A STRANGER CALLS ✘ bertrand

L’avantage d’être un vieux de la vieille à aster Cove, c’est que les gens finissent par vous connaître, le bouche à oreille marche mieux que jamais, surtout dans une petite ville comme celle-là, et surtout, vous devenez la mémoire vivante de la ville. Bon, dans tous les cas, ce sont des avantages quand on veut se lancer dans une carrière d’homme à tout faire une fois la retraite venue. Après la belle vocation (un poil forcée mais jamais regrettée) de charpentier et mes quelques années durant la seconde grande guerre, on aurait pu croire que j’accueillerais la retraite à bras ouverts. La vérité ? Eh bien que j’y ai cru moi aussi, durant un temps. Puis le fait de ne plus avoir de routine autre que celle que l’on s’impose a très vite eut raison de moi. Je n’ai jamais été très doué pour ce qui était de me tenir à emploi du temps qui ne regardait que moi, voyez-vous. Mes journées, toute ma vie, ont toujours été rythmées par le travail, puis le travail et les tâches ménagères (menues, cela dit) que me donnait Julia, puis cela et m’occuper de mes neveux et nièces pendant que leurs parents travaillaient…Je n’ai jamais vraiment eu à m’occuper tout seul et les enfants sont grands maintenant, la plupart ont déjà un travail pour eux, et/ou n’ont plus envie de passer autant de temps avec leur vieux tonton Bertie et ses cookies. Alors j’ai vite cherché autre chose à faire.

Au final, tout s’est fait par accident. J’ai aidé une voisine un jour avec un léger souci d’électricité. Elle en a parlé à d’autres personnes et de fil en aiguille j’ai fini par devenir homme à tout faire dans Aster Cove. Ca me convient très bien pour tout dire. Ca me permet de mettre un peu de beurre dans les épinards, tout en me permettant de m’occuper, que demande le peuple ? C’est comme que je me retrouve aujourd’hui dans la maison des Shepard, à chercher la cause d’une fuite dans leur cuisine. Pas très grave heureusement, mais le père de Claire est un homme qui a l’intelligence de vouloir régler cela au plus tôt, avant que les choses ne tournent en catastrophe et possible dégât des eaux. Une petite fuite sous leur réfrigérateur, pas plus violente qu’une flaque d’eau quand on oublie un glaçon sur la table, mais selon d’où ça vient ça peut vite devenir très embêtant.

Il n’y a que Claire dans la maison, son père étant absent, mais ce n’est pas grave, j’ai eu toutes les informations du paternel et je n’ai fait que m’annoncer auprès de la jeune fille, afin qu’elle ne soit pas surprise de me trouver dans la cuisine. Par contre, il va falloir que je vérifie un conduit d’eau se trouvant à l’étage. C’est là que je croise Claire, au bas de l’escalier et j’allais me reculer pour la laisser finir de descendre quand elle me pose une question assez étrange et sur le point de lui répondre avec mon stoïcisme naturel, les larmes se mettent à couler sur ses joues. Je cligne des yeux, incapable de comprendre ce qui a bien pu la mettre dans un tel état, mais je ne peux pas la laisser comme ça, c’est certain. Je lui tends un mouchoir pour ses larmes.

"Allons, allons. Viens, on va te faire un bon chocolat chaud."

Passant un bras autour de ses épaules, je l’entraîne doucement vers la cuisine, où se trouvent la majorité de mes outils encore à moitié éparpillés sur le sol. L’incitant à s’asseoir à la table se trouvant là, je m’affaire pour lui préparer un bon chocolat chaud. Dès qu’il fut prêt, je déposais un mug devant elle, avant de m’asseoir à mon tour.

"Alors, expliques-moi un peu ce qui te met dans cet état ?"