there's a new world calling my name and i can't escape it, conny.

Enfance ébranlée, innocence brisée. Les yeux sont braqués sur toi, et tu sens qu'on a pitié de ta petite personne. Tu ne sais pas comment faire face à tout ce qu'il t'arrive. Toi Conny, tu n'as jamais voulu de cette vie. Toi Conny, tu aurais préféré raconter n'être qu'une fille comme toutes les autres. Mais tu ne l'es pas. Au fond, l'as-tu déjà été ? Enfant au sourire ravageur, aux idées de princesse et à la gentillesse inébranlable, tu as fait partie dès ta naissance de la haute société. De celle du Massachusetts, du moins. Sauf que, combien même tu n'avais pas le choix, tu ne le voulais pas. Tu ne te souciais pas de ces choses matérielles que te ramenaient ton père pour alléger la peine que tu avais de ne pas pouvoir bénéficier autant de son amour que ton petit frère. Ça t'a souvent serré le cœur si fort, que tu avais l'impression d'en étouffer. Tu souffrais, au plus profond de ton être. Tu souffrais, mais tu ne disais rien. Tu laissais le temps passer, le vide dans ton cœur se creuser, petit à petit. Tu pouvais au moins compter sur le soutien de ta figure maternelle, mais celle-ci très peu présente de la maison, elle était bien trop occupée par ses propres affaires pour pouvoir se charger des tiennes comme elle le souhaitait, comme tu le voulais. Tout n'était pas rose chez toi, la vie ne pouvait pas tout te donner après tout. Tu en prenais conscience chaque jour et malgré la douleur pourtant bien présente. Mais tu étais loin de te douter que celle-ci n'allait que s'amplifier quelques années plus tard.

Tu te souviens de cette nuit comme si c'était hier. A vrai dire, elle te hante encore, t'empêche souvent de garder les yeux fermés. Tu frôles parfois même l'insomnie, mais tu as toujours tendance à t'endormir les joues humides, les paupières lourdes de chagrin, le cœur dont les morceaux s'éloignent plus chaque fois que ces images te reviennent en tête. Tu es cassée, Conny, et tu n'es pas prête à te réparer toute seule. Tu ne sais même pas comment t'y prendre. Alors tu supportes ta folie, tu l'enfermes à double tour bien qu'elle reste scotchée à tes tripes. Tu n'en parles pas, tu ne veux pas attirer plus de paires d'yeux curieux sur toi. Mais ça te pèse, ça te pèse énormément et tu ne sais pas quoi faire. Tu sais qu'un beau jour, tu vas finir par exploser. Peut-être pas aujourd'hui, ni demain. Peut-être la semaine prochaine, ou dans deux ans. Tu ne le sais pas mais, tant que tu le peux encore, tu préfères garder toute cette misère pour toi et prendre sur toi. Mais pourquoi Conny, pourquoi ? Quelle est la véritable cause de ton enfermement ? Tu le sais, mais t'ose pas l'admettre. Peut-être trouves-tu ça plus facile de ne pas avouer la vérité ? As-tu peur que les choses se corsent ? Peur ? Non. Effrayée plutôt. Terrorisée. Tu as peur que l'on vienne pour toi comme on est venus pour ta famille, pour tes parents. Une partie de toi se détruit un peu plus chaque fois que l'on t'en parle, que tu en dévoiles un peu plus sur eux. Tu es traumatisée Conny, et c'est normal. Qui d'autre dans ta situation ne le serait pas ? C'est pourtant une chose que tu ne laisses pas paraître. Que tu ne laisses paraître aux yeux de personne. Tu ne veux pas qu'ils te pensent faible. Mais tu n'es pas faible. Sache Conny, que verser une larme ou deux ne te rendra pas moins forte que tu ne l'es ou pire encore, misérable.

Relève-toi. Avance dans ta vie. Tu ne dois pas oublier, tu ne le pourras de toute façon jamais, mais tu dois passer au dessus de ça. Certes, tu ne peux effacer leurs visages pâles. Ces tâches de rouge qui englobaient leurs deux corps inertes, étendus en plein milieu de la cuisine. Tu ne peux pas boucher tes oreilles alors que les appels à l'aide que tu hurlais après leur avoir supplié de rouvrir les yeux continuent de résonner dans ta tête. Cette impression que ton monde s'effondre, elle te reste à l'estomac. Une mauvaise sensation qui refuse de mettre les voiles, qui ne te laisse pas en paix depuis bientôt cinq ans. Cinq ans. Cela fait si longtemps que ça, Conny ? Tu ne t'en rends pas vraiment compte. Tu peux au moins avoir la joie de continuer à passer tes jours en présence de ton petit frère, maintenant que vous avez déménagé à Aster Cove pour prendre un nouveau départ. Ta famille adoptive, composée de ton oncle et ta tante, a beau s'occuper de toi d'une manière irréprochable, respirer la bonne humeur et une joie à laquelle tu n'arrives pas à t'habituer, ils ne remplaceront jamais ceux qui t'ont mise au monde. Mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas avancer. Étape par étape, petit pas par petit pas. Tu peux le faire, non ? Tu en es capable après tout.