Dans la petite ville d'Aster Cove, des choses étranges se passent...

 
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  I'm meaner than my demons | Andrea

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Kenny Holland
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Kenny Holland
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MessageSujet: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyLun 29 Oct - 21:52

Il l’avait croisé par hasard, ou plutôt par malheur.  Il avait rencontré le regard de glace, ses yeux parcourant ce visage trop familier, son cœur se serrant sous l’angoisse, sous l’envie, sous les regrets, sous la colère, la pression des émotions trop intense pour une cage thoracique déjà fêlée par trop de coups du sort. Il s’était figé, coincé devant la caisse avec sa barre de céréales en main. Il n’avait pas bougé. Il était resté spectateur, gorge nouée et estomac retourné. Il avait vu son frère s’approcher, la reconnaissance sur son visage, l’illumination, le soulagement, la rage. C’était la dernière qui était restée. C’était toujours la dernière qui restait. Trait de famille, supposait-il. Tous des putains de monstres. Tous des ratés pleins de colère, pleins de haine à cracher sur le monde, mais surtout l’un sur l’autre. Kenny n’en avait que trop conscience. Ils se détestaient. Mike le détestait. Le voir venir avait été le déclic. Il avait voulu se barrer. Trop tard.

Ils avaient débouché derrière, là où les relents d'essence étaient plus forts, son aîné un poing noué dans le col de son T-shirt, visage furieux et regard d’orage. Le jeune homme n’avait pas reculé. Il avait cessé depuis longtemps déjà de craindre les coups de son frère. Il avait cessé depuis longtemps de se bercer des illusions que lui donnaient la société. Etre le cadet, ce n’était pas être protégé. Etre le cadet, c’était être le plus vulnérable, c’était surtout être la victime idéale. Kenny avait décidé très tôt qu’il n’en serait rien, et que Mike n’aurait qu’à aller jouer au mauvais père de famille ailleurs.

« T’étais où ? T’étais où, bordel ?! »

Sourire amer, comme un arrière-goût de vomi dans le fond de sa gorge. Dégoût. Il avait envie de rire, de lui rire au nez, de hurler aussi, de lui cracher au visage pour lui faire comprendre. Qu’il n’y croyait pas, qu’il n’y croirait plus jamais, qu’il refusait de se laisser  berner une fois de plus par les chimères qui cherchaient à prendre le visage de son frère.

« Quoi, parce que t’en as quelque chose à foutre peut-être ? »

Ah. Il avait fait mouche. Lueur de douleur dans le regard de glace. Un tic au visage. Une crispation dans la mâchoire. Un peu de sang dans sa bouche lorsque le poing entra en collision avec sa joue. Eclat de rire.

« Comment tu peux oser dire ça… Comment tu peux oser dire ça ?!
- ARRETE MIKE ! ARRETE ! Tu crois que je me suis cassé de chez toi pour quoi ?! Parce que t’es un super frère aimant qui essaie de m’aider ?! Va te faire foutre ! »

Le coup qui frappa le mur, juste à côté de sa tempe, lui arracha un sursaut détesté. C’était injuste. Il méprisait cette peur qui lui entravait la gorge, haïssait cette part de lui qui ne savait plus différencier la violence des combats et celle de la mort. Il n’en avait jamais parlé à Mike. Il n’avait jamais livré son témoignage, son hallucination à cet aîné qu’il ne pouvait considérer que comme un rival, quelqu’un à impressionner, quelqu’un face à qui être fort, être digne. Mais il n’y avait rien de digne aux crises de panique qui l’avaient enfermé dans les toilettes pendant la fin de son année scolaire. Il n’y avait rien de digne à la terreur qui grouillait dans son ventre à chaque fois qu’il apercevait ce fameux couloir. Et il préférait crever que d’admettre cette impardonnable faiblesse à son frère. C’était trop tard de toute façon. Personne ne comprendrait. Il avait décidé de prendre le taureau par les cornes, ces derniers mois, d’aller au conflit pour mieux l’affronter, d’user de ses poings pour s’y réhabituer. Arrêter de fuir. Vaincre. Tourner la page. C’était toujours plus simple quand son frère ne venait pas s’en prendre à lui alors que sa jambe n’avait pas fini de guérir.

« Lâche-moi.
- Kenny, écoute…
- Lâche. Moi. »

Le visage désemparé de Mike lui ferait mal des mois encore, et il n’en montrerait rien. C’était ça, toujours, l’éternelle farandole de la douleur, la spirale infernale de la haine dont ils se couronnaient tous deux lorsqu’ils s’adressaient l’un à l’autre. Et dire que quelques mois auparavant, ils avaient déclaré vouloir s’entendre. Ha. Naïfs. Idiots.

Son aîné sembla penser la même chose. En une seconde la tension s’évapora de ses muscles, ses épaules se relâchèrent, sa stature s’échouant sur elle-même. En une seconde, il devint un homme défait. Kenny ne s’y attarda pas. Il le repoussa, grognant des jurons, et s’échappa pendant qu’il en avait l’occasion. Son frère, il ne voulait plus jamais le voir. Du moins s’en persuadait-il.

Ses pas s’égarèrent dans la ruelle tandis qu’il rabattait sa capuche sur son crâne, mâchoire serrée et cœur battant. Il fusillait le sol du regard tandis que celui-ci se parsemait de tâches humides. La pluie avait décidé de venir saupoudrer un peu plus de misère sur sa journée de merde. Génial. Il poussa, s’enfonçant plus profondément dans la ruelle où s’était déroulée l’altercation, espérant ne pas être rattrapé par Mike et ses remords à la con.

« Eh, c’toi qui vient d’te prend’ la tête avec Mike, hein ? T’es son p’tit frère ? »

Il fit volte-face. Le gars qui lui demandait ça semblait éméché, pas tout à fait net. Quelqu’un qui connaissait les noms de tout le monde et qui se croyait capable de se mêler de leurs affaires. Les lèvres de Kenny se retroussèrent alors qu’il tournait vers l’importun :

« En quoi ça te regarde, pauvre merde ?
- Eh, calme-toi, j’ai rien dit moi… »

Deux secondes s’écoulèrent. Ça se voyait à la tronche du type qu’il allait dire une connerie. Les poings du jeune homme se serrèrent. Allez vas-y, vas-y qu’on rigole…

« C’est vrai qu’tu l’as mis dans la merde pour payer ta drogue ? »

Son sang ne fit qu’un tour. Il s’avança d’un pas, de deux, de trois, en quelques secondes à peine. S’empara du col de cet enfoiré. Prit de l’élan avec son bras. Et frappa. Une fois. Deux fois. Le gaillard s’effondra en arrière, son équilibre dérobé par la puissance des coups qu’il lui assénait. Une main émaciée vint masser sa joue endolorie, son nez en sang, une grimace de rage et de souffrance mêlée brillant sur ses traits.

« Mec, mec, qu’est-ce que tu f- »

Trop tard. L’abruti avait réussi à toucher à deux sujets sensibles en un coup, alors même que le garçon peinait à dénouer la tension qui l’animait jour et nuit, alors même que son frère venait de lui rappeler combien sa famille n’était qu’un amas de merde, alors même qu’il venait d’être rappelé à sa condition de sous-merde. Kenny le releva afin de mieux le plaquer contre le mur, son regard fou pour mieux cacher ses blessures, ne sentant pas combien ses mains tremblaient autour du col de sa victime.

« Va chier, espèce de merde ! »

Il espérait que le mec lui crache à la gueule, que quelque chose se passe, n’importe quoi pour vu qu’il puisse évacuer cette tension qui le consumait. Ce dont il n’avait pas conscience toutefois, c’était que cette même activité risquait de l’y plonger plus durement encore.
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptySam 3 Nov - 18:20

Il court depuis des jours et l’exercice ne lui apporte rien. Il avait l’habitude de partir courir le soir, à la fin de sa journée, pour se débarrasser de toutes ses pensées et s’endormir plus aisément - ou parfois le matin, très tôt, avant que tout le monde ne soit levé, pour avoir un moment à lui. Aujourd’hui, ou plutôt ces derniers jours, Andrea court parce qu’il ne sait pas quoi faire. Pas quoi faire de ses mains, de son corps, de toute la tension qui parcourt son corps. Il ne sait plus où regarder ni où chercher, quoi ou croire - sa propre tête ou celle des autres. Ses nuits sont faites de bruits qu’il croit entendre, de mélodies et de notes qui s’envolent et tournoient dans sa chambre, ne s’apaisant que lorsque qu’il se trouve enfin au seuil de la folie. Il ne pensait pas que c’était pas possible - ou plutôt que cela lui arriverait un jour. Plusieurs minutes, parfois plusieurs heures lui sont nécessaires pour retrouver son calme, pour éviter que son coeur ne tambourine dans sa poitrine à chaque bruit de pas, à chaque claquement de porte. Cette histoire va le rendre dingue, il en est certain - sauf si l’on retrouve le corps, si Camden réapparaît, d’une manière ou d’une autre, mort ou vivant. Et enfin, Andrea comprend la souffrance de ceux qui restent derrière : le pire n’est pas d’imaginer ce qui aurait pu arriver, mais d’attendre. De patienter indéfiniment pour un bout d’information, une miette, un petit quelque chose qui permettrait d’espérer - ou d’arrêter de le faire.

Il est passé voir Taylor McKinnon, après le travail, pour lui apporter des pâtisseries et un gratin fait par sa mère. D’habitude, Andrea prend le temps de parler, de prendre un café, parfois de réfléchir avec elle pour tenter de dénouer le mystère de la disparition de Camden. Ce soir, il en a été incapable - elle l’a vu, d’ailleurs, et ne lui a pas proposé de rester, lui souhaitant simplement un bon jogging. Le jeune homme a détalé après un pauvre sourire : même s’il fait de son mieux, son air fatigué, les cernes sous ses yeux et son air fermé, tendu, si ce n’est irrité, ruinent ses efforts. Et ce soir, ce soir précisément, il ne veut plus penser ni essayer. Il ne veut pas imaginer où se trouve Camden, ne veut pas imaginer quand ils le retrouveront, ne veut pas en parler non plus, car il n’y a rien à dire.

