Dans la petite ville d'Aster Cove, des choses étranges se passent...

 
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 there's a truth somewhere in there • Kenny

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MessageSujet: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyMar 20 Nov - 20:14

 « Eh, gamin ! » Est-ce que c’est vraiment un gamin, le truc dégingandé qui se trimballe là, à quelques dizaines de mètres ? Arleen est incapable de lui donner un âge - la vingtaine certainement. On lui a dit qu’il traînerait par-là. Kenny Holland, c’est son prénom, du moins Arleen pense qu’il s’agit de son prénom. Elle a toujours eu du mal à les retenir, les prénoms des vivants. C’est beaucoup plus facile quand tu en inventes celui d’un fantôme qui soit disant se promène dans ton appartement. Arleen trottine sur quelques pas, le souffle court à cause de la cigarette qu’elle vient d’inhaler et sur laquelle elle tire une nouvelle fois, fumant allègrement comme un pompier. « Eh, t’enfuis pas, j’vends ni des bibles de la drogue. » Et le pire, c’est qu’elle ne blague même pas, considérant que les hommes de foi sont même pire que les dealer de drogue. Mais le gamin devant elle, qui s’est retourné face à son insistance, n’a pas l’air d’un sainte-nitouche. C’est un beau type, pour son âge, assez grand, pas mal foutu malgré ses membres longs et son air renfrogné. « T’as toujours l’air méchant comme ça, quand des inconnus t’abordent dans la rue ? » Un sourire narquois fini par étirer les lèvres d’Arleen et elle jette sa cigarette sur le trottoir, l’écrasant du talon. Elle n’a pas de temps à perdre - elle n’a pas non plus envie de se laisser happer par le truc étrange qui entoure ce gamin et toute cette foutue ville.

« Bon, dis-moi, c’est toi Kenny Holland ? C’est bien ça le nom, Holland ? On m’a parlé de toi en ville et je te cherche depuis deux heures. Qu’est-ce que tu fous au milieu de la journée à traîner d’ailleurs ? » Arleen fouille d’une main dans sa poche, en tire un paquet froissé puis une cigarette qu’elle allume. Semblant y penser après coup, elle tend le paquet vers le gamin - qui, vu de près, n’est pas franchement un gamin. « Non, en fait je m’en fous de ce que tu fais dehors, je suis pas ta mère. Mais j’ai des questions à te poser. » Et elle n’attend pas de savoir s’il veut bien y répondre ou s’il préfèrerait se barrer. D’un geste négligé, elle enfonce son vieux paquet dans sa poche - elle l’aura certainement fumé et détruit d’ici ce soir et il faut qu’elle pense à en racheter. Et, avec toute la délicatesse du monde, Arleen laisse tomber sa bombe. « C’est bien toi le gamin qui a disparu ? »

On parle beaucoup, dans cette ville. Les potins vont bon train et, si Arleen ne parle jamais, si elle ne fait que passer, son oreille traîne devant les portes ouvertes des boutiques et des salons, traîne près des tables au café, au pub, au restaurant. On entend parfois les gens parler des disparitions, entre deux allées du Walmart, entre deux vitrines de la galerie marchande. On en parle partout et nulle part à la fois, on parle beaucoup pour ne rien dire, pour raconter qu’un gamin et mort, que le prof aurait été dépecé, qu’on les a retrouvé mais que c’était une fausse alerte, qu’ils se sont volatilisés. Arleen n’est pas certaine de savoir quoi penser de cette ville et de ses habitants : après tout, elle vient d’arriver et personne ne lui dira ouvertement que quelque chose se trame à la lisière de la forêt, dans la brume, dans les rues sombres. « Je suis pas journaliste, je fais pas partie de la police, ni du gouvernement, mais ça, tu l’avais certainement déjà deviné. Tu prendras certainement ça pour de la curiosité mal placée mais je m’en fiche. Je veux que tu me racontes ce qui t’es arrivé. » Nouvelle bouffée de cigarette, nouveau grésillement de papier grillé. « Je peux pas te donner d’argent, j’en ai besoin. Je peux te payer un bière, même un whisky si tu veux parce que vu ta taille, tu dois être majeur. Mais j’aimerais savoir ce qui t’es arrivé. » Cigarette, fumée, cigarette. À travers l’écran opaque qui les entoure un instant, Arleen croit distinguer une silhouette, là, derrière le garçon. Elle sait qu’il n’est question que d’un instant, un bref passage, une ouverture. Ce n’est pas un homme, qui se tient là, ce n’est pas même une chose. C’est sombre et froid et un frisson parcourt la peau de la jeune femme quand ce qui semble être la tête se tourne lentement dans sa direction. Elle cligne des yeux, et la chose disparaît, oubliée.
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyMar 27 Nov - 12:13

Pour être tout à fait honnête, sa journée avait bien commencé. Réveil tardif aux lueurs du soleil, café bien chaud et pain de mie grillé, Kenny avait pris le temps de se détendre avant de mettre le nez dehors. Ça avait marché, d’ailleurs : lorsque les premières caresses du vent s’étaient faites sentir contre sa peau, un léger sourire avait bourgeonné sur ses lèvres et, pour la première fois depuis trop longtemps, il s’était senti parfaitement calme. Ce n’était pas courant, ces temps-ci, avec tout ce qui se passait, tout ce qui lui revenait, et il avait été parfaitement satisfait de l’instant. Objectif de la journée : se complaire dans ce sentiment et, surtout, ne penser à rien qui puisse nuire à sa bonne humeur. Jusque-là il s’en était très bien sorti. Vraiment. Ses pas le menaient tranquillement au refuge, qu’il avait déserté depuis trop longtemps, une cigarette dansant entre ses lèvres, démarche joviale et posture relaxée.

