(philly) that's why i'm easy

Sujet: (philly) that's why i'm easy Mer 25 Oct - 20:07

A fouiller les cartons y a des mains qui se perdent là où elles devraient pas. Dans la cave du motel y a tout un enfer en fait, toute la fratrie Shaw y a laissé des plumes (et pas les plus belles). Jane c’est pas un oiseau facile, si elle a pas abandonné ses nuits à la bouteille, elle a pas pu s’empêcher d’aller embêter le passé, une bête bien cruelle, une bête qui s’emmerde pas à chercher des réponses, qui préfère donner des questions en vrac.  Être triste un jeudi soir c’est une chose, voir des bestioles sous le lit d’son fils hypothétique c’en est une autre. Ouvrir le sachet de weed du vieil enfoiré de Francis Shaw ça aussi ça se vaut. Dans tous les cas les mains sur le volant, Scully vadrouille dans son imperméable pendant que la pluie succombe aux pénibles scènes d’automne, là où le béton humide s’improvise rivière, où les rares piétons s’bousculent sur les passages piétons sous des parapluies emportés par les vents.

Nerveux, le joint entre ses doigts semble vouloir sauter sur la voie publique et la laisser braquée face à ses démons, le doigt sur la gâchette mais elle s’obstine à prendre des tafes et à ravaler l’étranglement qu’elle retient sciemment.
Elle reconnait la silhouette encore floue des années emballées dans les cartons, ça c’est pas le hasard, c’est carrément cliché, mais c’est pas grave, elle fera avec; elle préfère klaxonner, faire glisser les fenêtres vétustes de son engin mal rodé et gueuler ‘Bah alors! Tu vas rester planté là Daugherty?’

Sujet: Re: (philly) that's why i'm easy Mer 25 Oct - 21:06

Ça fait deux jours que je suis revenu d'entre les morts et tout va bien. Je me suis dit ça ce matin en me levant et je me suis dit ça hier aussi, pas exactement pareil parce que ça ne faisait qu'un jour, et il faisait un peu plus froid et j'étais perclus de courbatures donc j'avais du mal à le dire à mon reflet avec enthousiasme. Mais ce matin ça va. Je suis resté chez mamie, elle a crié en m'entendant rentrer - bien sûr elle se souvient par coeur du bruit de mes pas et quand elle est venue je me suis rendu compte que moi aussi je connaissais les siens, ils sont tout légers et j'ai appris à y faire attention lorsque j'étais chez elle, défoncé, et que mes oreilles compensaient l'inactivité de mes yeux collés au plafond. J'ai revu Louis et il était content de me voir, ça m'a fait plaisir, j'ai pas souvent eu droit à tant de sentiments de sa part. Il a tout géré pendant mon absence, ça m'étonne pas de lui, mais enfin je pense que moins de gens venaient à la boutique si mon charmant sourire n'était pas pour les accueillir. Louis m'a montré les comptes mais je n'ai pas été capable de dire s'il a fait moins de ventes ou pas alors j'ai juste dit "ah, heureusement que je suis rentré!", il m'a jeté un regard blasé et j'ai laissé tomber le registre pour aller voir les nouveaux disques sortis pendant mon absence. J'ai pas perdu de temps pour les écouter, et Louis a dû me tirer hors de l'appartement pour me ramener chez mamie, parce que les voisins commençaient à taper sur les murs.

Aujourd'hui il pleut mais je vais mieux. J'ai mangé un hamburger pour le petit-déjeuner, et un autre pour le dîner, ça soulage toujours. Mamie m'a dit que je suis devenu trop maigre et elle a raison, ça me ressemble pas, du coup je dois bien commencer à compenser. Je marche vers chez moi mon hamburger à la main, je me dépêche pour pas être mouillé, comme un con j'ai pas pris de parapluie, enfin j'en possède pas de toute façon. Je porte un pull de mamie, un jaune et bleu et vert, Louis grimace quand il voit celui-là en particulier mais je me sens bien dedans. Je porte mon seul manteau par-dessus, gros manteau noir bien chaud mais complètement rapiécé. Maintenant que je suis maigre je dois encore plus ressembler à un clochard. Je mords à nouveau dans mon sandwich, j'essaie de le manger le plus vite possible pour pas trop le mouiller.