Cela fait presque une heure qu’il a quitté la maison des McKinnon. Son t-shirt gris lui colle à la peau, tant il a tiré sur la corde, la veste vaguement ouverte laisse voir sa poitrine qui se soulève, rapidement, anormalement. Non, Andrea n’a pas fait semblant et lorsqu’il sent ses muscles se raidir sous les derniers efforts, une vague de reconnaissance le submerge. Peut-être que ce soir, il dormira. Peut-être qu’il ne verra rien, sur le chemin. Peut-être sont-ce simplement le stress, l’inquiétude, les angoisses qui lui font imaginer des choses.

Des silhouettes dans une ruelle. Andy ne peut pas s’en empêcher : il s’arrête, recule de quelques pas - il était encore en train de courir, sur le point de faire demi-tour, de rentrer chez lui. Il ne peut pas s’en empêcher, non, ne peut pas éviter la confrontation : pas celle qui l’attend, mais les possibles illusions. Les silhouettes sont toujours là, quand la sienne se dessine dans l’embouchure de la ruelle. Il ne reconnaît pas tout de suite le type encapuchonné, retirer son casque, plisse les yeux pour mieux mieux y voir. Son walkman continue de jouer et la musique lui parvient encore, ainsi que les odeurs d’essence, distinctives et désagréables.

Kenny Holland.

Il n’est pas certain de ce qui lui permet de l’identifier. Sa posture, son poing levé, le coup brutal - plus violent encore que le mot lui-même - qu’il porte à l’autre homme. Il ne devrait pas s’en mêler, mais quelque chose se met à chanter dans ses veines. Une substance brulante qu’il ne saurait reconnaître - Andrea n’est pas un violent, ne se bat que rarement, à des mois et des mois d’intervalles. Holland l’insupporte pourtant. Pire, il l’énerve, l’irrite, tire sur la corde déjà tendue et avant qu’il n’y pense, avant même de l’avoir décidé, Andrea s’engage dans la ruelle et repousse Kenny d’un geste non-mesuré dont il ne se pensait plus capable. « Ça devient redondant, tu ne trouves pas ? » L’homme blessé marmonne quelque chose qu’Andrea ignore. Seules les effluves d’alcool lui parviennent ; il ne peut s’empêcher de froncer le nez. « Une victime de choix dis-moi. C’est plus facile quand ils sont incapables de se défendre j’imagine, connard. » Ça ne lui ressemble pas. Les mots, l’attitude ne lui ressemblent pas. Il n’a jamais été aussi loin de lui-même ; sa conscience semble s’éloigner, repousser au large par quelque chose qu’Andrea avait oublié, depuis le départ de son père. Une rage démente venue d’un trou, d’un trou profond et normalement soigneusement recouvert.
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Kenny Holland
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyDim 4 Nov - 0:20

Il n’avait rien vu venir. Il n’avait pas entendu le battement incertain des pas contre les pavés détrempés. Il n’avait pas senti le souffle trop court de l’homme percuter les murs de la ruelle. Il n’avait pas perçu la silhouette nouvelle s’approchant d’eux. Non, son regard à lui avait été concentré sur la figure ratatinée de son vis-à-vis, dont la belle arrogance avait fondu au contact de ses poings. Et ça le frustrait, putain, ça le frustrait de ne pas réussir à trouver d’adversaire en sa personne, de ne pas rencontrer à son tour les coups rageur d’un homme insulté. Il crevait de réveiller sa rage, il voulait l’éveiller, la secouer, la créer, l’attiser, la transformer en brasier, il voulait se consumer dans les flammes de la violence pour mieux renaître de ses cendres, se faire dévorer par la haine pour mieux fleurir dans la boue qui lui collait à la peau. Il voulait être un monstre et il voulait être une proie, il se refléter dans ce regard vitreux comme l’ennemi à affronter, la cible de toutes les rancœurs, de tout ce qui avait poussé ce minable à se souler la gueule à l’arrière d’une station essence miteuse. Au lieu de ça, rien. Rien d’autre que des grognements endoloris pour rebondir contre sa propre souffrance. Rien d’autre qu’un écho de sa peine dans le silence battue de pluie. Kenny voulait le frapper plus fort encore, soudain. Il voulait lui montrer qu’il fallait se remuer, affronter, se relever, échouer mais persévérer, qu’il fallait le frapper pour mieux se redresser, pour préserver l’honneur qu’il sacrifiait tous les jours. Mec, putain, elle est où ta fierté ?

Mais il n’en eut pas le temps. Deux mains le repoussèrent, fortes de juste un peu trop de puissance, de juste un peu trop de violence ; deux mains haineuses et colériques qui portaient les stigmates de la furie de leur hôte. Kenny se laissa faire, accompagnant le mouvement pour ne pas trébucher sur sa jambe affaiblie, son corps ondulant pour mieux réceptionner l’impact. Il recula d’un pas, releva les yeux. Le brun rencontra le brun. Douleur contre douleur, rage contre rage. Un sourire dévoré de noirceur bousilla son visage.

« Quoi tu préfères prendre la place du tocard, Ferretti ? »

Il ne connaissait pas beaucoup le type. Il ne l’avait vu que de loin, par le nom de la boutique de sa mère et leur réputation faite de candeur et de paillettes. Foutaises. Conneries. Il savait aussi que c’était un pote de McKinon. Pour peu il aurait fait une référence à sa disparition, pour toute la haine qu’il cherchait à provoquer, pour tout le désespoir avec lequel il s’accrochait à la violence. Il avait besoin de ce combat. Il avait besoin de faire redescendre l’incroyable pression qui s’accrochait à sa poitrine. Il allait finir par exploser s’il continuait comme ça, par crever sous le poids de tout ce qui le tourmentait. Le nom de Camden lui brûlait les lèvres. Il se retint à peine. Lui savait où c’était barré l’autre pédé, et pour tout le mépris qu’il ressentait à son égard il n’était pas prêt à cracher sur sa mémoire. Et il n’avait visiblement pas besoin de le faire.

S’approchant d’un pas, il cracha un éclat de rire moqueur, remontant un regard de tempête dans celui de son vis-à-vis. Son poing se coinça dans le col de Ferretti. Il l’attira à lui avec violence, collant presque son visage au sien dans sa furieuse urgence.

« Tu t’permets de me traiter de connard ? Mais t’es qui, toi ? T’as vécu quoi dans ta vie ? Tu sais quoi d’moi, à part ce que tous les connards de cette putain de ville racontent ? »

Il n’y avait pas de place pour la bienséance, plus de place pour l’hypocrisie. Andrea, il le voulait brut, découvert de sa mascarade de gentil garçon. Il le voulait gorgé de violence, dégoulinant de la tension qui émanait déjà de lui. Enfin. Enfin, songea-t-il, se présentait à lui un adversaire de taille, prêt à en découdre. Une étincelle folle brûlait dans son regard.

« Rentre chez ta mère, Ferretti, j’suis pas ici pour te border. »

De là, il le repoussa, fixant sur lui une expression moqueuse. Persuadé déjà qu’il ne rentrerait pas, qu’il ne ferait rien de ce qu’il lui susurrait, qu’il resterait et se battrait. Et putain, putain, c’était ce qu’il voulait.

Viens, Ferretti. Que j’te montre ce que c’est que de se salir les mains.
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyDim 4 Nov - 14:10

Un sourire étire doucement, tout doucement le coin de ses lèvres et Andrea se demande, un instant, s’il est dans un rêve. L’air chaleureux qu’il porte normalement au visage s’est changé en quelque chose de sauvage, presque mauvais, railleur et supérieur - rien, rien de ce qu’il est normalement, rien de ce qu’il porte au fond de lui. Il sait, pourtant, il sent que c’est ce qu’il faut dire, ce dont il a besoin pour provoquer Holland et le pousser encore un peu plus loin. Le type est aussi tendu que lui, si ce n’est plus - et, s’il était dans son état normal, certainement qu’Andrea lui aurait proposé d’aller prendre un café malgré ses attitudes de connard suffisant. Sourire contre sourire, les provocations sont à peine nécessaire, Andy le sait aussi, ce qui ne l’empêchera pas de se montrer dégueulasse, s’il le faut. Il n’a jamais été aussi mauvais. Il ne pensait pas pouvoir l’être, plus pouvoir l’être, plus depuis le départ de son père, plus depuis les années qui l’ont précédé. Est-ce grave ? Est-il en train de changer ? Est-ce la ville ? La disparition de Camden ? Ou est-ce autre chose qu’il se refuse de nommer, quelque chose de plus sombre, quelque chose qui le dévore doucement, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’Andrea et que l’image de son père lui réponde, dans le miroir ?

« Écoute, pourquoi pas, j’ai rien de mieux à faire… » Le haussement d’épaule, agaçant, répond au sourire railleur - non, ce n’est pas le bon de mot. C’est un sourire carnassier, dangereux, un sourire violent à lui tout seul, qui aurait, en d’autres temps, éveiller une certaine appréhension chez le jeune homme. Ce soir, juste ce soir-là, il en est pourtant satisfait, à croire qu’il n’attendait que ça. Le saut du bouchon, un exutoire à toute la tension accumulée ces derniers jours - ces dernières semaines ? Années ? Il n’a pas le temps d’y penser : les doigts d’Holland s’accrochent à son col, malmenant le tissu encore chaud de son jogging du soir. Andrea ne résiste pas, se laissant ramener comme une poupée désarticulée sans perdre du sourire - même quand Kenny lui rit au nez brutalement. « J’ai pas besoin d’écouter les rumeurs, tu passes ton temps à jouer au tyran, un sale con en manque d’attention… » Andrea souffle les mots, les siffle, les crache, sentant monter en lui autre chose que les brumes de rage, quelque chose de méchant - l’envie de frapper. Il ne recule pas lorsqu’Holland le relâche enfin, tout près, assez près pour lui cracher à la figure ou lui péter le nez.