Et c’est là, comme par malédiction, que tout était parti en vrille. C’est là qu’elle avait débarqué. Une interjection jetée à son visage au beau milieu d’une rue déserte, une femme brune dont les traits blasés lui donnaient un air assuré, saphirs pénétrants en guise de regard, elle s’était avancée vers lui avec une détermination révélatrice. Elle savait qui il était, apparemment. Pas lui. Ce manque de réciprocité des savoirs fut peut-être la raison pour laquelle il se tourna vers elle, ou peut-être fut-ce un simple manque de jugeote, toujours est-il qu’il regretta sa décision dès ses premiers mots.

« Eh, t’enfuis pas, j’vends ni des bibles de la drogue. »

Sa jovialité venait de prendre un mauvais coup, son tempérament naturel revenant au grand galop. Il leva les yeux au ciel, tirant méchamment sur sa cigarette pour mieux soupirer sa fumée. Finalement, il n’était peut-être pas trop tard pour se barrer. Ce n’était pas l’envie qui manquait : cette nana était en train de lui promettre un mauvais moment.

« T’as toujours l’air méchant comme ça, quand des inconnus t’abordent dans la rue ?
- Quand on me fait chier avec des opinions dont je me branle, ouais. »

Haussement de sourcil hostile contre sourire narquois, les deux interlocuteurs s’affrontèrent en un regard. Kenny était mécontent. Qu’est-ce qu’elle lui voulait ? Il n’avait rien fait de spécial pour attirer l’attention ces dernières semaines, demeurant au contraire étonnamment sage, et il ne voyait pas pourquoi une obscure inconnue se sentait obligée de venir gâcher son moment de tranquillité. Au moins ne le laissa-t-elle pas longtemps dans l’ombre.

Ses motivations restaient obscures mais une chose était claire : il était bien son objectif. Pourquoi, il n’en savait rien et s’en moquait pas mal. Non, tout ce qui lui importait, c’était qu’elle dégage, qu’elle le laisse tranquille. Sa question, toutefois, ne manqua pas de l’agacer.

« Quoi, j’suis censé venir te d’mander quand j’veux sortir, c’est ça ? J’ai pas de compte à rendre aux dernières nouvelles. », grogna-t-il.

L’avenir radieux de sa journée se ternissait de seconde en seconde. La nouvelle venue n’en avait sans doute aucune idée, elle avait par ses propos appuyé sur un sujet sensible, un champ de mines qu’elle venait allégrement de faire exploser. Son frère en avait fait un point douloureux, une blessure qu’il avait refusé de regarder et qu’il refusait toujours de voir.  Ses épaules se tendirent, son regard se durcit et c’est avec une moue agacée qu’il tira de nouveau sur sa cigarette, cherchant dans l’amertume de sa fumée un repos qu’on ne lui offrirait pas.

La question suivante plia sa Marlboro en deux. Il manqua de se brûler, jura, écrasa la malheureuse sous un talon vengeur. Ses yeux se plantèrent dans ceux de son interlocutrice avec rage, rancœur. Sérieusement ? On en était encore là, après six mois ? Walter se faisait-il encore arrêter dans la rue, lui aussi, presque un an après son retour ? Si c’était le cas, il le jurait devant tous les dieux, quelqu’un essuierait un mauvais coup avant la fin 85. Sa patience était déjà mise à rude épreuve. Il n’avait pas besoin de plus.

La menace de son regard aurait d’ordinaire suffit à éloigner un importun, eut-il eu une once d’instinct de préservation. A croire que son vis-à-vis ne savait même pas épeler ce terme. Elle poursuivit allégrement son laïus, avoua même franchement qu’elle se moquait de son opinion, cherchant juste à obtenir de lui ce qu’elle désirait. Ouais, curiosité mal placée, c’était exactement ce qu’il pensait. Et il avait raison. C’était qui, cette connasse ?

« Je peux pas te donner d’argent, j’en ai besoin. Je peux te payer un bière, même un whisky si tu veux parce que vu ta taille, tu dois être majeur. Mais j’aimerais savoir ce qui t’es arrivé. »

Il cracha un rire incrédule, secouant la tête en fixant l’intruse. Rêvait-il ? Ce n’était pas humain, d’être aussi malvenu, si ? Ravalant la bile qui lui remontait la gorge, il asséna un visage sombre de colère à son interlocutrice, poings serrés à s’en faire mal. Le déluge d’images qu’elle avait provoqué défilait devant ses yeux, bobine infernale projetée dans son esprit, vive et violente, souvenirs trop nets et douleur trop récente. Il sortit une nouvelle cigarette de son paquet rouge.

