Lorsqu'Andrew voit le jour au milieu de l'hiver 1964, chacun y va de sa petite espérance : son père imagine un héritier brillant pour son entreprise en plein essor, sa mère prie pour la consolidation de son couple grâce à l'aventure de la parentalité. La déception frappe rapidement les deux parents : l'enfant est trop jeune pour intéresser le père, la mère est seule lorsqu'elle voit son fils faire ses premiers pas. Malgré la déception, elle l'aime pourtant, animée par cette force étrange et inexplicable - l'instinct maternel.
Alors la mère, elle fait l'effort de faire semblant. Lorsqu'elle est avec son fils, elle écoute ses poèmes avec un sourire bienveillant. Lui, il joue le jeu. Il prétend qu'il ne sait rien de l'alcoolisme de sa mère, du désespoir qui ruine la beauté de son regard féminin, et il lui répète de sa petite voix d'enfant combien elle est belle. Ensemble, mère et fils jouent la comédie comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, et ils s'aiment comme ils le peuvent au milieu de ce malheur étouffé.
Le père, - lorsqu'il prend le temps - élève son fils comme le meilleur. Il lui apprend l'essentiel : la puissance de son nom. L'enfant comprend trop vite le privilège de ce statut. Il se met à tester les gens pour les faire plier sous l'influence de ce pouvoir familial, et il prend rapidement goût à cette domination facile. On l'admire et on le craint, souvent les deux à la fois. Il domine la cour d'école et persécute sans remord, se montre odieux avec les domestiques jusqu'à ce qu'ils cèdent à ses caprices, il charme et conquiert avec une insolence qui lui réussit.
A la veille de ses 16 ans, le prodige rayonnant que rien ni personne ne semble pouvoir ébranler met pourtant un genou à terre. Sa mère s'est suicidée. Soit, après 3 jours de silence où il s'enferme en réclamant la solitude la plus totale, il se reprend et se décide à jouer la comédie tout seul. Il tord le cou à la tristesse sans lui laisser le temps de prendre la moindre place dans son cœur, et organise une fête sans précédent pour son anniversaire. A partir de ce jour bien particulier, Andrew manque de repères et perd la notion des limites. Plus rien ne peut l'arrêter, pas même ce prof de math qui provoque son redoublement lors de son 10th grade.
Il y a quelqu'un qui l'interpelle pourtant au moment où il s'y attend le moins. C'est Victoria, un niveau en-dessous du sien. Ensemble, ils forment le couple parfait pendant 2 ans. Le patriarche Dean lui-même le reconnait. Andrew lui accorde pourtant peu de considération, simplement parce qu'il n'a jamais eu à faire le moindre effort, la moindre concession, pour qui que ce soit. Il continue de vivre au gré de ses désirs, par habitude. Personne ne se rend compte du semblant de stabilité qu'elle apporte à Andrew. L'animal n'est pas dompté facilement, et sa nature capricieuse n'aide pas Vicky à trouver les bons mots pour se faire entendre. Pourtant, les rares fois où il parvient à se confier à elle, il a cette impression étrange qu'elle est spéciale. Qu'elle est meilleure que les autres. Il l'aime, peut-être.
Il ne voit pas le coup venir lorsque Victoria le quitte. Il est trahi, n'en revient pas, hésite longtemps entre la rage et le désespoir. Furieux qu'on lui résiste, il se met à la haïr autant qu'à la désirer. Victoria devient son caprice le plus farouche. Incapable de faire son choix, il médite sa prochaine action. Animé par une rancœur passionnante, qui sait de quoi l'héritier Dean sera capable ? Tout lui réussit aux côtés de son père qui lui apprend les secrets de l'entreprise. Cette fille, c'est la seule tâche qui persiste sur le tableau. Une tâche qu'on corrige, ou qu'on efface - à défaut.