J'entends un klaxon. Je tourne la tête : voiture arrêtée devant moi, la fenêtre se baisse, c'est la petite Shaw, soeur de mon bon vieux Francis - il faut que je le retrouve ce gars, il a la meilleure weed de la ville. Et il est sympa, en plus. Mais pour l'instant je suis face à sa soeur, et je lui fais un éclatant sourire et un signe de la main. ‘Bah alors! Tu vas rester planté là Daugherty?’ "J'arrive Jane !" je sais qu'elle se fait plus appeler comme ça mais je traîne chez elle depuis mes quatorze ans, j'ai plus entendu ses parents et son frère l'appeler que ses potes, pour moi c'est Jane. Je réponds à l'invitation et je trottine vers la voiture, j'ouvre la porte côté passager et je m'engouffre en fermant rapidement la porte derrière moi. "Pardon, je suis trempé... Putain, t'as vu cette pluie ! T'as pas une serviette ?" Si j'étais chez moi je me serais secoué pour faire partir les gouttes d'eau mais là je suis dans la voiture de quelque d'autre, on va être poli. "T'en veux ?" proposai-je d'ailleurs en tendant mon hamburger vers Scully, elle partage sa voiture je peux bien partager ma bouffe. Il est super bon ce hamburger.

Sujet: Re: (philly) that's why i'm easy Mer 25 Oct - 21:34

Choc terrible qui devrait remuer la terre, les mains encore sur le volant, elles se crispent, s’y attachent comme dans un cauchemar où Phil est le cerf prêt à bondir à tout moment sur le pare-brise. ‘Phil ?’ C’était un constat, l’accident le plus improbable, un inconnu longtemps noyé sous la paperasse, lui qui n’avait qu’un prénom vague, entre Finn et Philipe mais les deux ne s’accordaient pas tout à fait, créaient une mésentente presque accoutumée; à la manière d’une cigarette que l’on sort d’un paquet après avoir retiré le film, c’est un tic nerveux, au départ on s’imagine seulement le logo de la marque mais peu à peu le souvenir de chaque inspiration, chaque expiration revient. Phil est une cigarette, jetée sur la chaussée, laissée dans le caniveau puis balayée par les jours. Retour à la réalité.

Il est déjà dans la voiture, les yeux roulent doucement ça fait deux jours qu’elle ne dort pas, l’eau bat contre les essuie-glace, la voix du garçon se noie dans l’ensemble décousu, Jane? Oh c’est vrai c’est son prénom, il n’est pas très doux son prénom, plutôt insignifiant même, comme les souvenirs qu’elle brasse comme à la piscine, mais en pire avec la nage du petit chien en prime.
‘Qu’est-ce-que tu fais là?’ Les côtés de son visage se soulèvent péniblement, elle articule ‘Ça y est je perds la boule.’ On entend les feuilles des arbres qui fouettent du bout des branches le toit des maisons en carton du quartier.
A onze ans elle le voyait, ses boucles blondes flottaient au dessus de son crâne, là elles pendaient misérablement avec le tissu trempé qui lui collait à la peau. Jane se frappe les deux joues, sa peau tourne rouge, elle monte le son de la radio. La radio devrait la ramener à elle, la sortir du gouffre étrange dans lequel elle a fini, elle était peut être trop vieille cette herbe, après tout elle s’y connait pas. Elle aurait dû la rendre à Francis et pas y toucher, c’était une idée de merde, une idée de merde!