« En fait, t’as peur. C’est ça, non ? » Ses mâchoires se contractent et quelque chose lui donne envie de mordre, de déchirer, de frapper. Il sait qu’il a raison - il le sait, il le sent, elle dégorge de tous ses pores, se glissent sous ses vêtements, contaminent tout ce qu’il y a autour de lui. « T’es terrifié, c’est tout, t’es qu’un sale gamin flippé de je n’sais quoi et franchement je m’en fous. Tu pues la peur et la médiocrité, Holland, et t’es bon qu’à taper. Sur plus petit que toi, si possible, ou sur un type bourré, apparemment. » Les mots s’échappent de sa bouche avant même que son cerveau ne les ait formulés. Son poing part lui aussi, s’écrase sur la mâchoire de Kenny, le geste à demi-volontaire, comme automatique, déjà prévu sans avoir été prémédité. Ses phalanges brûlent subitement, mais Andrea est incapable de desserrer les doigts de peur de les voir trembler, maintenant que ses gestes ont été libérés. « C’est ça que tu veux, n’est-ce pas ? Alors vas-y, putain, qu’est-ce que tu attends ?! » Il n’entend pas les bruits qui s’éloignent - le soûlard en a profité pour s’éloigner, partant vaguement en courant d’un pas zigzaguant. De ça aussi, il se fout. Ce qui l’intéresse, c’est le bras tendu, les doigts serrés, le coup qui arrive.
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyLun 5 Nov - 22:55

D’abord, ils furent miroir. Furie contre furie, sourire contre sourire, avec ce quelque chose de carnassier, cet instinct prédateur qui les poussait l’un vers l’autre de toute la violence qui démangeait leurs poings. Kenny pensait pousser Andrea à bout, obtenir toute la rage qu’il recherchait, la faire dégouliner jusqu’à ce qu’elle se teinte d’un sang qu’ils se feraient mutuellement cracher. Kenny voulait déclencher un combat de poings, un combat de haine, un combat exutoire de la colère qui lui bouffait le cœur.  C’est ce qu’il obtint. Ça, et autre chose. Ça, et du mépris. Quelque chose changea, d’un coup. Le regard de son vis-à-vis se teinta de suffisance. Son sourire prit un éclat narquois.

« … un sale con en manque d’attention… »
« En fait, t’as peur. C’est ça, non ? »
« T’es terrifié, c’est tout, t’es qu’un sale gamin flippé »
« …t’es bon qu’à taper... »
« …tu pues la peur et la médiocrité... »
T’es qu’une merde, Kenny.

Les mots se perdaient, se mêlaient, tornade dans un cœur  déjà bouillonnant de rage, torrent de glace en pleine lave, chaos au centre du champ de bataille. Les yeux de Kenny s’écarquillèrent, la tension dans ses poings s’accentuant à chaque syllabe prononcée, et l’instinct aux abois hurlant à son esprit de détruire, tout, de foutre en l’air ce visage d’ange, de l’écraser pour lui montrer ce que c’était d’avoir un démon dans le ventre, de lui faire porter tout le poids de la déception de cette foutue ville. Il était le revenu dont on n’avait pas besoin, il était celui qui était reparu mais qu’on aurait préféré arborant un autre visage, un visage plus aimé, un visage plus attendu, il était cette espèce de sous-merde dont on continuait de douter jour après jour, le type qui ne méritait pas mieux que le mépris des milliers d’habitants d’Aster Cove. Parce que c’était plus facile de l’écraser sous le joug de la bien-pensance que de réfléchir, que de se demander, s’il n’était vraiment que ça, que deux poings ensanglantés et un esprit corrompu, qu’un déchet, qu’une merde. T’es qu’une merde, Kenny.

Son souffle se coupa et il resta coi, une seconde, estomac brisé et poumons en feu, le choc d’un retour dans le passé ayant brisé son bel élan, le regard gorgé d’une trahison miséreuse. Il se sentait bêtement trompé, bêtement diffamé, comme si quiconque dans cette foutue ville en avait quelque chose à foutre de ses états d’âmes. Son estomac se retourne, il sent un relent de bile à l’arrière de sa gorge, ses doigts tremblent et le coup qui le cueille est sa seule barrière contre l’angoisse qui le ronge, contre la douleur qui le consume.

Kenny n’entendait qu’un sifflement dans ses oreilles, occultant les paroles d’Andrea, apercevant tout juste ses provocations. Il monta ses doigts à sa joue endolorie, se laissa mordre d’un éclat de rire amer. Le regard qu’il rendit à son vis-à-vis était fou.

« Bien Ferretti. T’es tellement meilleur que moi, hein ? Tellement parfait… »

Le poing partit tout seul. Mais il savait se battre. C’était une science apprise depuis des années, un art pratiqué sans relâche, en sport et en loisir, en salle et dans la rue, chez lui comme au lycée. La violence coulait en ses veines comme la substance rouge qu’il s’évertuait à faire couler. Il savait frapper, savait faire mal, savait détruire, parce que c’était tout ce qu’il savait faire, c’était tout ce qu’il pouvait faire, c’était ce qu’ils disaient tous et putain, putain, s’ils avaient raison alors il allait leur montrer combien ça faisait mal.

Ses cartilages entrèrent en collision avec la pommette d’Andrea. Puis avec son nez. Il profita de son élan pour le cueillir dans le ventre de l’autre main. Il le repoussa contre le mur, un grognement de rage émanant de ses lèvres.

« T’ES GENIAL TOI HEIN ?! »

Crochet du droit.

« T’AS PAS DE DEFAUT, PAS VRAI ?! »

Coup de pied.      

« EST-CE QUE T’ES TOUJOURS AUSSI PUISSANT, LA, FERRETTI, LOIN DE TA PETITE COUR DE MERDE, LOIN DE TA JOLIE PETITE CAGE DOREE A LA CON ?! EST-CE QUE JE SUIS TOUJOURS UNE MERDE, FERRETTI, LA ?! »

Les coups pleuvaient, rapides et précis, méticuleux et de moins en moins pourtant. Il tremblait, il tremblait de plus en plus fort, de plus en plus dur, son souffle sifflait et son estomac se tordait, ses poumons brûlaient et ses yeux débordaient d’une douleur qu’il se dissimulait à lui-même. Sois en colère, Kenny, oublie tout, rage, hurle, frappe, oublie-toi et meurs sous tes propres coups comme tu l’as déjà fait une fois.
T’es bon qu’à frapper, Kenny. Parce que t’es qu’une merde.
HRP:
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyMar 6 Nov - 9:02

Peut-être va-t-il mourir ce soir. La pensée lui traverse l’esprit sans susciter ni peur ni angoisse. Pour la première fois depuis des jours, Andrea n’a pas peur. Il sait combien il a été injuste, à l’instant - combien il ressemble à son père, là, avec cet air mauvais au visage, ce mépris dégoulinant. Il sait que ce n’est pas lui, pas vraiment, que c’est une autre personne qu’il essaye de fuir depuis longtemps, l’image d’un homme qu’il ne veut pas devenir - et qu’il n’a jamais été. Là encore, les mots s’envolent, quittent son esprit alors que le regard fou de Kenny se pose sur lui. Il a trouvé le point faible, la blessure où frapper - il n’en est pas fier, mais il est rassuré. Peut-être va-t-il mourir ce soir et Andrea sait qu’il survivra à sa propre mort. Il ne prend pas la peine d’imaginer, de peur de changer d’avis, sa mère et sa soeur habillées de noir.

Comment elles sont venues, ces pensées disparaissent, étrangères même à l’instant présent, au mur contre son dos, au premier coup qui lance l’alerte. Tout son corps se tend mais il laisse le poing s’abattre sans répondre d’abord. C’était ce qu’il cherchait, non ? Il n’a pas besoin de dire qu’il n’est pas meilleure qu’Holland - il se sait médiocre, incapable d’achever ce qu’il avait commencé, incapable de régler une situation tordue, incapable d’enfoncer son poing dans la figure qui le méritait. Alors que Kenny se déchaîne, que ses dernières restreintes éclatent et disparaissent, Andrea a l’impression, brièvement, d’être tiré hors du temps. Il n’est pas tout à fait lui-même, ces derniers temps, le gentil garçon ayant laissé place à quelque chose d’autre, marqué de cernes et de tension. La fatigue le tire loin de la ruelle quand il entend le premier craquement, et il se rappelle qu’il n’est pas là pour contempler. Il ne sait pas se battre comme Kenny, pas aussi bien. Tout ce qu’il a, c’est une vieille colère, une incompréhension et du désespoir. Il les arment dans ses poings, dans ses bras, dans ses jambes et, alors que les doigts de l’autre, déjà abîmé, reculent de son visage, que ses pieds ont repris leur place, il frappe.