« Je vais vous donner une réponse, rétorqua-t-il, agité. Une réponse simple, comme vous d’vez les aimer. »

Ses lèvres se retroussèrent de rage tandis qu’il glissait le bâton blanc et brun entre ses dents, et il se pencha vers elle pour mieux persiffler :

« Allez vous faire foutre. »
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyMar 4 Déc - 20:27

Instinctivement, Arleen aime le gamin. Elle est horrible et elle le sait, mais s’attarder sur les malheurs des autres comme sur les siens n’est pas sa spécialité. Ce qu’a traversé le jeune Holland était certainement horrible, si l’on en croit la presse et les informations qu’elle a pu glaner, ici et là, mais au final, elle ne sait pas grand chose. Personne n’a la vérité sur ce qui est arrivé au jeune homme ou sur ce qui se passe dans cette ville. Arleen chercher rarement la vérité - l’argent, la facilité, l’arnaque, voilà ce qui l’occupe, en général, ce qui fait travailler son cerveau. Est-ce qu’elle a des scrupules ? Aucun. Impossible de savoir si les remords ou les regrets ont une place dans ce drôle d’univers faits de mensonges et de possibles réalités. Est-ce qu’elle s’en veut de déranger le gamin ? Pas le moins de monde. Elle est honnête, en plus, prête à lui payer une bière, même un déjeuner, s’il le faut, s’il est prêt à lui paler. Évidemment qu’il ne va pas rentrer dans les détails, qu’il va peut-être se cabrer - il doit y avoir là un traumatisme, quelque chose de caché, un secret qui n’a pas été dévoilé, le même secret qui a conduit Arleen jusqu’ici et qui la gardera en ville tant qu’elle ne l’aura pas découvert. Ce sont les pensées qui lui traversent l’esprit, rapidement, wagons d’un train qui ne semblent jamais s’arrêter. Et, d’une certaine manière, ce ne sont pas vraiment ses pensées propres, ses pensées à elle. Elle ne les a pas formulé comme on met les mots sur une envie de pizza : ce sont les choses qui lui viennent, les impressions, les sentiments qui parfois ne lui appartiennent pas, les intuitions qui la guident là où elle ne devrait pourtant pas mettre les pieds. Arleen regrette, un instant, de ne pas avoir plus rempli sa flasque. Ce qui est sur le point de se déchaîner lui donne envie de boire ou de hurler, au choix.

« On t’a jamais dit que t’étais censé vouvoyer les vieux ? Enfin, je m’en fous. T’as du mordant, je m’attendais pas à ça. » À quoi s’attendait-elle, exactement ? À un adolescent cassé, peut-être, brisé par une expérience dont elle n’a pas pu obtenir les détails. On sait tous, grâce à la presse, aujourd’hui, non ? Les flash infos, les journaux sagement pliés à chaque coin de rues, dans leurs grosses boîtes en mental, vendus dans les kiosques, disponibles dans toutes les supérettes dignes de ce nom. Les gros-titres sont toujours vraiment gros, les disparitions toujours inquiétantes, les meurtres toujours affreux. Les tueurs en série échappent à la police mais on sait, malgré tout, comment leurs victimes ont été tuées. Il suffit d’attendre quelques jours et voilà, tout est sur papier, parfois à la télé. Alors Arleen se demande ce qui a été dit et ce qui ne l’a pas été, ce qui est vrai, ce que le gamin avale, gardant les mots pour lui.

« Une autre ? » Elle lui tend son paquet parce qu’il vient de briser sa cigarette - du tabac se répand sur sa chemise et il manque de se brûler - mais il l’ignorer, pioche dans son paquet, rit, grogne, vraiment, animal acculé. Il y a là quelque chose, se dit Arleen. Si elle était journaliste, elle saliverait - mais elle contente de froncer les sourcils. Des choses approchent. Elle sait, maintenant, quand ça va arriver. Bien qu’elle se fasse encore parfois surprendre, c’est de plus en plus rare, et elle n’est pas surprise quand, sur la colère du gamin se colle quelque chose de visqueux. De visqueux et de noir, quelque chose de presque vivant. Elle ne saurait dire exactement d’où cela provient, si c’est un sentiment, un souvenir, un retour de baton. Peut-être les trois à la fois, mais Arleen table sur la peur - c’est toujours elle, la plus forte, celle qui se transforme en terreur et en cauchemar, celle qui colle à la peau sans vraiment partir, même quand l’on frotte, fort.

Il est un peu trop près et, délibérément, Arleen fait un pas en arrière, tirant sur sa propre cigarette. « C’est une option. Mais quelque chose me dit qu’il reste des sujets dont tu n’as pas parlé. Tu n’as pas dit toute la vérité. J’ai l’impression que tout ce qu’on entend, tout ce qu’on lit, c’est des conneries. Qu’il y a quelque chose qui te suit, métaphoriquement parlant ou non, on s’en fout, c’est pas la question. Je suis pas là pour faire un scoop, je veux savoir ce qu’il s’est passé. » Elle ne va certainement pas le convaincre, elle le sent, elle le sait. Il est trop loin, trop protégé, trop en colère pour ne serait-ce qu’avoir envie de parler - à une inconnue qui plus est. Arleen, réfléchissant, tire la flasque de son sac, en boit une gorgée, la lui tend, bien qu’elle reste un peu plus éloignée. On est pas censé proposer de l’alcool aux gens, comme ça, et c’est peut-être un drapeau blanc, parce qu’elle n’est pas douée pour ça, le social, la conversation, et ça ne marchera certainement pas, mais elle essaie. Après tout, lui dire ouvertement qu’elle entend des trucs ou qu’elle les voit là où les gens sont sourds et aveugles n’est pas une meilleure introduction. « Je sais qu’il y a un truc bizarre, ici. Quoi, exactement, je peux pas te dire. J’ai roulé trois jours pour atterrir dans ce trou pourri, et j’aimerais bien comprendre pourquoi. Et le premier nom sur lequel je suis tombée, quand j’ai commencé à me renseigner, c’est le tien. »
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyMer 12 Déc - 15:11