Le hamburger est innocemment en train de fondre entre les mains de Daugherty, plus elle réfléchit plus elle se dit que la combinaison Phil Daugherty/hamburger est peu probable et que c’est sans doute la réalité, elle reste près de la portière, son corps lui tremble, Jane démarre et fixe la route. ‘Tu es tout maigre.’
C’est la seule remarque qu’elle fait, elle a sans doute quitté sa cave trop tôt, Scully, quitté ses dossiers poussiéreux, ses vielles photographies sans queue ni tête, ses articles découpés dans les journaux, ses faux espoirs, mais ça y est, Radio Aster est sur le coup, à débiter mot pour mot ce à quoi elle ne voulait pas s’attendre.
‘Désolée c’est pas le meilleur des accueils.’ Elle déclenche le clignotant. ‘J’étais pas au courant.’

Sujet: Re: (philly) that's why i'm easy Mar 31 Oct - 13:09

Elle a l'air surprise de me voir alors qu'elle vient de m'interpeller, et du coup je suis un peu surpris en retour. On dirait qu'elle vient de se rendre compte de ma présence, ou bien peut-être qu'elle m'avait vu, reconnu, mais avait oublié un instant que j'avais disparu pendant deux ans (selon certaines personnes). Puis peut-être que c'est eux tous qui ont disparu, phil n'a pas l'impression d'être parti pendant si longtemps, c'était comme un long sommeil, un cauchemar plutôt, mais sur une nuit seulement, peut-être deux, ça m'arrive lorsque je suis vraiment défoncé, mais deux ans ? Ça ne peut pas être vrai, et pourtant ça l'est dans le regard étrange de Jane, calme surprise. ‘Qu’est-ce-que tu fais là?’ "Tu m'as invité je crois ?" je le dis sur un ton amusé, je sais ce qu'elle veut vraiment dire mais c'est plus drôle comme ça. ‘Ça y est je perds la boule.’ "Bienvenue au club !" Enjoué, je lui fais un clin d’œil. On me le dit tout le temps, que j'ai perdu la boule, c'est bien que ce soit quelqu'un d'autre pour une fois. Je frissonne dans mes vêtements mouillés, je l'ai pas eue, cette serviette, je me tords le cou pour regarder s'il n'y en a pas une sur la banquette arrière, dans le plus grand des hasards, mais non, rien. Je vais devoir rester dans mon pull dégoulinant. Est-ce que ça la dérangerait que j'enlève mon pull ? Non, faut pas faire ça, c'est malpoli, enfin je crois. Et puis je sais pas où je pourrais poser mon hamburger pour le faire. J'ai pas envie d'avoir du coton dans ma bouffe. Je lui tends encore le hamburger, et c'est un peu gênant, elle a toujours pas répondu. Peut-être que Jane Shaw est le premier humain dépourvu de la faculté de répondre à des questions. C'est probable. Ça explique tout. ‘Tu es tout maigre.’ Je hausse les épaules. "J'en conclus que t'en veux pas ?" Le mouvement de hamburger se finit dans ma bouche, je lui ai donné sa chance, c'est fini pour toi maintenant Jane, tu ne pourras pas goûter ce fabuleux hamburger qui va m'aider à regagner ma confortable couche de graisse. J'ai jamais vécu sans auparavant, ça m'étonne pas qu'elle remarque même sous le gros pull et le manteau, ça change un peu ma façon d'être, ça me va mal.