Ou plutôt il charge, échappant à ses doigts d’acier, enserrant sa taille et les propulsant un peu plus loin dans l’allée. Un choc brutal - le sol. C’est un coup de chance s’il prend le dessus, si son corps surplombe celui de Kenny, si son poing s’abat une fois, deux fois, il ne sait combien de fois alors que l’autre rue sous lui - bouge-t-il vraiment ou imagine-t-il ça aussi ? Est-ce sa tête qui tourne ? Son nez, sa côte qui hurlent de douleur quelque part dans son corps ? C’est pas toi, c’est pas toi, c’est pas toi, c’est pas toi, c’est pas toi. La litanie se déroule dans un coin de son cerveau qui se reconnaît encore, un endroit où son reflet n’a pas changé, où rien n’a changé, où il vit encore à Boston, dans leur jolie maison, mais juste tous les trois, heureux, inchangés, sans Camden, sans son père, sans rien. Il s’en veut, un bref instant, d’oublier, d’être aussi égoïste et son poing s’abat une nouvelle fois. Non, il ne se bat pas aussi bien que Kenny, il n’a pas la précision, il n’a pas la même volonté de faire mal. Andrea veut simplement sentir quelque chose de réel contre sa peau, contre son corps, réel comme la douleur qui l’envahie. « Tu sais rien, Holland. T’en sais pas plus que moi, tu sais rien, tu sais rien putain… » Les mots s’échappent entre les coups et il n’est pas bien sûr de les avoir criés ou murmurés. Subitement, il se sent comme vidé de la colère qui l’a porté jusque là, de ce qui lui a donné envie de frapper. Andrea ne sait rien non plus, ne sait rien de ce qui se passe, de ce qui le pousse à faire, ou du moins préfère-t-il l’ignorer pour le moment. Il ne sait rien de ce qui pousse Holland à le haïr subitement, si ce n’est cette peur dégoulinante dont il n’aurait jamais osé se moquer en temps normal. Ses poings dérapent sur la peau, il sent quelque chose heurter ses côtes à nouveau.

Comme brûlé, Andrea recule brusquement, s’emmêle, trébuche, à même le sol, loin du corps de Kenny. Il sent le liquide, chaud, qui coule le long de son visage - son nez est encombré, il a du mal à respirer et une de ses paupières commence à gonfler. Depuis combien de temps sont-ils là ? Ça a été rapide, n’est-ce pas ? Ou plus long qu’il ne l’imagine ? Peut-être Kenny va-t-il recommencer, et il n’est pas sûr de pouvoir - de vouloir l’arrêter. Mais Andrea - le vrai, l’originel, celui qu’il n’est pas ces derniers jours, ces dernières heures - observe la scène, clignant des paupières, se réveillant d’un drôle de rêve. Un mot lui brûle les lèvres : il est là, au bout de sa langue, se transforme en une phrase qu’il aurait dû prononcer depuis le début, le tout début, mais il garde encore le silence.
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyMer 7 Nov - 15:36

Andrea Ferretti ne savait pas se battre, et il ne savait pas se défendre non plus. Kenny en vint rapidement à cette conclusion, dans la part de son esprit qui fonctionnait encore, qui n’était pas tout à fait noyée dans son océan de rage. Sa voix est faible toutefois, face à l’orage, pas assez légitime pour retenir la foudre de frapper, pas assez puissante pour le faire reculer. Alors il cogna, il cogna encore, déchira ses poings et ravagea ses poumons, oubliant de respirer pour mieux hurler sa haine.

Andrea Ferretti ne savait pas se battre, mais il était plus grand et plus lourd que lui. La suite des événements le gifla plus fort que le coup qu’il reçut ; l’impact d’un corps contre le sien, son dos contre le bitume, son souffle qui se décolle. Et un coup. Le premier. Un poing sur sa joue. Un second. Il était allongé, coincé sous le poids de son adversaire. Impuissant.

Un sourire perpétuel sur son propre visage. Le regard fou et les coups, assassins, sans merci. Les rires.

Putain. Le cœur de Kenny se broya dans sa poitrine, s’arrêtant presque sous la vague de souvenirs qui se brouillaient soudain dans son esprit. Instant de pause. Sa respiration s’était coincée. Il releva un regard écarquillé de panique vers son vis-à-vis. Il avait besoin de voir, besoin d’être certain, de ne pas se rendre compte que Ferretti avait été remplacé par un pantin maniaque qui voudrait sa peau.

Le nez qui craque. Gerbe de sang contre le sol. Le poignet qui se retourne. Premier hurlement. Rires. Hystérie.

Et soudain il ne voulait plus savoir. Sa gorge était nouée d’une angoisse qu’il n’osait exprimer depuis plus longtemps, la tension animant son corps semblant prêtre à le rompre. Il allait exploser. Il allait crever. Il fallait lutter, fuir, agir, se battre, ne pas se laisser faire, il allait mourir, il ne voulait pas, pas maintenant, pas comme ça… La litanie de mot se répétait en boucle dans sa tête, macabre mantra, terrible ostinato d’horreur, et il avait peur autant qu’il avait mal, était en colère autant qu’il était en souffrance.

L’animal blessé, acculé, était toujours plus virulent. Ses poings rencontrèrent le flanc de son agresseur, avec une puissance à en faire blanchir ses phalanges, encore et encore, son corps remuant désespérément pour se défaire de l’étreinte meurtrière, pour faire chuter le poids qui le plaquait au sol. Ses entrailles étaient consumées d’un feu glacé, agonisantes sous l’incommensurable pression qui l’étouffait.

L’action ne dura que quelques secondes, quelques minutes tout au plus. Ferretti sembla soudain se réveiller, se relevant, reculant comme s’il avait été fait de lave. Les regards se rencontrèrent brièvement, désorientation contre panique, désarroi contre terreur. Kenny se releva en un éclair. Son corps entier était tendu, tremblant, il ne parvenait pas à calmer le rythme infernal que battait son cœur, ses yeux étaient écarquillés, dilatés par un instinct de survie stimulé trop tôt.

Putain, jura-t-il, je devrais avoir dépassé ça, je devrais avoir dépassé ça…

Le garçon s’agitait encore, son attention fixée sur le moindre geste de son vis-à-vis, sur chaque soubresaut de son corps endolori, sur les marques et les témoins de ce qu’il lui avait infligé. Progressivement, il comprenait. Qu’il était loin d’être celui qui avait le plus souffert de ce combat. Qu’il n’était pas impuissant et ne l’avait pas été. Au contraire, sans doute avait-il fêlé, si ce n’est brisé une côte de son cadet. Il n’avait aucune idée de la force qu’il avait pu employer. Il avait été trop paniqué. Paniqué. Il entendait encore les mots de son adversaire, battant contre ses tempes. [i] « Tu pues la peur et la médiocrité. »[i]

Son cœur se broya et il fronça davantage les sourcils, tuant Ferretti du regard. Il le détestait. Il le détestait d’avoir raison, il le détestait de lui cracher au visage. Il s’en foutait de sa vérité à lui, il s’en foutait de ce qu’il faisait ou pas, de sa dégaine de gosse gentil et de son sourire mielleux de merde. Il s’en foutait de savoir. Ses pieds le portèrent seul. Il écrasa son poing sur la joue de l’autre. D’un coup. Fort et violent. Un éclat de rire presque hystérique lui échappa et sa voix, lorsqu’il s’exprima, avait été rendue rauque d’angoisse :

« Parce que tu sais, toi, Ferretti ? Tu sais tout d’ma vie ? »

Cracher quelques gouttes de sang, s’approcher dangereusement.

« Tu crois que tu me connais, Ferretti ? »
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyJeu 8 Nov - 20:05

Quelque chose craque dans son torse. A gauche, il lui semble, mais c’est peut-être à droite, il n’est pas bien sûr. La douleur, elle, est lancinante. Vive, d’abord, aigüe comme un couteau que l’on enfoncerait dans son flanc, puis brûlante. Kenny a certainement touché une côte - une autre ? Le sang coule encore sous le nez d’Andrea et il est à peu près sûr que lui aussi est cassé. Des caillots ont commencé à se former sous ses narines mais sont incapables de bloquer le sang qui coule sur ses lèvres. Le goût du fer envahit sa bouche et il ne sent plus que ça, ne goute plus que ça - du sang, partout, qui coule dans ses yeux, qui se répand sous sa peau. Holland est enragé, et il continue de frapper, de frapper encore, mais ce n’est pas pour ça qu’Andrea recule. S’il n’est pas habitué à se battre, il pourrait encore encaisser les coups, il pourrait continuer à fermer les yeux, à attendre qu’ils pleuvent, là, étendu sur le pavé. Une partie de lui le veut - il la sent qui bouge, là, quelque part au fond de lui et, un bref instant, il imagine que c’est son père étendu sur le sol à sa place. Puis la forme change et c’est Camden, qui se tient là, étendu de tout son long - est-ce qu’il respire encore ? Et puis il y a Bartholomew - Monsieur Caldwell, parce qu’Andrea n’a jamais réussi à se glisser dans cette sorte de familiarité avec le professeur.

Ce n’est qu’Holland, pourtant. Holland le tyran, le violent, toujours fermé, et puis il y a l’autre, celui qui, ce soir, est terrifié. Malgré la brume qui l’entoure, Andy le sent - sa peur est plus grande que la sienne, différente, aussi, viscérale, plus loin de la tête, enfoncée au creux de l’estomac. Qu’est-ce qu’il cherchait, déjà, en entrant dans l’allée ? Son objectif s’éloigner en même temps qu’il s’éloigne du corps de Kenny encore allongé - pas pour longtemps, il le sait, il ne se fatiguera, pas comme lui, dont les épaules s’affaissent déjà, dont la douleur résonne dans ce corps déjà fatigué. Pathétique, voilà ce qu’il est. Andrea est devenu pathétique en l’espace de quelques semaines. « Non, j’en sais rien. » Et voilà. Aussi subitement qu’un orage qui s’éloigne, qu’une tempête qui retombe, sa rage l’abandonne - sa folie aussi semble s’échapper de lui, soufflée hors de son corps par quelque chose d’autre. Sa voix, pourtant, n’est pas faible ni basse - sa fierté, malgré tout, l’empêcherait de se soumettre à la violence d’Holland - mais l’arrogance et la cruauté dont il a su faire preuve quelques minutes plus tôt ont déjà disparues. Elle ne lui appartenait pas vraiment, et il n’ose pas y repenser, de peur de ses les approprier - trop vites revenues, trop vite habitué qu’il serait.