« C’est une option. »

La réponse est estompée par le claquement de son briquet. La flamme naissante danse dans ses iris, parfaite métaphore de la rancœur qui le consume. Kenny fixe son interlocutrice d’un regard mauvais, sourcils froncés et mâchoire crispée. Pas de quoi décourager la tarée : elle continue, insiste, persiste dans son erreur, dans son égoïsme assassin. Dieu sait que si elle n’avait été une femme, il l’aurait fait taire de son poing. Son corps tendu hurle à la violence. Il se tait pourtant, abasourdi par le culot dont elle fait preuve, presque choqué de son manque de considération pour les sentiments d’autrui. Ça, et puis les mots. Les mots qui, en dépit de ce manque de compassion, sonnent presque trop juste dans ses oreilles, les mots qui remuent trop de doutes, trop de souffrances, qui font appel à trop de souvenirs sombres et qui réveillent une petite voix trop longtemps bâillonnée. Elle souffle, cette voix, murmure et persiffle à son oreille : « Elle t’écoute. »

Et ça lui fait mal à dire, mais c’est vrai. Cela se sent, cela se voit. Elle a beau n’avoir que faire de ses états d’âme – peut-être est-ce précisément pour cela qu’elle touche juste d’ailleurs – son visage est ouvert et ses questions cherchent une réponse qu’il est seul à détenir. C’est une réalité qui plane silencieusement dans l’air qui les entoure, qui fait sourire l’importune avec assurance et le rend plus nerveux encore. Les souvenirs se heurtent et se confondent, frappent et compressent sa poitrine ; la litanie perpétuelle du personnel de l’hôpital, marquée au fer rouge dans son esprit, nuançant trop souvent sa perception de la réalité – c’est dans ta tête, c’est le traumatisme, prends tes médicaments – et la mémoire trouée, imparfaite mais viscérale, qui demeure lorsque tout le reste s’estompe, qui hante ses nuits et obscurcit ses journées, qui distille tension et panique au fil de ses pas, qui le fait reculer un peu plus à chaque fois qu’il avance. Il y a la version officielle, celle qu’il a appris à réciter par cœur même si elle lui brûle la langue, et il y a la vérité, celle qu’il tait, celle qu’il n’a pas le droit de revendiquer et qui rue contre les chaînes imposées, qui le torture dans l’espoir de pouvoir éclater. Ce que lui offre cette mégère, aussi exécrable soit-elle, c’est un lâcher-prise qu’on lui refuse depuis des mois, une crédibilité peut-être, la fin d’un secret qui le bouffe de l’intérieur.

Il tente de le dissimuler, mais le doute se fraie un chemin sur les traits de son visage. Le regard de Kenny se trouble, perdant la clarté de sa colère douchée de désarroi. Et ça se voit, il sait que ça se voit. C’est insupportable. Il prend une bouffée de sa cigarette et détourne ses traitres d’yeux, fixe le sol avec obstination. Sa respiration perd en régularité. Son pied tape impatiemment le sol. Il ne sait pas quoi faire. Il ne veut pas céder à son interlocutrice, irrespectueuse et égoïste, pourtant lui refuser ce qu’elle cherche signifierait perdre l’opportunité de se confier, rien qu’une fois, à quelqu’un qui pourrait le croire. Ses lèvres se pincent.

« En quête de vérité ? »
, finit-il par glisser, faussement moqueur.

Son regard remonte doucement vers celui de l’inconnue. Il force un sourire sardonique sur sa face blême.

« Pourquoi ? »

Un silence, une urgence.

« Il y a forcément quelque chose d'autre. »

Il a besoin de comprendre. Il ne voit pas l’intérêt qu’elle a, elle, à fouiner partout en quête d’une réalité qui a déserté la ville depuis des mois. Il ne voit pas ce qu’elle trouvera à déterrer les cadavres qui sont empilés dans les placards d’Aster Cove. Et tant qu’il ne saura pas, il ne pourra pas lui faire confiance. Il ne parlera pas. Il refuse de passer pour fou, refuse de se laisser berner par une femme qui pourrait tout aussi bien se servir de lui à des fins qu’il ignore. Kenny n’est pas assez fin, pas assez intelligent pour trouver ces réponses-là par lui-même. Il a besoin de franchise. Et pour cela au moins, il pense pouvoir croire cette folle.
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyVen 4 Jan - 21:21

