JAY' ◑ On est pas v'nus ici pour beurrer les tartines.

1 - Jason, c’était l’enfant seul.
Très tôt, elle lui avait fait comprendre qu’il n’était qu’un artefact de plus dans sa collection de bijoux, qu’un objet qu’on exhibe aux amies pour gagner en popularité, qu’un moyen infaillible de contraindre un homme à rester, qu’un réceptacle d’une tierce fortune. Quant au paternel, il travaillait trop pour avoir une quelconque influence sur l’éducation du môme. « Soit gentil, écoute ta mère. » qu’y disait, avant de s’enfuir pour le restant de la semaine, s’éreintant dans un job moyen pour entretenir sa femme dépensière. Alors le gamin, bien élevé, il servait des sourires contraints à autrui, cachant sa mélancolie derrière ses grands yeux azurés.

A l’école, ses rencontres ne furent guère meilleures. On eut tôt fait de découvrir sa couardise, et son potentiel infini de victime consentante. Malmené par les garçons, moqué par les filles, Jay en venait presque à vouloir rentrer chez lui. Pour être seul. En paix. L’enfant s’enferma vite sur lui-même, goûtant à la sérénité des passions solitaires, telles que lecture et musique. Convaincu que les gens de ce monde étaient un danger pour lui. Qu’il ne lui apporteraient que souffrance.

2 - Elle s’était lassée du premier, elle s’en était trouvée un second à l’Ouest, dans les villes huppées de la côte. Trimballé comme une valise de plus, Jay s’était retrouvé à la suivre. « Tu verras, on y sera bien. Il a de l’argent. » Comme si ça lui importait, à Jason, que le nouveau mec qui culbute sa génitrice soit plein aux as. Il avait tiré la grimace, pas spécifiquement mécontent de quitter leur coin paumé, mais pas plus heureux d’aller vers l’inconnu. « Et puis… il a une fille de ton âge. » Elle avait lâché ça l’air de rien, sans même oser le regarder. Là, pour le coup, il avait grincé des dents. Sa famille était un simulacre, il n’en voulait pas d’une seconde, et encore moins d’un soeur.
Nonobstant, Freya se révéla être une aubaine. Ils se trouvèrent complicité dans la musique, et une fois le duo formé, il devint inséparable. Si la fille se donnait des grands airs et était exécrable, elle possédait ce qui lui faisait tant défaut : de la confiance en soi. Elle lui apprit à copier son dédain, à s’affirmer, à toiser les gens de haut. Là-bas, à Los Angeles, il se rangea dans son ombre, joua les valets de la princesse, les mains en coupe pour s’abreuver de popularité dont elle ruisselait. Tout son ressentiment des années passées, il le retourna contre les autres, mettant à profit le pouvoir de Freya pour malmener son prochain. Ceux qu’il préférait, c’était les séducteurs qui l’approchait lui, faisant ami-ami pour atteindre sa demi-soeur à travers lui. Il prenait soin de les briser, comme il avait été brisé lui durant l’enfance. Et il n’en retirait aucun remords, car ce n’était qu’un juste retour des choses.

3 - Puis, le rêve fut brisé. Retour à la case départ. Aster Cove, tu parles d’une destination. Ici, Freya n’était plus rien, et si la diva n’était plus, il en était de même du pseudo-statut de Jason. Tout était à reconstruire, de leur popularité à la musique.
Aujourd’hui, Jay craint cette nouvelle étape, qui lui rappelle tant son passé, l’avant Freya. Le gamin froussard refait surface, et menace de briser le masque de crânerie qu’il s’était constitué. Plus que jamais, il évolue dans l’ombre de sa frangine, concevant impossible de redevenir un anonyme. Plus que jamais, il l’épaule pour qu’elle atteigne ses desseins, et à travers ça, les siens. S’ils sont à Aster Cove, c’est pour retrouver la gloire d’hier ou plus, sinon rien.