Holland a l’air plus fou que lui, d’une certaine manière - une autre forme de folie, induite par l’insidieuse dont on ne sait rien, que l’on n’explique pas. Andrea le regarde, regarde ces yeux fous au premier abord, traqués, terrifiés au second. Le voit-il vraiment ou est-il en train de l’imaginer ? Ou est passée sa propre haine ? Un soupir lui échappe et il tire sur sa manche pour essuyer le sang sous son nez. « J’en sais vraiment rien mais j’avais besoin que tu réagisses. Et je me suis comporté comme un sale con. » Ça ne le gêne pas de l’admettre - ça fait plus mal, pour Andrea, d’y repenser, de se rendre compte qu’il a effectivement été un immonde connard, comme de ceux qui frappent un animal déjà blessé. « J’avais besoin d’une excuse, toi aussi, je crois. » Andrea attend le prochain coup, se demande pourquoi il le laisse encore parler. Il ne connaît pas bien Holland - n’a vu de lui que les brimades, n’a entendu que les rumeurs auxquelles il n’a pas porté attention. Il ne sait pas qui est ce type et ce type ne le connaît pas en retour. Ils ne savent rien - rien, vraiment, l’un de l’autre, mais pensent savoir et le prétexte a semblé suffisament. « Désolé. J’aurais jamais dû dire ça. » Est-une offre de paix ? Andrea ne le sait pas lui-même. Sa vision baisse de l’oeil droit et le mur l’appelle - la côte brisée l’empêche de respirer comme il le voudrait. Il ne cesse pourtant de regarder son aîné - combien ont-ils de différence, un an, deux peut-être ? De guetter sa réaction. D’attendre.
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyLun 12 Nov - 10:23

« Non, j’en sais rien. »

Douche froide sur le brasier de la tension, Kenny perdait du même coup le pouvoir sur la situation. Un regard gorgé de désarroi se releva vers celui, presque serein soudain, d’Andrea. Lui ne comprenait plus rien. Son corps, encore tout tendu de stress, s’agita sur lui-même à défaut de pouvoir se relâcher sur l’autre. Il ouvrit la bouche, sa langue cherchant des saloperies à cracher sur son interlocuteur, la referma lorsque rien ne vint. Sa gorge se serra. Pendant ce temps-là, le jeune italien s’exprimait, calme, maître de son être, régent de leur affrontement.

« J’en sais vraiment rien mais j’avais besoin que tu réagisses. Et je me suis comporté comme un sale con. »

Arrête. Arrête de faire ça. Il secoua la tête, fit un pas en avant, oscillant entre rage, frustration et désarroi, terreur et colère, tension et désorientation. Il ne savait pas gérer ça. Il ne pouvait pas gérer ça. Andrea était en train de lui ôter la seule chose sur laquelle il avait du contrôle. La seule chose qui le rendait maître, qui le rendait puissant, qui chassait ses craintes et lui donnait du pouvoir, juste un peu, rien qu’une once. Et dans son état de nervosité, Kenny avait l’impression qu’on lui arrachait ses armes. Il avait l’impression de perdre pied, se noyant progressivement dans le miasme sombre de ses démons.

« Désolé. J’aurais jamais dû dire ça. »
« Arrête ! »

Le mot était guttural, rauque, dégoulinant d’une tension qui, loin de décroître, ne faisait que se sublimer à la lumière de son incompréhension. Ce n’était pas censé finir comme ça. Ils devaient encore se battre. Il n’avait pas réussi à se calmer. Il avait besoin de se calmer. Il avait besoin de frapper. Mais l’incendie s’était éteint et à sa place ne demeuraient que les braises, brûlantes, qui consumaient son âme sans le laisser les approcher.

Kenny adressa une œillade presque paniquée à son vis-à-vis, émanant d’une angoisse presque dangereuse. Le frôler semblait pouvoir le briser ou le pousser à briser quelque chose, quelqu’un, n’importe quoi. L’énergie qui frémissait dans son corps lui arrachait des tremblements, ou peut-être était-ce la froideur mordante de la pluie. Il ne parvenait plus à faire la différence. Il ne parvenait plus à réfléchir. Il avait besoin de quelque chose, besoin de cette violence qu’on lui refusait, de cette fureur qu’on lui avait arraché. Saisissant à deux mains le col d’Andréa, il le plaqua contre le mur avec violence, voix frissonnante et doigts agités, esprit tordu et cœur broyé.

« Te fous pas de moi ! Elle est passée où, ta belle assurance ?! Tu te couches ? Maintenant ?! »

Il relâcha un peu la pression pour mieux le pousser de nouveau, corps dévoré d’une rage nourrie par la peur, la peur viscérale qui venait de partout et de nulle part à la fois, qui était omniprésente et invisible pourtant. Il ne savait pas quoi faire, plus quoi faire, il avait besoin de l’évacuer mais on refusait de le laisser, on refusait de le libérer.

Là, trempé, cheveux collés au front et vêtements plaqués contre sa peau, regard hagard et respiration coincée, Kenny n’avait jamais été plus proche de la rupture. Et il n’en avait que trop conscience.
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyMar 20 Nov - 18:58

 « Kenny… » Est-ce qu’il là déjà, ne serait-ce qu’une fois, appelé par son prénom ? Andrea n’en est pas sûr. Le mot déboule sur sa langue comme un inconnu et lui secoue les plumes - collées par le sang. L’image va bon train dans son esprit, et il y voit un animal étrange, protéiforme, tantôt oiseau tantôt monstre, dont le plumage est couvert d’un mélange de goudron et d’hémoglobine. Lui a-t-on cogné si fort la tête ? Andy la secoue, aperçoit une étoile, une deuxième, derrière ses paupières fermées, et le monde se met à tourner - à valdinguer bien franchement. Pourtant, il se sent enfin lui-même, et ça fait longtemps qu’il n’a pas eu l’impression d’habiter son corps. Qu’est-ce que ça veut bien vouloir dire, « longtemps », exactement, il n’en est pas sûr et ne cherche pas à savoir. Les jours lui ont échappé, tout comme son tempérament, et Andy s’en veut. Non pas par à cause d’Holland, pas vraiment, mais parce qu’il n’a pas été élevé comme ça - n’a pas été élevé pour devenir son père. Quand Andy ouvre les yeux, il n’y trouve pas la rage qu’il pensait y voir. C’est autre chose de plus vicieux, de plus désagréable, quelque chose qui fait frémir sa peau. Il la sent se serrer sur ses muscles, sur ses os, comme quand il s’allonge le soir et qu’il ferme les yeux. La même peur qui le saisit quand il se perd dans les rues de la ville, qu’il se perd et qu’il s’en rend enfin compte, que les ombres se sont déjà refermées sur lui.

Andy ne trouve pas les mots. Il parle si souvent que le silence, après les coups, l’abasourdi tout autant. Mais Holland prend le relais, tire sur son col, le pousse contre le mur - les briques réveillent la douleur. « Maintenant quoi ? » On le lâche et son corps s’affaisse quelque peu contre le mur. « Maintenant quoi, Kenny ? » La question aurait pu être brutale et mauvaise. Sa voix est un peu vidée, certes, mais le mordant l’a abandonnée. Du revers de la main, tirant un peu sur sa manche, Andy essuie le sang qui coule sous son nez. Il n’ose pas imaginer sa tête, ne sait pas comment il va faire pour rentrer en évitant sa soeur et sa mère. Ne sait pas comment il va leur expliquer que lui, Andy, lui s’est battu, lui a provoqué celui qu’il valait mieux laisser tranquille. Et puis il se demande si quelqu’un fait la même chose pour Holland. Si on l’attend, si on lui demande ce qu’il s’est passé, si on s’assure qu’il n’est pas sérieusement blessé. Le visage de Sandra lui traverse l’esprit comme un souvenir et il manque de secouer la tête. « Ma belle assurance c’est du chiqué, je me suis battue trois fois dans ma vie - cette fois comprise dans les trois. » Il se retient de préciser qu’il n’a pas le savoir-faire de son adversaire, de peur de relancer la machine et d’être incapable de la contrôler. Il ne sait pas quoi faire - plus quoi faire face à un type qui s’effondre en restant droit, qui le regarde comme s’il y avait un lion derrière lui, un lion dans la rue, un monstre, un ours, une bête, quelque chose prêt à lui bondir dessus. À bondir et à lui arracher la gorge à mains nues.

« Je comprends pas ce qui se passe mais on a deux options. Soit tu continues et tu vas rapidement t’ennuyer, soit en reste là. » Andy sait qu’il est incapable de faire face à Kenny plus de quelques minutes encore. Son corps, en l’état, ne le suivra pas - il aurait en temps normal était un meilleur adversaire, certainement. Son attention toute entière est concentrée sur Kenny, si bien qu’il en oublie les silhouettes qui dansent dans l’ombre, au bout de la rue, au delà de la lumière du lampadaire. Il sait que personne ne peut les voir et il sait aussi qu’elles auront disparu dans un battement de paupière. Que l’une d’entre elle aura le visage de Camden. « J’suis certainement pas celui à qui t’as envie de parler mais je suis pas débile au point de voir qu’il y a quelque chose qui va pas, Kenny. » Les mots lui échappent dans un demi-murmure, une parole hésitante - où peut-être sont les coups qui ont mangé ses mâchoires. Subitement, Andy veut lui offrir une bière, lui tendre la main, lui coller une baffe. Autre chose que cette peur dégoulinante qui commence à ramper jusqu’à lui et s’insinuer dans son ventre, visqueuse et glacée.
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyMar 27 Nov - 0:09

Il ne réagit pas. Il ne répond pas. La colère n’entraîne plus la colère, la violence ne rompt plus les digues du self-control. Ferretti n’a pas en lui les brasiers infernaux qui le consument ; il ne sait pas combien la douleur du corps peut apaiser celle de l’âme, n’a aucune idée de ce que cache le sang qui dégouline des jointures déchirées de ses doigts. La voracité de sa furie s’est éteinte d’un coup, et lui n’a plus rien. L’appât échoue de nouveau, rebondit mollement sur les murs suintant de l’allée sombre et lui laisse un goût ferreux sur la langue. Il mord sa lèvre trop fort. Elle est déjà éclatée. Et plus Andrea murmure ses aveux, plus il tente de cesser le feu et plus Kenny s’énerve, plus il s’agite, pantin mortifère d’une angoisse maîtresse. Il vomit ses souffles erratiques, lourds et sifflants, paraît les cracher à la face de l’homme qui lui refuse ce dont il a provoqué le besoin. Son corps pend, fatigué de son combat, tendu pourtant sur toute sa longueur. Il sait ce qu’il fait. Il est prêt. Animal, prédateur, félin. Œil avide et sourire mangé de douleur.

