Traverser la période de l’enfance et grandir normalement n’est pas quelque chose de facile, surtout lorsque l’on est l’enfant de « quelqu’un » et que tous les rêves, tous les espoirs, toutes les ambitions de ce « quelqu’un » reposent sur vos frêles épaules. Et ce fut malheureusement mon cas. Fils d’un vieux buraliste, j’aurais dû quitter Aster Cove pour aller étudier le Droit à Harvard, Yale, Princeton, puis ouvrir un cabinet d’avocat à New-York où Washington D.C, mais l’avenir en décida autrement. Fou amoureux de ma guitare, une Fender Shenandoah de 1965, j’abandonnai les études et ma maison à l’âge de 19 ans avec le rêve complètement fou d’essayer de vivre de mon art.
Une vieille veste Wellington sur le dos, ma guitare sur une épaule, mon sac dans une main et une clope au bec, je traversai le pays en essayant d’oublier tout ce que j’avais pu laisser derrière moi. Père, mère, amis, amantes… Je la voulais à tout prix cette nouvelle vie ! Je rêvais d’être le nouveau Dylan… malheureusement même si je n’étais pas mauvais du tout, je n’avais même pas le tiers du talent de ce monsieur et hormis quelques concerts dans des bars perdus au milieu du Minnesota et de l’Oklahoma qui me rapportèrent quelques dollars, rien de bien glorieux.
Mon voyage fut assez romanesque. En effet je ne me déplaçais qu’en faisant du stop, je dormais dans des motels miteux voir même dans la rue lorsque je n’avais vraiment pas un sou. Et c’est un soir d’aout ou je m’apprêtai à dormir sur au beau milieu d’une aire d’autoroute que je fis la connaissance d’Aldo Guthrie, le fils du célèbre chanteur Woody Guthrie. Il avait le même âge que moi, mais lui était en train de sillonner les USA pour effectuer une tournée en hommage à son père récemment décédé et en me voyant dormir en guenille sur un vieux banc en serrant ma guitare contre moi, il accepta de m’engager en tant que Roadie.
Cela me permis de débuter une nouvelle vie, je n’étais pas directement sur le devant de la scène, mais au moins je vivais de ma passion et pendant cette période j’eu d’ailleurs la chance de rencontrer certains de mes héros d’enfance comme Bob Dylan, Neil Young ou encore Joan Baez. C’est d’ailleurs ma rencontre avec cette grande dame, qui me poussa à ne pas tout abandonner, à continuer à vouloir percer dans le milieu de la musique et à ne pas balancer ma guitare bien aimée dans un ravin.
Puis après six années de pure passion, de véritable bonheur, Aldo arrêta sa tournée, je tentai donc ma chance en Californie dans la magnifique ville de San Francisco, les liens que j’avais tissé durant ma carrière de Roadie me permirent de devenir pensionnaire dans un petit bar qui me payait juste assez pour que je puisse vivre dignement. Lentement, mais surement, je commençais à me faire un petit nom dans la région et je commençais même à rêver de studio d’enregistrement, d’album.
Malheureusement alors que je pensais être au sommet de ma gloire, un courrier arriva, il venait de ma mère… une personne que je n’avais plus vu depuis presque dix ans ! Celle-ci avait fini par me retrouver et m’avait envoyé cette lettre pour m’informer que mon pauvre père était mort d’une crise cardiaque et qu’il aurait aimé que j’assiste à ces funérailles. Le cœur empli de tristesse, je n’hésitai pas une seule seconde… Et c’est comme cela que je fis mon retour à Aster Cove ! Ne pouvant pas vraiment vivre de mon « art » dans le Maine je fus alors obligé de reprendre le Bureau Tabac familial et depuis j’essaie de mettre de l’argent de côté afin de pouvoir créer une école de musique dans la ville qui m’a vu grandir. Même s’il m’arrive parfois de vouloir reprendre la route et rejouer aux vagabonds.