Jane démarre et pendant ce temps je ne fais qu'une bouchée de ce qu'il reste de mon repas. Je regrette de pas avoir pris de frites, j'ai l'impression de pas en avoir mangé depuis des années, peut-être que j'ai vraiment disparu pendant aussi longtemps en fait. Quoique, maintenant que j'y pense, il doit me rester des frites de ce matin ! Je les avais gardées pour plus tard ! Je regarde dans la poche de ma veste, il y a bien un petit sachet en papier tout gras, plein de frites. J'émets un petit 'yes'. Les trous de mémoire, ça permet des petites surprises de tous les jours. Je propose pas mes frites à Jane, cette fois, en plus elle sont plus très bonnes, toutes molles et froides, mais c'est pas grave, j'ai faim. ‘Désolée c’est pas le meilleur des accueils. J’étais pas au courant.’ "J'étais pas au courant non plus, t'inquiète pas." Je regarde la route devant nous, le ciel commence à s'assombrir, enfin pas que je puisse réellement le voir sous les nuages, mais même la pluie paraît plus sombre, ou peut-être qu'elle est juste sale. "On va où ? Tu sais où habite mamie ? Ou bien on va chez toi ?" Je devrais pas poser autant de questions à Jane, elle a déjà du mal à répondre à une seule. Elle se comporte bizarrement aujourd'hui, j'arrive pas à me souvenir si elle a toujours été comme ça. C'est son frère le junkie normalement. "Ah tiens, comment va Francis ?" Encore une question, est-ce qu'elle va s'en sortir ?

Sujet: Re: (philly) that's why i'm easy Mar 5 Déc - 23:12

« Non, merci. »

Simple courtoisie, elle n’a pas franchement compris la question, ça s’est perdu quelque part entre cette année et celle où les enfers ont embrasé la ville de flammes invisibles, jusque là elle était l’épouse d’un des adjoints du shérif, ah, voilà, ça lui revient. C’était dans le journal pas plus tard que ce matin. Phil Daugherty avait réapparu. Est-ce-qu’il fallait être un saint pour ne pas perdre la tête?  Elle ne se demande pas comment il fait pour se consoler avec un hamburger, il a toujours été relativement calme, du moins c’est une image récurrente que garde Scully dans un coin de sa tête. Jane tente de se remettre l’article en tête et pendant que le moteur tourne leurs yeux semblent dériver ça et là, elle hésite à dire qu’il a l’air frigorifié, qu’elle est désolée de l’avoir pris au dépourvu, mais à vrai dire la moitié de ce qui s’est passé durant les deux dernières années de son existence se résument à cet enchevêtrement de phénomènes improbables et de fantômes assis dans le siège passager.
Les portes fermées des voitures coupent à moitié du monde et le labyrinthe biscornu qu’est devenu Aster Cove est noyé sous les larmes des dieux que Jane Shaw ne prie pas. Elle peut entendre les doigts couverts de gras de Phil plier le papier entre ses mains pour attraper les frites au fond de sa poche mais ses yeux restent fixés sur la route. Jane ne cherche pas à répondre à sa question, elle voit dans le rétroviseur ce qui dégouline sur le front du garçon qu’elle a vu plus jeune envahir son champ de vision. Ses cheveux font de petites boucles désordonnées et l’entendre reprendre sa conversation, entre fast food et détresses ravalées lui donne l’air de sortir d’un grenier poussiéreux.

« Je sais pas, où est-ce-que tu veux aller? »

Franchement, qui était Jane Shaw aujourd’hui? Elle tourne la tête deux secondes et normalement dans la plupart des films c’est à ce moment-là que la voiture ripe et que leurs deux cadavres sanguinolents sont projetés à travers le pare-brise. Mais non, c’est juste Jane qui hausse les épaules.

« On se parle plus vraiment. » Pas de monologue, pas de longues révélations, parce qu’elle a plus dévoilé grand chose sur ce qu’il se passait dans sa tête depuis un bout de temps, et c’était sans doute pour le mieux. Cela dit elle pouvait pas laisser Phil sans rien comme ça, parce que déjà les humains c’est compliqué, mais les humains mystérieusement envolés puis rendus à leur vie d’avant c’est encore pire. Alors elle veut pas empirer les choses, elle a déjà assez merdé comme ça. « Mais je crois qu’il va bien, tu sais de quoi je parle j’imagine, c’est pas quelqu’un qui se prend la tête. » C’est pas comme moi, elle évite d’ajouter.

Sujet: Re: (philly) that's why i'm easy

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