Et Ferretti ne réagit pas. Et il ne réagit plus. Elan de désespoir dans les tumultes de sa noirceur. Kenny ne peut s’empêcher de le pousser contre le mur, à nouveau, plus fort.

« M’appelle pas par mon prénom, connard. On s’connaît pas et j’veux pas t’connaître, j’m’en fous de te connaître. T’es en train de fuir. Arrête de fuir. »

Les intonations de sa voix oscillent dangereusement. Il ne sait plus ce qu’il fait. Exigence ou supplique ? Ses mots tremblent, sa langue s’épaissit, les paroles se dénudent de sens. Son corps frémit de stress, cauchemar de ne pas parvenir à revenir sur son terrain conquis, sur ses valeurs sûres. Il a peur. Il a peur de ses propres réactions, peur de cette facette de lui-même qu’il refuse de montrer à quiconque, qu’il refuse de regarder, peur de ce que ces émotions lui font. Il a l’impression de se perdre, de se consumer, et il a… Il a besoin de plus, il a besoin de ce combat, il a besoin de se battre. Maintenant. Pourquoi Ferretti ne comprend-il pas ? Pourquoi…

« Pourquoi t’insistes, comme ça, Ferretti ? Je m’en branle de tes états d’âmes. Si t’en peux déjà plus c’est que tu te chies dessus, c’tout ! »

Il sait que c’est faux, il s’en fout. Le but est ailleurs. Il veut réveiller la colère, la part sombre de ce type parfait, au sourire parfait et à la putain de vie parfaite. Il veut révéler le masque hideux qui réside en chacun et dont la présence n’a pas épargné l’italien. Il veut rallumer les braises agonisantes de l’incendie de colère. Il ne comprend pas pourquoi celui-ci s’est éteint. Et il ne peut pas le déclencher seul. Il a besoin de ça. Il ne sait pas comment gérer la panique qui le ronge, il ne sait pas comment faire face à ses sentiments autrement qu’en les extériorisant comme ça, et s’il ne le fait pas c’est dans leur gosier qu’il finira, ombre d’un fantôme, zombifié par la vie. Il ne veut pas finir comme ça. Il a peur. Andrea n’a pas idée d’à quel point il avait raison, quelques minutes auparavant. Cette idée le met en colère.

Ce serait tellement plus facile, s’il y mettait du sien. S’il n’insistait pas pour étouffer le feu de la colère. S’il ne luttait pas contre le courant de sa rage. S’il admettait que, peu importe les raisons, ils ont besoin de ce qu’il se passait là, encore un peu, juste un peu, juste le temps de faire disparaître le gouffre qui dévore ses tripes. Le ramassis de conneries qu’il lui déballe, le… la proposition de trêve, ça le met hors de lui. Il ne peut pas. Ils ne peuvent pas s’arrêter là. Il n’a rien compris. Sa vision virevolte dangereusement tandis que son poing rencontre le mur, à côté de la tête de Ferretti.

« JE PEUX PAS EN RESTER LA !!! »

L'explosion est soudaine, presque étrangère. La violence de sa propre voix lui arrache un sursaut. Il ne se reconnaît plus. L’intonation écorchée, les mots tremblants, le désespoir dégoulinant de ses lèvres… C’est pathétique. C’est écœurant. Le regard brun est perdu, désorienté – a-t-il pris un coup à la tête ? Pourquoi réagit-il comme ça ? Comment en est-il arrivé là ? Ce n’est pas lui, tout ça. Ça n’a jamais été lui. Il se fait peur à lui-même. Est-il fou ? A qui la faute ?

La colère bat en retraite, douchée par son désarroi. Il recule de deux pas, manque de trébucher sur des genoux fébriles, lance une expression défensive à son interlocuteur. Et sa gorge se serre, soudain, en voyant le sang qui dégouline du visage tuméfié, du visage pacifié qui lui offre toute l’ampleur de sa compassion malvenue. Il se renfrogne.

« C’est toi qui me va pas, Ferretti. J’t’avais rien d’mandé. »

L’offre est perçue comme une menace. Kenny est sur la défensive. Kenny est un animal blessé que des chimères ont poussé dans ses retranchements. Il respire toujours trop vite, toujours trop fort. Ses épaules se soulèvent à un rythme effréné, effrayant, il tremble un peu plus à chaque seconde et refuse d’admettre qu’Andrea puisse avoir raison. Qu’Andrea puisse être sincère. La situation l’énerve plus qu’autre chose. Il a besoin d’air.

« Va te faire foutre, tu sais quoi ? Je comprends même pas pourquoi t’es venu me faire chier pour commencer… »

Tandis qu’il fait l’effort de maintenir la férocité de ses propos, son corps, lui, s’affaisse. Les événements s’empilent progressivement sur ses épaules et il fatigue, vacille sous son propre poids à force de se surmener. L’adrénaline s’estompe et éveille dans son sillage l’allée des douleurs, le boulevard des souffrances. Sa jambe brûle, incandescente, son nez le lance et ses côtes pulsent, son visage tire et son dos se tend. Son crâne tourne, tourne encore, abattu par les battements de son cœur qui y résonne trop fort, inlassablement, tortueusement. La vérité s’abat petit à petit dans son esprit : lui non plus n’est plus en état de se battre. Il n’en dira rien, pourtant.

« Et puis tu crois que t’es mieux, toi ? Regarde-toi, mec. Monsieur parfait est v’nu chercher la merde à une des racailles de la ville. T’es vraiment trop con. »

Kenny voudrait que la haine perdure, mais la lassitude est parvenue à se glisser jusque dans sa langue et il n’a pas réussi à la retenir, à la contenir. La façade se craquelle. Et lui-même ne sait pas ce qu’il pourra trouver derrière. Cette idée le terrorise.

A la lueur du silence, ses bras viennent distraitement se presser contre ses flancs, réconfort ou protection, apaisement ou bouclier. Il ne sait plus quoi dire, plus quoi faire. Ferretti a atteint son objectif : le prince de la colère est vaincu. La pluie continue de battre sa silhouette, insensible à ses démons, collant les mèches foncées à sa figure blême, magnifiant les tremblements qui l’agitent. Au moins pourra-t-il prétendre que le froid est leur père.
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptySam 1 Déc - 18:33


 « Calme-toi, putain. Calme-toi. » Andy ne sait plus comment réagir. Il n’est pas vraiment énervé mais le ton se durcit - est-ce que cela sert à quelque chose, il ne saurait dire. Kenny ne cesse de le provoquer et, un instant, Andrea se demande s’il ne fait que chercher les coups. Si cette histoire d’angoisse et de peur saisissante est plus profonde, plus complexe encore qu’il ne l’a imaginé, si, un jour, Holland va s’apaiser - ou si cette soirée étrange va se dérouler ainsi, comme un disque rayé, l’un s’énervant et frappant et l’autre attendant simplement que l’orage passé. Où le garçon qui a traversé la ruelle, quelques instants plus tôt, persuadé d’être poursuivi par un fantôme ? La tête emplie de tellement d’ombres qu’il n’y voyait plus clair ? Il n’en sait rien, vraiment. Andy peut sentir la brume dans son cerveau, épaisse, bien présente - il se souvient de ce qu’il a entendu cette nuit, et la nuit précédente, de ce qu’il a vu ou de ce qu’il a cru voir en courant encore ce soir. Mais l’énergie qui le tenait encore debout s’est enfuie, laissant derrière elle un vide presque lucide, un bref instant de clarté. « Pourquoi t’as besoin de me faire passer pour un trouillard ? Tu sais très bien que tu m’effraies alors arrête de jouer au caïd cinq minutes… »

C’est une sorte de hurlement qui lui échappe et qui coupe Andrea au beau milieu de sa phrase. Elle impose le silence, une sorte de silence, alors que la pluie continue à s’abattre sur eux, le bruit des gouttes envahissant la ruelle sans vraiment les atteindre. Il a vaguement conscience d’être trempé et qu’un son sang, délayé par l’eau, imprègne ses vêtements. Son visage brûle, tout son corps brûle mais Andy ne fait que froncer les sourcils. Il ne comprend pas. Il y a quelque chose qu’il ne comprend pas et, comme à chaque fois qu’il se trouve confronté à une douleur plus grande que ce qu’il peut saisir, il veut comprendre. Non pas par égoïsme pur, ou par simple curiosité, mais parce que le type qu’il est - qu’il était avant ces derniers jours - l’aurait fait. Aurait proposé un coup de main, levé le drapeau blanc, agit normalement - et non comme un animal sauvage acculé en pleine chasse.

