Ulysse est venu au monde au centre hospitalier d’Aster Cove, mais il a grandi à une dizaine kilomètres de là, dans la ferme familiale. Un grand bâtiment en bois blanc, vieux de presque deux cent ans, entouré de prés remplis de belles brebis vagabondes. C’est sans doute à cause, ou grâce à ce contexte privilégié que le petit blond passait beaucoup plus de temps à se balader dans les champs avec ses chiens plutôt que d’aller à l’école. En vérité il n’aimait pas les méthodes de son institutrice et préférait très largement l’enseignement de son arrière-grand-père, un très vieil homme, un vétéran de la guerre hispano-américaine. Ce dernier enseigna à son arrière petite fils la tradition de la tonte, ou encore celle de la transhumance, tout en lui apprenant également les valeurs qui allaient avec. Mais lorsque celui que les aster coviens aimaient surnommer “Old Ed” s’éteignit à l’âge plus qu'honorable de 106 ans, le jeune Hayes alors âgé de 8 ans, se calma légèrement. Et lorsque sa mère tomba gravement malade et qu’elle fut alitée pendant plusieurs mois, il lui promit d’arrêter de faire des bêtises et de sécher les cours pour travailler durement et lui faire plaisir.
Déjà très attaché aux valeurs et notamment à celle de la parole donnée, Ulysse fit de son possible pour tenir sa promesse. Réfrénant ses envies d'aventures il devint un assez bon élève et ne tarda pas à se faire des amis. Sans doute parce que sa jolie tête blonde ne laissait pas les demoiselles indifférentes. Oscillant toujours entre l'image du garnement aussi irrévérencieux qu' arrogant et celle du chevalier blanc qui n'hésite pas à se jeter au milieu des bagarres pour séparer les gens et pour protéger les plus faibles, le cadet des Hayes devint rapidement une figure incontournable à Aster Cove. Et tout cela ne s'arrangea pas lorsqu'il se mit au football américain et s'avéra être un brillant Quarterback, au bout de quelques années il devint même la star de l'équipe lycéenne d'Aster Cove, un petit génie de ce sport, flatté, gâté par son entraîneur et dragué par les Cheerleaders. Mais il se rendit assez compte qu'il était en train de se transformer en un cliché sur pattes et n'ayant aucune envie de finir comme ces pauvres types que l'on voit dans les films diffusés au Drive-In il refusa de continuer sa carrière en professionnel et incité par son père, un fervent patriote américain, il décida de s'engager dans l'armée pour défendre son pays.
C'est cet engagement qui l'envoya au Vietnam en 1971... un séjour au bout de l'enfer qu'il n'oubliera pas de si tôt. Les deux premières années il fut assigné à la protection des grandes villes du Sud, le jeune soldat fut ensuite envoyé sur la ligne de front. C'est-à-dire au beau milieu d'une forêt ou la chaleur et l'humidité peuvent rendre fou même le plus résistant des combattants. Une nuit, les vietcongs attaquèrent son camps, les balles sifflaient de partout, impossible de se cacher, impossible de tour la provenance des tirs... De nombreux cadets effrayé tombèrent sous les balles de cet assaut surprise et c'est pour sauver l'un d'eux, qu'Ulysse qui n'avait pas perdu son âme de chevalier blanc, sortie de sa cachette. Ni une ni deux, le natif du Maine le mis sur son dos et commença à avancer en direction d'un abris, mais alors qu'il n'avait même pas fait cinq mètres, il sentit une piqûre au niveau des hanches, puis une douleur extrêmement vive traversa son genou droit... Là il s'effondra - le cadet s'écrasant sur lui - et resta au sol pendant tout le reste de l'attaque. Si pour lui ce laps de temps dura plusieurs heures, les médecins qui vinrent l'aider lui expliquèrent qu'il ne s'était en fait même pas écoulé dix minutes entre le début et la fin de cette escarmouche.
Une fois alité dans un hôpital de fortune, on essaie tant bien que mal de soigner sa jambe, car si la première balle n'avait fait qu'érafler sa hanche gauche, la deuxième avait quand à elle presque fait exploser la rotule du jeune homme. Une fois stabilisé ce dernier fut ensuite envoyé à l'hôpital militaire de Saigon avant d'être renvoyé au pays. Réformé et complètement dégoûté de la guerre, le beau blond fit rapidement une croix sur le Football Américain et beaucoup trop honteux de rentrer à Aster Cove et de passer pour un infirme aux yeux de ceux qui l'avaient vu partir en héros, il décida de s'installer à New-York. Vivant d'abord chez un ami ancien combattant, le "boiteux" parvint à trouver un petit boulot et un studio et passa presque dix ans à vivoter dans la grande pomme. Il enchaîna donc les jobs ingrats et les appartements miteux jusqu'au 15 août 1983 date à laquelle un courrier lui apprit la mort de son père. Ce dernier était mort en forêt et les circonstances de la mort restent encore aujourd'hui totalement inexpliqué. Cette annonce lui brisa le coeur et fut comme un électrochoc pour lui, ce fut comme à l'époque où il avait vu sa mère malade et qu'il avait prit la décision d'arrêter ses bêtises... là il réalisa qu'il ne pouvait plus continuer à jouer l'autruche et à se cacher à cause de sa blessure.
Il revint donc à Aster Cove au mois d'août 1983 pour assister aux funérailles de son paternel et pour annoncer au reste de la famille qu'il était d'accord pour reprendre l'exploitation familiale. Et comme le hasard fait bien les choses, lors d'un passage dans une très vieille et vétuste animalerie d'Augusta il tomba en pâmoison pour la belle Artémis, une Patou (Chien de Montagne des Pyrénées) qui ne trouvait pas de maître à cause d'une grande tache noire autour de son oeil gauche. Sans hésiter, Ulysse vida la quasi-totalité de sa pension d'ancien soldat pour acheter la bestiole qui est aujourd'hui sa principale compagne lorsqu'il s'occupe de ses troupeaux et de ses champs. Désormais de retour au pays il veut retrouver sa vie d'avant la guerre... mais également trouver la réelle raison de la mort de son père puisqu'il ne veut pas se contenter de la raison officielle.