Le gamin baisse les yeux un instant et Arleen en profite pour l’observer. Il est beau, à sa manière, avec un visage et des épaules carrés, un air simple, franc, et violent, hanté par elle ne sait quoi. Enfin si, elle sait, bien sûr qu’elle sait, mais sans réellement savoir, sans pouvoir mettre les mots précis sur ce qui l’entoure, ce qui semble chasser les gens de la ville, les avaler, les faire disparaître. Il doit savoir, lui aussi, plus de choses qu’il n’en dit - c’est le sentiment qui l’envahit alors qu’elle l’observe, qu’elle le regarde hésiter. Il ne sait pas s’il doit lui parler, lui dire ce qu’il s’est passé, ou simplement la planter là. Ça se voit dans sa manière de baisser le regard, dans la façon dont il se tient puis dans la façon dont il la regarde, tout à coup. Ses yeux ont fait le chemin alors qu’elle le détaillait et, loin d’être gênée, Arleen continue à le fixer. Elle aurait dû se douter qu’il allait lui demander quelque chose en retour, qu’il ne se contenterait certainement pas des miettes qu’elle préférait lui donner. Quelque chose l’arrête toutefois alors qu’elle s’apprête à répondre vaguement, à mettre sa question de côté. C’est un pressentiment, plus qu’une intuition, quelque chose qui lui dit de ne pas mentir, de ne surtout, surtout pas mentir à ce gamin-là. Elle peut jouer et le brusquer et être aussi arrogante qu’elle a l’habitude de l’être, aussi désagréable et mal-élevée, il ne partira que si elle lui ment. Si elle déforme sa vérité, la lui dérobe, il partira et la porte se fermera avant même qu’elle n’ait pu apercevoir ce qui se cache de l’autre côté.

« Il y a toujours quelque chose d’autre, n’est-ce pas ? Une motivation cachée, un truc un peu tordu, un intérêt quelconque. » Arleen tire sur sa cigarette, abandonnant sa réflexion, oubliant ce que l’autre voix lui crie, là, au fond de son cerveau - ne dit rien ne dit rien ne dit rien ne dit rien. « C’est personnel. Et je dis pas ça pour éviter de répondre. C’est vraiment personnel parce que personne m’envoie, c’est pas pour mon boulot, c’est pas pour faire de l’argent. » D’un regard aux alentours, elle vérifie qu’ils sont seuls, à peu près seuls, au milieu d’Aster Cove, avant de laisser échapper un soupir. « Avant, j’habitais Los Angeles. On me payait pour discuter avec les morts, pour faire la médium devant la caméra, ce genre de choses. C’est un vrai ramassis de conneries, ces trucs-là. » Cette vérité sort sa peine, sans qu’elle ait besoin d’y penser, d’hésiter. C’est le reste, qui se bloque derrière ses lèvres et Arleen tire sur sa cigarette avec une urgence qu’elle n’a pas ressentie jusque là. Elle a abordé le gamin avec toute son assurance, s’apprêtant à essuyer un refus, quelques insultes, quelque chose comme ça. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il retourne la situation comme ça, d’un claquement doigt, à ce qu’un gosse arrive à lui tirer une vérité, qu’elle quelle soit - surtout pas cette vérité-là. « Tu me croiras ou pas - et franchement, je m’en fiche -, mais y a des choses que je vois. Ou que je sens, que j’entends, parfois. Je dis pas que j’ai pas arnaqué la majorité de mes clients, et j’ai absolument menti quand j’étais devant la caméra. Mais depuis que je suis gamine j’ai cette… Capacité, on va dire, à voir d’autres choses dans le présent et dans le passé. » Dire tout ça l’agace, prononcer ces mots l’agace, et Arleen écrase sous son talon sa cigarette consumée jusqu’au filtre. A-t-elle jamais formulé les choses ainsi ? Bonne question.

« J’suis partie parce que durant ma dernière enquête - tu sais, les trucs d’investigations paranormales qu’on trouve en cassettes, chez le loueur -, j’ai écouté, pour une fois. On est tombé sur le cadavre d’une suicidée. Elle était là depuis cinq jours. » L’odeur lui envahit les narines, comme si elle se trouvait encore dans la salle de bain, marchant dans le sang poisseux, épais, presque séché mais pas tout à fait, pas partout. « J’ai pris ma voiture et j’ai roulé. Elle m’a lâchée ici, à l’entrée d’Aster Cove, et pour une fois, je crois que c’est pas une coïncidence. » Ses doigts la démangent et Arleen résiste un instant avant d’allumer une autre cigarette. Parler lui donne soif - et ce n’est pas d’eau, dont elle a envie, après avoir dit tout ça. Elle ne sait pas si son inconfort transparaît sur son visage, dans sa posture. Certainement. Le silence retombe. Elle a trop parlé, pour une même journée, trop parlé d’elle, offert trop de vérités qu’elle a l’habitude de taire, de garder soigneusement enfermées et qu’un adolescent traumatisé - jeune adulte, vraiment - n’aurait pas dû pouvoir lui tirer. En temps normal. « J’ai besoin de savoir ce qu’il se passe ici. Et pourquoi ça se passe ici, dans cette ville, pas ailleurs. C’est ça ma vérité. » Elle ne sait pas comment le formuler autrement et n’ose pas lui dire qu’elle a besoin de savoir s’il existe un autre côté. S’il s’agit d’une forme d’enfer, d’un au-delà, ou d’une autre monde, tout simplement. Si c’est ce qui semble traîner dans les rues d’Aster Cove, ou s’il y a un autre mystère. Elle n’ose pas expliquer qu’après tant d’années à mentir, à prétendre, Arleen a besoin d’au moins une vérité.
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyDim 13 Jan - 22:55

Kenny s'était attendu à beaucoup de choses, tandis que son regard cherchait des vérités sur le visage froid de son interlocutrice. Il s'était préparé au pire, au mensonge, à la franchise aussi. Il s'était dit que rien ne pouvait vraiment le surprendre – plus maintenant, pas après tout le reste. Il avait été persuadé d'être conscient, d'être sachant. Rien ne l'avait pourtant préparé au discours de son vis-à-vis.

