semble que tu l'adulais... Bien trop sûrement. Tu devais énormément apprécier sa détermination, sa rage de réussir dans une société de merde ! Nous pourrions aisément dire que tu auras été l'un de ses plus fervents partisans, et ce jusqu'à la fin de son règne. Oui, jusqu'au jour de sa retraite... Nous ne savons pas réellement ce qui s'était passé ce jour-là, peut-être le sais-tu, mais Kenny Holland avait quitté le pouvoir. Ton temps était venu...
Tu ne souhaitais pas faire les mêmes erreurs que ton prédécesseur, et je l'avais rapidement remarqué. Que trop bien d'ailleurs... La peur inspirée par Kenny Holland avait essentiellement reposé sur les coups et la force brute. Si cette dernière était toujours de mise avec la nouvelle génération de harceleurs, tu avais définitivement ajouté une seconde tendance : la pression morale et sociale... La force brute ne pouvait pas toujours empêcher les petits moutons de parler. D'aller répéter vos agissements à une plus haute autorité. La force morale et sociale cependant les faisait complètement taire... Tu usais généralement de tes relations afin d'écraser la réputation de tes adversaires. Rumeurs de couloirs en couloirs, petits mots laissés dans les casiers... Toi et tes amis avaient parfaitement compris comment opérer ! S'amuser du système et jouer avec les plus faibles. Je le compris parfaitement à mes dépens, lorsque votre petit jeu me tomba finalement dessus. Peut-être avais-tu jugé que notre lien était désormais trop éloigné pour me retirer de ta liste de victime... Si tu arrivais aisément à briser la réputation de filles populaires telle que River O'Leary, quand était-il de moi, une des nombreuses petites brebis enfermée dans l'enclos de cette microsociété ?
Tu m'auras tout simplement détruit... Les photos compromettantes semblent être le dada de tes acolytes. D'autres filles comme moi ont dû l'apprendre aussi. Tu t'étais appliqué à m'écraser. Me faire comprendre que je n'étais rien, que je ne servais qu'à grossir les rangs du système scolaire... Tu m'avais de même fait comprendre qu'en se soumettant à toi, personne d'autre n'aurait le droit de me faire de mal... En somme, tu comptais sur une ébauche de syndrome de Stockholm, couplé à une pression morale, sociale et physique afin de te hisser au sommet de la misère. Une dernière forme de pouvoir vint finalement gonfler tes idées saugrenues lorsque tu touchas pour la première fois au cannabis... Plus encore que te faire gagner de l'argent, il s'agit surtout là d'une forme de dépendance à ta personne par tes consommateurs...
Tu es un sociopathe de la cours de récréation, et tu es né pour l'être.