Andrea ne dit toujours rien alors que Kenny reprend la parole, le provoque à nouveau, met le doigt sur ce qu’il vient de se passer, appuie, enfonce, recommence. La rage s’écoule par tous ses pores, disparaît avec la pluie et ses épaules semblent s’affaisser comme l’on fait celles d’Andy, mais au lieu de se détendre, elles se serrent, se contractent d’une autre manière, et le corps d’Holland semble se faire à la fois plus dur et plus petit. Qu’est-il en train de se passer ? Andrea ne comprend pas ce à quoi il a à faire. Il ne comprend pas jusqu’à ce qu’il voit la poitrine de Kenny se soulever - un peu trop vite. « Arrête avec cette histoire. » S’aidant du mur, Andy se redresse plus vivement qu’il ne s’en serait cru capable et, d’un même mouvement, repousse Kenny vers le mur opposé de la ruelle. Plaquant sa main contre le torse de celui sur lequel il était en train de taper il y a un instant, il soupire. « Respire. Tais-toi un peu et respire, sinon tu vas faire une crise d’angoisse, un AVC, ou une connerie de ce genre. » Il le voit trembler - il voit ses bras se contracter et sa propre main se presse un instant contre la poitrine qui refuse de se calmer. « Respire, j’te dis, arrête de jouer au con. »

Andy aurait bien aimé garder de son mordant mais il n’en est pas capable. Il a trop souvent vu sa soeur se recroqueviller sur elle-même, avant et après le départ de leur père, pour laisser Holland comme ça. « Tu veux savoir pourquoi j’suis venu te chercher ? Oui, je sais, tu vas me dire que tu t’en fous, mais tant pis. J’ai l’impression de devenir fou, et ça me semblait la meilleure solution pour remettre les choses d’aplomb. C’est con hein ? Horriblement con, je sais. J’entends des trucs la nuit, comme si j’étais en train de rêver, la musique qui se met en route, les lumières qui s'allument. Comme s’il y avait quelqu’un dans la maison mais y a personne, tu comprends, y a personne. J’ai vérifié. Je ne sais même pas dire quand je suis vraiment réveillé et quand je suis en train de rêver. Et c’est pas que la nuit - c’est le jour, aussi, ces derniers temps. Je vois des gens alors qu’il y a personne et maintenant je sais plus dire ce qui est réel ou ce qui ne l’est pas. » Il n’avait pas l’intention d’admettre tout ça et Andy recule à peine, observant Holland, sa réaction. Il n’est pas là pour une confession - mais il ne sait pas quoi faire d’autre qu’utiliser la vérité pour attirer son attention, pour changer la direction de la soirée, ne serait-ce qu’un peu, un tout petit peu, tant il a envie de se retrouver. « Respire, j’t’ai dit. »
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Kenny Holland
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyMar 11 Déc - 12:56

Dans le silence humide de l’allée, le bruit des pas d’Andrea retentit comme un craquement. L’éclatement d’une bulle. Kenny n’eut pas le temps de réagir : son dos déjà heurtait le mur et il s’y trouvait pressé, une main intrusive plaquée sur son torse affolé, regards ennemis confrontés. Les deux garçons étaient proches. Trop proches. Sans la violence qui les liait précédemment, la position de son adversaire l’horripilait. Il n’en dit rien pourtant, sa langue engourdie par l’angoisse et la surprise, son esprit figé dans l’attente.

« Respire. »

La voix rauque de Ferretti résonna au cœur des cliquetis de la pluie et sa poitrine se comprima soudain, comme réalisant le manque d’air qu’on lui imposait. Son souffle se bloqua une seconde. Un sursaut de nervosité l’anima tandis qu’il mesurait l’ampleur de son manque de contrôle. Il n’avait pas remarqué combien sa respiration lui faisait défaut. Il n’avait pas saisi la violence de la panique qui le consumait. Merde… Comment en était-il arrivé là ? Les mots, le toucher de son ennemi lui avait fait l’effet d’une douche froide. Une gifle qui l’avait forcé à voir, à regarder son état pathétique et à en détailler les stigmates. Le résultat ne lui plaisait pas. Son corps s’était comme figé d’abord, brûlant et gelé à la fois, tendu à l’extrême, et il ne savait plus désormais s’il allait s’apaiser ou paniquer davantage. L’idée le crispa et il s’agita sous le joug de son adversaire, désireux soudain de retrouver une contenance. Les mots d’Andrea, toutefois, ne lui firent pas se plaisir, et la main puissante qui appuyait sur son torse ne le laisserait pas s’échapper de si tôt. Crise d’angoisse. L’appellation le fit grimacer.

« Arrête de jouer au con.
- J’aimerais bien t’y voir, connard… »


La rétorque était faible au possible, égarée dans les écueils de sa voix, mais il n’oublia pas de fusiller le jeune homme du regard. Humilié, il n’était cependant pas près de perdre définitivement la face. Plutôt crever. Il mordit donc sa lèvre, déterminé, et força une longue inspiration dans ses poumons brûlants. Les tremblements, eux, refusaient de cesser. Merde …

Andrea pourtant n’en fit pas cas, saisissant au contraire l’opportunité de s’exprimer. Et il en avait, des choses à dire. Lui assénant un regard désabusé, Kenny songea tout d’abord qu’il n’en avait effectivement rien à foutre, tout en le laissant poursuivre. Il devait se concentrer sur l’activité ô combien délicate de calmer ses nerfs à vifs et n’avait, en toute franchise, pas d’énergie à gaspiller dans une joute verbale. Alors il se tût, fermant pour une fois sa bouche assassine, et tendit les oreilles. Le monologue aurait l’avantage, espérait-il, de lui donner un ancrage. Et il y parvint presque trop bien.

Les propos qui se heurtaient entre eux, dégoulinant maladroitement des lèvres de Ferretti, avaient quelque chose d’inquiétant. Le gars était-il devenu fou ? La question demeurait, virevoltant silencieusement dans l’air, et il fronça des sourcils inquisiteurs à l’encontre de son interlocuteur. Folie, ou bien… ? Non. Non non non, ça ne pouvait pas être autre chose que ça. L’horreur d’une disparition avait eu raison de son esprit. Ce n’était pas… Ce n’était rien d’autre. Les cauchemars qui le poursuivaient ne s’amusaient pas à allumer les lumières et ne prenaient pas d’apparence humaine. Ils ne tourmentaient pas les vivants : ils les massacraient.
Dans un sursaut d’angoisse, sa main s’empara du bras qui le maintenait au mur, l’enserrant avec force. Un souffle tremblant lui échappa. Il releva les yeux.

« Respire, j’t’ai dit. »


Eclat de rire essoufflé. Kenny lança un sourire sardonique à son interlocuteur avant de s’appuyer sur la surface moite contre laquelle il était pressé, tentant de s’y détendre. Son emprise ne quitta pas le biceps d’Andrea.

« Tu dis ça pour qui… ? Toi, ou moi ? »

Nouvel éclat de rire, sec et froid, frémissant presque. Il adressa un regard fatigué à l’italien.

« J’sais me démerder avec tout ça… Moi. Ça fait des mois qu’ça m’poursuit, les merdes qui arrivent dans c’te foutue ville de merde. Ou plutôt des années, ouais… Toi, par contre ? J’pas l’impression qu’tu t’en sortes super bien, tu vois… ? »

Sa voix, rocailleuse et faible, résonnait pourtant dans l’allée, grondant du fond de sa gorge. Kenny se redressa un peu contre la main de son interlocuteur, s’aidant du bras de ce dernier pour lutter contre la douleur qui, progressivement, s’était frayée un chemin jusqu’à son cerveau. Putain, ils en avaient peut-être un peu trop fait… Cette idée lui arracha un nouvel accès d’hilarité.

« Sérieux Ferretti… J’suis une loque, mais toi ? Regarde c’que t’as fait. Tu d’viens con quand t’es malheureux ? »

De sa main libre, il alla chercher une cigarette dans sa poche détrempée et la glissa entre ses lèvres, s’y prenant à deux reprises à cause des tremblements dans ses doigts. Le feu eut du mal à se répandre mais il s’acharna et, après quelques secondes, une fumée bienfaitrice s’échappa de ses narines. Il poussa un soupir de soulagement. Puis les mots s’échappèrent sans qu’il ne comprenne trop pourquoi, ou comment.

« ‘Coute. McKinnon a disparu mais ça veut pas dire qu’il a crevé. J’ai disparu aussi. Walter Bishop et McGalaan… On est tous revenus. Alors arrête de péter les plombs. »

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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyMar 1 Jan - 19:42

L’insulte fuse, alors que Kenny est acculé, littéralement. Dans d’autres circonstances, Andrea en aurait ri, certainement, aurait fait une remarque quelconque, quelque chose de drôle ou de sarcastique, pour le mettre en colère ou pour l’ennuyer. Cette fois, il se contente de sourire, en coin, vaguement, légèrement, gardant Holland plaqué contre le mur : il n’est pas d’humeur à affronter une nouvelle bagarre, une nouvelle montée de violence, ni même une nouvelle colère. « Arrêter de jurer, c’est pas joli. » Évidemment, c’est une connerie, évidemment il est le premier à l’avoir insulté, mais le sourire reste, malgré ce qu’il s’apprête à dire - les souvenirs lui traversent l’esprit, un instant, avant qu’il ne parle, et puis pendant qu’il parle également, véritable film personnel accompagnant ses paroles. Il aurait pu choisir n’importe quoi, pour distraire Holland. Il aurait pu lui parler de son père, de son départ, de la galère que ça a été, de l’argent qui a disparu, de la famille qui a éclaté. Il aurait pu lui parler du déménagement, de la vie à l’université, à Boston, du fait d’avoir abandonné, de ce qu’il a laissé derrière. Il aurait pu aussi lui parler de sa famille, de quelque chose de positif - de Teo, qu’il devait croiser au lycée, de Julia et de ses cheveux si longs qu’elle en semait partout dans la maison. Des gâteaux, de la musique dans son walkman, de leur ancien appartement, de leur nouvelle maison. Andy aurait pu parler de tout ça, et il aurait été incapable d’expliquer ce qui l’avait poussé à parler du reste.