Le jeune homme laissa les mots filtrer par ses oreilles en silence, sentant qu'il s'agissait de l'un de ces instants où l'âme se vide et se libère, où les paroles dénudent en s'émancipant. Il connaissait le phénomène, peut-être de trop près. Il savait qu'on n'interrompait pas ces moments-là. Il savait que le mieux à faire était d'offrir une oreille muette, qu'il n'avait qu'à écouter pour miex comprendre. Une part de lui restait sans savoir pourquoi, l'autre souffrait d'une curiosité mal placée dont il ne se sentait pas coupable. Elle était pareille, cette femme. Elle ne souffrait pas des avis d'autrui et de l'idée d'être mauvaise. En cela, peut-être étaient-ils similaires.

Quelques propos accrochèrent son esprit, inévitablement, tandis que le laïus s'inscrivait dans l'atmosphère embrumée de clope qui les séparait. Elle voyait des choses, et elle en avait trop vu. Une ironie qui ne l'étonna pas – la vie avait eu tôt fait de lui faire démonstration de son humour bien personnel. Non, ce qui le préoccupa, ce fut le tremblement qui parut traverser l'épaisse carapace de son interlocutrice. C'était fou, c'était triste aussi, de voir à quel point une personne pouvait être affectée par son destin, par ses expériences et par les cauchemars que lui imposaient son existence.

« J’ai pris ma voiture et j’ai roulé. Elle m’a lâchée ici, à l’entrée d’Aster Cove, et pour une fois, je crois que c’est pas une coïncidence. »

Là, et là seulement, un éclat de rire lui échappa, brutal et sec. Il souffla sa fumée vers les airs. Ses bras s'étendirent sur les côtés, comme désignant à eux seuls la ville pourrie dans laquelle son vis-à-vis venait de débarquer.

« Bienvenue à Fucked-up City, dans ce cas. »

Son intonation dégoulinait de sarcasme, révélant à elle seule tout le dédain qu'il éprouvait pour cet endroit qui le piégeait en ce jour encore. Ouais, une ville de paumés, de brisés, une ville pleine de mensonges et de cadavres cachés sous des palissades dorées et des banlieues bien fréquentées. Son interlocutrice n'était rien de plus qu'une addition de choix dans le savoureux mélange de merde qui habitait ce lieu pourri depuis la moelle. Pas une coïncidence ? Si elle avait de la chance, cette nana venait de pénétrer la gueule du loup, persuadée qu'elle était la prédatrice. C'était des conneries. Et c'était triste pour elle, très triste pour elle, d'être ainsi persuadée qu'une quête de vérité l'attendait entre les murs blanchis d'Aster Cove.

Pour autant, cela signifiait qu'elle était sincère. Pour autant, cela voulait dire qu'il serait écouté. C'était suffisant pour lui. Ça le serait toujours. Il préférait cette réalité, douloureuse et moche, aux mensonges doucereux qu'elle eut pu lui servir à la place.

« J'ai pas de réponse à t'offrir. Pas vraiment. », souffla-t-il, sans doute parce qu'il était plus simple de commencer ainsi son propre laïus.

Les tours venaient d'être échangés. Il le savait. C'était la direction obligatoire de cette conversation, celle qui s'était entamée depuis que cette étrange femme s'était adressée à lui tout d'abord. L'idée toutefois de se révéler, d'oser dire à voix haute ce qu'on lui avait interdit de formuler, l'emplissait d'une angoisse impossible. Il se racla la gorge, s'agita soudain.

« Je... Tu le sais du coup, j'ai disparu pendant presque trois ans. »

Regard incertain, lèvre inférieure mordue sans merci.

« Je m'en souviens pas. Pas... Pas vraiment. Et quand j'en parle on me sort que c'est des conneries, des hallucinations dues au stress post-traumatique ou des trucs du genre. Et j'y ai cru. J'y ai cru un temps, même si j'en cauchemardais toutes les nuits et que j'arrivais pas à m'en détacher, même si j'avais des souvenirs qui me disaient le contraire. Et puis je me souvenais littéralement d'un truc impossible donc- ouais, je me rappelle d'être mort, je sais pas pourquoi. »

Les paroles s'enchevêtrent dans un désordre angoissé et il s'arrête un instant, son élan stoppé par le stress qui accompagnait soudain ses dires. Sa gorge se serra. Il détouna le regard. Souffla. Inspira péniblement.

« Je sais pas quoi dire d'autre. T'as qu'à me poser des questions. »

C'était la solution de facilité mais il s'en moquait. Il avait besoin d'un guide, besoin de se rassurer avant de prononcer des mots dont il craignait de voir les conséquences.
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptySam 2 Fév - 21:18

Vider son sac, avouer, dire la vérité. C’est étrange quand on a menti, juré, blessé, pendant des années, parfois physiquement, surtout psychologiquement. Arleen n’est pas un ange et ne veut pas donner cette impression : elle n’a rien pour la racheter et ne cherche pas même à se faire pardonner. Elle n’est pas là pour ça mais ne sait pas comment lui faire comprendre. Comment lui dire que la vérité qu’elle cherche n’est pas là pour la rassurer mais pour la pousser plus loins sur le chemin de l’impossible ? De l’incroyable ? Plus loin dans l’obscurité ? Cette quête étrange est nouvelle, apparue au moment où elle quittait Los Angeles, chassée, poursuivie par les images d’un cadavre qui, cette fois, n’était pas seulement dans sa tête. Elle n’en parle pas, Arleen, de la gosse. Elle n’en parle jamais, n’en a pas parlé, en fait, depuis qu’elle est tombée dessus et dans ses souvenirs, elle la voit se balancer au bout de sa corde, mauvais tour de son imagination qu’elle ne peut pas éviter.

Holland éclate de rire, un rire mauvais qu’elle a entendu mille fois dans sa propre gorge, un rire brutal sans humour, sans une trace d’amusement dans la voix. Ils se ressemblent un peu, quelque part, Arleen le sent, et c’est cette connotation qui lui tire un sourire en coin tout aussi cynique que son interlocuteur. Il a l’air de détester cette ville comme elle a détesté Los Angeles, comme a détesté toutes les autres bourgades avant ça, comme elle détestera tout le reste par la suite. C’est une fatalité, elle en est certaine, elle ne ne voit pas comment il pourrait en être autrement. Mais Arleen aimerait aussi lui dire que toutes les villes sont pourries, qu’il y a des histoires tordues partout, des fantômes dans toutes les vieilles baraques, et que des affaires pourries, des trucs dégueulasses, il en trouvera à chaque coin de rue, mais elle sait que c’est un mensonge. Un demi-mensonge, une semi-vérité, mais un mensonge tout de même. Aster Cove a ce quelque chose particulier qui attire les gens comme elles, bizarres, marginaux, pas franchement sympathiques. Ce quelque chose qui fait disparaître d’autres personnes, de façon aléatoire - ou non ? -, et qui les fait réapparaître sans raison apparente. À Aster Cove, il y a les rumeurs, et cette chape lourde qui pèse sur la ville à tout instant.

Arleen ne dit rien. Tire sur sa cigarette et ne dit rien. Elle a trop parlé pour l’instant, c’était trop personnel, et il lui faut quelques secondes pour se recentrer - pour reconstruire sa barrière, sa muraille, en serait-ce qu’un peu. Elle se doute pourtant de ce qu’il va se passer : le gamin va s’ouvrir et elle va devoir faire pareil, car il n’acceptera que cette monnaie d’échange. Une parfaite honnêteté, brutale, sans fards, sans ajouts.

Je me rappelle d’être mort. Ça résonne fort, très fort, et Arleen ne dit rien pendant quelques secondes de plus, réfléchissant ou semblant réfléchir à ce qu’elle va dire. Elle assimile, en réalité, elle assemble les pièces du puzzle qui accepte de se déplacer derrière son front, ayant l’impression d’avoir enfin mis le doigt sur quelque chose. « Je te paye un Coca avant. Ou autre chose. Et on s’assoit. » Parce qu’ils sont là, au milieu de la rue, et qu’elle le sent mal à l’aise et qu’elle n’a pas envie, peut-être, de lui infliger ça comme ça. Sans qu’il n’ait rien pour s’occuper les mains, pas un endroit pour se soutenir, pour détourner le regard. Ce n’est pas de l’empathie - c’est de la merde, l’empathie, ça veut rien dire, c’est pour les cons, dirait Arleen - c’est autre chose, du moins elle l’espère, parce que si elle a tort, elle se sait dans de beaux draps. Une part d’elle n’est qu’instinct, et l’autre est au-delà de ça, si bien qu’elle avise le premier distributeur venu, en fait tomber deux canette dont une qu’elle tend à Holland avant d’aviser un muret au calme, éloigné du passage, du va-et-vient des gens qui flânent et dont les oreilles traînent toujours un peu.

« Je risque d’avoir beaucoup de question, en fonction de ce que tu vas me raconter. Tu te sens prêt ? » Il n’y a pas de tendre dans ses paroles, mais pas d’arrogance non plus. Il n’y a qu’une question, une simple question pour s’assurer qu’ils sont encore sur la même longueur d’onde, qu’il ne partira pas en courant, du moins pas tout de suite, pas dans l’instant. Arleen décapsule sa canette et en boit une gorgée rapidement, faisant le tri parmi toutes les interrogations qui se pressent derrière ses lèvres. Elle voudrait lui dire de répondre comme ça, sans rien organiser, sans réfléchir, mais il fera comme il veut, comme il le sent, de toute façon. Alors elle se lance : « C’est quoi ton premier souvenir, après ta disparition ? La première chose qui te vient à l’esprit ? Est-ce que tu sais où tu étais ? Comment tu y es arrivé ?[/color] » Elle n’oublie pas ce qu’il vient d’avouer. Je me rappelle d’être mort. Arleen n’oublie rien, mais elle avance méticuleusement, pour une fois, attendant que le gamin remonte le film de son histoire jusqu’à ce moment-là, ce moment précis. Écrasant sa cigarette contre la pierre, elle lève les yeux vers lui et annonce, sans ambages : « Par du principe que je croirai tout ce que tu me diras. » Parce qu’elle le croit déjà.
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MessageSujet: Re: there's a truth somewhere in there • Kenny    there's a truth somewhere in there • Kenny  EmptyLun 11 Fév - 15:18