La main de Kenny manque de le faire sursauter. Il serre si fort que la chaleur se répand sous sa peau malgré le froid, malgré le sang et la sueur. Holland semble revenir à lui, petit à petit. Un souffle lui échappe, court, mais une respiration tout de même, vraie, presque entière. « Un peu des deux, certainement. Mais tu m’as bien refroidi, t’inquiète pas. » Il ne va pas lui dire qu’il a cru sentir son coeur exploser, la veille au soir, alors que les lumières se mettaient à vaciller une nouvelle fois. Il ne va pas non plus lui dire ce qu’il croit savoir, ce qu’il a fini par penser de ces… manifestations, apparitions, interventions. « Comme tu dis, ça fait des années que tu côtoies ces histoires. À Boston, y avait rien de tout ça. J’avais pas à me soucier de fantômes, ou je ne sais quoi, ni même de disparitions ou de ce qu’il se passait dans ma tête. Je connais pas toutes ces merdes, moi. » Et en l’admettant, il se demande s’il va en arriver là : demander de l’aider à Holland. Lui demander comment faire, pour affronter la ville, pour éviter les démons qui y traînent, dans les rues, dans les chambres, dans la nuit, surtout. Il se retient d’ajouter qu’il avait déjà peur du noir, quand il était gamin, et que c’est pire, depuis qu’il est arrivé, parce qu’il se doute qu’hollande se marrerait comme il est en train de se marrer face à lui.

De la colère, Kenny passe au rire et, quelque part, malgré l’étrangeté de la situation, c’est presque rassurant. Andrea fronce les sourcils et relâche tout juste la pression sur le torse de son interlocuteur qui ne semble pas décidé à le lâcher. « Arrête de dire des trucs comme ça, c’est con. Même si t’as peur, ou si t’as des emmerdes, ou si t’arrives à t’en sortir, ça fait pas de toi une loque. » Là, dans un bref éclat, l’ancien Andy réapparaît, agacé devant un tel vocabulaire, une telle vision des choses, devant quelque chose qu’il n’aurait pas pu penser. Il l’aurait traité de connard, de pauvre con, certainement, mais c’était avant. Avant… ça, même s’il ne s’est pas vraiment ce dont il s’agit. N’est-il pas censé détester Kenny ? Est-ce que ce qu’ils viennent de s’infliger n’est pas la preuve qu’ils ne peuvent pas s’encadrer ? Andrea n’en est plus si sûr. Mais il n’est plus sûr de rien, notamment quand Holland reprend la parole, quand il avoue, à sa manière, ce qui lui est arrivé. Andy cligne des paupières, un instant, incapable de trouver la bonne phrase. Il n’est pas désolé, non. Il est étonné, c’est certains. Choqué, peut-être, mais il lui faudrait plus de temps pour comprendre, pour analyser - pour assimiler que Kenny est passé, lui aussi, par ce que Camden est en train de vivre.

« J’ai entendu parler des disparitions, mais j’ai jamais vraiment écouté. » Il n’a pas eu le temps, avec le travail, de prêter attention aux ragots. Il ne connait pas les gens qu’ils faudraient, ceux qui raconteraient les bonnes choses ,qui lui donneraient la vérité. Ou peut-être les connaît-il sans le savoir, comme Kenny. Les questions se bousculent derrière ses lèvres et il ne sait laquelle choisir. Il sent le froid lui courir dans le dos - il vient de comprendre qu’il se passe quelque chose, dans cette ville et que peut-être, il n’a pas tout imaginé. Tournant encore l’information dans son esprit, Andy soupire et relâche la pression qu’il maintenait sur le torse d’Holland. D’un geste, il passe le bras libre autour de ses épaules et maintient, du mieux qu’il le peut, le bonhomme debout. « Faut qu’on bouge sinon, en plus d’avoir une sale gueule, on va attraper la mort. » Il sonne comme sa mère, il le sait mais il attend qu’Holland se mette en marche et cale son pas sur le sien - Andy n’est pas plus en forme que lui et on pourrait se demander qui supporte qui dans cette histoire. « Ta jambe… Ça vient de là ? Quand t’as disparu ? » C’est tout ce qu’il trouve à dire. Il y aurait dix mille autres choses à demander mais Andy a l’impression que ce n’est pas le moment, que ce ne sont pas les choses à formuler. Et tout ce qui lui vient à l’esprit, c’est cette jambe qu’il a vu traîner, parfois, cette jambe sur laquelle il ne semble pas toujours pouvoir s’appuyer, à laquelle il ne fait pas confiance. Peut-être est-ce la pudeur, aussi, qui l’empêche de fouiner dans ce qu’il sent douloureux.
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MessageSujet: Re: I'm meaner than my demons | Andrea    I'm meaner than my demons | Andrea EmptyVen 11 Jan - 21:11


Kenny observait Andrea d'un air suffisant, un sourire narquois placardé sur ses lèvres bleuies de froid. La réponse avait quelque chose de comique, quelque chose de divertissant, un je-ne-sais-quoi d'inévitablement drôle. Comme si Aster Cove était la capitale du bizarre, comme s'il s'agissait là d'un privilège de petite ville paumée, comme si c'était un trait particulier qu'une métropole ne pourrait jamais détenir. Oui, vraiment, c'était amusant. Un rire incrédule lui échappa, bref, mais il ne fit pas l'effort de répondre aux revandications de son vis-à-vis. Au lieu de cela, il poursuivit son propre laïus, moqueur et froid.

« Arrête de dire des trucs comme ça, c’est con. Même si t’as peur, ou si t’as des emmerdes, ou si t’arrives à t’en sortir, ça fait pas de toi une loque. »

Haussement de sourcils surpris. Kenny avait prononcé ces paroles dans le but de vexer Ferretti, de le blesser peut-être, de venger un peu de son état pathétique en le reflétant sur les traits de son interlocuteur. Il n'avait certainement pas compté sur un élan de bonté, de compassion ou de pitié. Cet aspect-là d'Andrea le dégoutait, peut-être parce qu'il n'était pas habitué à cela, peut-être parce que cela faisait s'enflammer un brasier de culpabilité en son cœur dont il se serait bien passé. Peu importe. Il laissa une hilarité amère dégouliner de sa bouche vénimeuse.

« Vraiment, Ferretti ? Tu sais pas c'que j'suis. Ou plutôt si, tu sais. Tu n'hésites pas à en parler d'ailleurs. »

Il s'en fichait, au fond. Son ego n'avait pas beaucoup poussé depuis son retour parmi les vivants, bien au contraire, et il n'avait plus grand chose à sauver de sa dignité – pas après avoir ainsi paniqué devant un adversaire. Se traiter de loque n'avait rien, selon lui, d'une exagération. C'était plutôt une reconnaissance objective de son état.

Sa cigarette en bouche, il souffla un peu de fumée sur la face d'ange de son vis-à-vis tandis que celui-ci s'étouffait sur ses révélations. Ah, cela faisait longtemps qu'il n'avait rencontré quelqu'un d'ignorant. Cela l'étonna même. Andrea n'était plus vraiment nouveau en ville, et Aster Cove semblait avoir été élue ville de comérage par le comité étatique du Maine. Pour autant, voir le visage se déformer sous les émotions contraire était divertissant. Curiosité, surprise, désarroi, incertitude et confusion s'entremêlaient sur les traits du garçon, et Kenny savait. Ferretti cherchait ses mots, les bons peut-être, fouillait son esprit en quête de quelque chose à répondre.

« J’ai entendu parler des disparitions, mais j’ai jamais vraiment écouté.
- T'aurais dû. »

Son ton ne fut pas agressif en soi, empreint simplement d'un humour brut et froid. Il ne cherchait pas à blesser mais la vérité semblait décidée à s'échapper d'entre ses lèvres. Son regard plongea dans celui de son interlocuteur, sa langue prête à expliquer ses songes, mais la pression qui le maintenait au mur se libéra d'un coup et il s'afaissa une seconde, ses jambes flageolantes peinant à le soutenir de façon si brutale. Cela laissa le temps à Andrea de passer son bras autour de ses épaules et Kenny se laissa faire, ne serait-ce que parce qu'il n'était pas certain de parvenir à tenir debout sans l'appui de son compagnon d'infortune.

« Faut qu’on bouge sinon, en plus d’avoir une sale gueule, on va attraper la mort. »

Un nouvel éclat de rire lui échappa en une bouffée de cigarette et il passa ses doigts dans la hanse du pantalon de Ferretti, l'aidant à son tour à se maintenir debout. Car s'il était dans un sale état, le garçon n'ignorait pas la puissance de ses coups et son adversaire devait avoir au moins une côte fêlée.

« On a pas l'air fins, tiens... », murmure-t-il, pince-sans-rire.

Leurs regards se rencontrèrent un instant et Kenny ne put s'empêcher de rire, encore, parce que toute cette situation était franchement débile. Cette soirée n'était qu'une vaste mascarade. Qui eut cru qu'en l'espace de quelques minutes, il tabasserait un gars avant de l'aider à marcher ? Il secoua la tête, un sourire amusé aux lèvres, et rabbattit en arrière ses mèches trempées.

« Ta jambe… Ça vient de là ? Quand t’as disparu ? »

Il manqua de trébucher, trop surpris par la question pour se concentrer sur sa démarche. Idiot, se gronda-t-il. Un long soupir excédé lui échappa et il retrouva son équilibre, tranquillement, se complaisant dans le silence. Sa cigarette pendait mollement de sa bouche entrouverte, se trempant à mesure que la pluie s'infiltrait dans le bâton blanc. La réponse se perdit en un murmure.

« Nan, ça c'est un souvenir de Lost Pine. Mais ouais, c'est les mêmes... trucs... que quand j'ai disparu. Je crois. »

Il savait. Il se souvenait. Mais le personnel de l'hôpital avait fait son travail et il ne se sentait pas de dire à un inconnu – à qui il venait de casser la gueule – qu'il avait été attaqué par des monstres et que ses cicatrices provenaient de là. Même si le gars en question venait de lui raconter que des trucs bougeaient tous seuls dans sa maison.

« Ton pote, il est dans la merde. », souffla-t-il sans trop savoir pourquoi.

Brusquement, il s'arracha à l'emprise d'Andrea. Ses pas s'entremêlèrent et il manqua de tomber,  sauvé uniquement par un rattrapage in extremis au mur adjacent. Élan de douleur. Un grognement sourd lui échappa tandis qu'il se redressait.

« Tu devrais rentrer, Ferretti. J'me démerde. »

Il en avait trop dit déjà. Et l'idée, sans qu'il ne sache pourquoi, l'angoissait terriblement.
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