Le silence s'étendait et avec lui son stress, sa crainte, véritable terreur née des mots trop entendus, trop répétés. Il avait peur. Pire, il était terrorisé, à l'idée d'entendre des lèvres pincées dégouliner un machinal « Mais ça, c'était dans ta tête. », à l'idée d'être regardé de haut, comme un fou, comme un abruti, comme un pauvre gosse qui a perdu son esprit. Les mains de Kenny s'agitaient de plus en plus. Il jouait avec sa cigarette, il soufflait, il regardait les alentours en cherchant, son regard fouillant le néant des rues en quête de silhouettes inopportunes. Rien. Alors ses yeux revenaient à la bouche blasée de cette nana bizarre, la fixaient trop fort, s'angoissaient de sa moue pensive. Tout son corps était tendu, dans l'attente, perdu dans des pensées trop lourdes pour ses épaules. C'était là que tout se jouait. Sa confiance, en elle, en lui-même, en les autres, à jamais. C'était énorme, c'était terrifiant, il regrettait soudain cet engagement, il...

« Je te paye un Coca avant. Ou autre chose. Et on s’assoit. »

Il retint à peine un sursaut, sa tête se relevant presque violemment en direction de celle de son interlocutrice. Hochement du chef. Une tension dense s'échappa de sa silhouette crispée, miasme grouillant de monstres qu'il n'osait pas exprimer, et il opina de nouveau du menton, en silence, en urgence. Boire. Ouais, bonne idée. Il avait besoin de dénouer les nœuds qui s'étaient agglomérés dans sa gorge.

Une part de lui se sentait con, de montrer de telles émotions devant une inconnue, une femme étrange débarquée de nulle part, d'être aussi pathétique sous les yeux d'une étrangère. L'autre pourtant obéissait, silencieuse, comme un enfant qui trouve son premier copain au bac à sable. C'était plus simple, qu'elle ne le connaisse pas. Elle n'avait pas d'avis sur lui, elle s'en foutait même pas mal soupçonnait-il. Pas de pitié, dans ce regard bleu-vert, couleur d'huile rompant avec l'apathie qui le caractérisait. Kenny aurait pu le dessiner, en avait presque envie en la détaillant – c'était un instinct bête, primaire, un mur de défense entre ses pensées et la réalité qu'il avait à affronter – et pourtant il doutait d'y parvenir, de parvenir à le rendre aussi froid et muré qu'il ne l'était présentement. C'était rassurant. C'était mieux. La compassion l'insupportait ; il ne la méritait pas, il n'en voulait pas, il ne l'avait pas demandée.

Ses doigts s'enroulèrent autour de la cannette sans un merci, sans une once de reconnaissance. Il souffla sa fumée de cigarette dans les airs, presque arrogant, s'affala cul contre muret et laissa ses yeux dévaler sur les rues tranquilles qui s'étendaient au loin, à la dérobée de leurs paroles.

« Je risque d’avoir beaucoup de question, en fonction de ce que tu vas me raconter. Tu te sens prêt ? »

Un éclat de rire le saisit et il se tourna vers elle, un rictus mauvais aux lèvres.

« Franchement, si t'as pas d'question à me poser après ça c'est qu't'es encore plus tarée que moi. »

Nouvel accès d'hilarité, il amenait ses doigts frémissants contre ses lèvres fraîches. Inspiration profonde, brûlure familière de la nicotine contre ses poumons, souffle. La brume grise s'étendit dans les airs, ponctuée de silence, et ses iris noisette fuyaient de nouveau la conversation. Kenny avait peur. C'était idiot, mais il ne parvenait pas à s'en empêcher. Il avait employé le mot fatidique, le mot que personne n'avait osé prononcer mais que tous avaient pensé, tous sauf ceux qui étaient dans son cas, sauf Sandra – mais Sandra était trop douce, trop gentille pour juger comme ça.

Clope entre les lèvres, il décapsula la cannette. Slick. Clock. Pfff. Le métal glissa contre le métal, percuta, éclata l'opercule. Une mousse fine dégringola dans la rigole qui contournait le sommet ; il l'observa d'un regard vide. Les mots de la nana résonnaient dans son esprit en un écho, chaque répétition éveillant davantage de précision dans ses souvenirs. Il leva les yeux vers la rue, dévoila un sourire amer, lança ses doigts vers l'Est. Une dernière hésitation. Ses lèvres se pincèrent une seconde, le temps de se rappeler ce qu'elle avait dit, ce qu'elle avait prononcé. « Par du principe que je croirai tout ce que tu me diras. » Ouais, on verra.

« J'étais à trois rues d'là. Je courais. Je courais encore. Pourtant j'avais une putain d'plaie infectée dans la cuisse. Au début j'me souvenais de rien. Juste ça.  Cours. Cours. Cours. Plus vite. Cours. Jusqu'au moment où j'pouvais plus courir. J'me suis cassé la gueule comme un connard dans le jardin d'un pauvre type. Et j'pensais toujours pareil. Alors j'ai rampé. »

Il se rendait compte soudain que ses mots puaient le pathétique. Un relent de dégoût le saisit. Il fronça les sourcils, s'enfonça davantage dans le mur. Croisa les bras.

« Maintenant j'crois que j'me souviens un peu du reste, mais ça c'est la partie crédible. »

Le reste, songea-t-il, c'est juste un putain de cauchemar.
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