Fabrique moi un arbre ~ ( Lester)

Décembre. Décembre et sa neige. Décembre et mon anniversaire. Bientôt 45 ans dans les rides. Heureusement que je n'avais pas les cheveux blancs qui allaient avec. J'avais un excellent grain de cheveux manifestement. Tout doux et soyeux. C'était pour ça que je les laissais pousser et laissait loin de moi la paire de ciseaux et freinait le coiffeur quand j'allai me faire couper les pointes.
Décembre était aussi synonyme de fin d'année et par conséquent je devais préparer aussi un petit spectacle de Noël. Le soucis c'était que je n'avais pas de sapins sous la main pour la décoration - et ceux qui nettoyaient seraient surement ravis de ramasser des épines.
J'avais alors penser à mon ami le menuisier. Un homme formidable qui était doué de ses dix doigts. Pourquoi est ce que je n'avais pas eu l'idée plus tôt ? Je me levais du fauteuil dans lequel j'étais avachi depuis que j'étais entré. J'espérais que Lester était toujours à son travail et qu'il serait partant pour m'aider à fabriquer mon arbre. Peut être est ce que je devrais faire un dessin avant ? Attrapant une feuille de papier et un crayon, je gribouillais rapidement dessus. Je n'étais pas doué en art plastique mais il devrait bien reconnaître ce que c'était. Satisfait, je prenais mon manteau, mon bonnet et mes gants avant de les enfiler. La lisière de la forêt de Lost Pine n'était pas très loin en voiture et j'arrivais rapidement sur les lieux. Sourire aux lèvres, je débarquais à l'improviste dans l'antre de Lester.

- Ouhouuuu y'a quelqu'un ?

Hurlais je, ne me rendant pas compte que je pouvais créer un malencontreux accident en faisant sursauter le menuisier.

Ce n'était pas Lester qui m'avais accueillis en premier mais son chien. La bête était couverte de sciure, coincé sous ses poils. Je souriais sous cette vision, lui caressant la tête alors qu'il essayait de me mordiller la main. J'aimais les animaux, après tout j'avais bien recueilli un hérisson et j'avais même demander au vieux Sheffield de lui fabriquer une petite maison. J'aurai bien été incapable de le faire tout seul. Et c'était avec des grands yeux que j'avais regardé l'oeuvre final. Un peu jaloux de la nouvelle demeure de mon petit Mikado.
Un grand bruit s'était fait entendre et j'espérais que Aster ne s'était pas fait assommer par une planche ou coincé en dessous. Je n'avais pas la force nécessaire pour soulever quoique se soit. Ou bien était ce juste la flemme ? J'étais donc rassuré d'entendre sa voix au loin et de le voir juste en face de moi. Bon visiblement, il ne lui manquait rien d'important. Il me réprimandait gentiment sur mon arrivée bruyante. Je réprimais un sourire, affichant un air désolé à la place. Je n'étais pas professeur de théâtre pour rien. Même si j'étais quand même navré - il aurait pu se blesser maintenant que j'y pensais.

- Tu aurais pu oublier d'éteindre la lumière, ça arrive !

Rétorquais je en lui serrant la main qu'il me tendait. Je parlais plus de que moi que des autres - bien que je ne regardais pas dans les autres maisons pour savoir si il y avait quelqu'un ou non. Toujours est il, que de mon côté, il m'arrivait bien de me lever le matin et de retrouver la cuisine éclairé ou de rentrer le soir avec la même chose. Il n'y avait personne pour me rappeler de vérifier que les lumières étaient éteintes, ce n'était pas ma faute.

- J'ai un projet, et j'aurai besoin de tes mains prodigieuses pour le réaliser

Lui expliquais je en lui suivant tranquillement. Lester savait à quel point j'étais admiratif de son travail  - même si pour lui il ne faisait rien de spécial. De toute façon à mes yeux, une personne qui savait accrocher, ne serait ce qu'un tableau, était extraordinaire. En attendant que le café soit fait, je prenais la feuille sur laquelle j'avais dessiné avant de lui montrer.

- Pour mon spectacle de Noël, j'aurai besoin d'un arbre ! Tu va ma dire " achète un sapin" mais le concierge va faire une attaque en voyant toutes les épines sur le sol...je voudrais juste en bois, et on fera les feuilles après avec du papier ou autre chose...genre du coton et de la peinture verte ? Ou laisser blanc pour la neige...t'en dis quoi ?

Un compliment était toujours bon à recevoir. C'était pour ça que je me retenais pas de les dire quand je le pensais. Toujours avec la même innocence qui m'animait bien que ça faisait longtemps que je n'étais plus un enfant. Souvent les jeunes femmes pensaient que je les draguais quand je disais que leur robe était magnifique ou leur coiffure. Le truc bien lourd que des mecs à la recherche d'un coup d'un soir pouvaient balancer. Sauf que moi je n'avais absolument aucune arrière pensée quand je m'aventurais sur le chemin des compliments. La preuve, j'en disais aussi aux hommes. Certains étaient touchés, d'autres gênés et me regardait d'un oeil noir. Sauf que jusqu'à preuve du contraire j'étais attiré par les femmes. Du moins, je l'avais été. Depuis ma sortie de coma j'étais un peu limité à ce niveau alors bon...c'était la raison pour laquelle je n'avais plus touché Emily, pour ne pas la décevoir. Est ce que j'étais devenu impuissant ? Peut être. Je n'avais pas osé poser la question au médecin lors d'un contrôle de routine ou même tout simplement l'appeler. Ma vie sexuelle était donc vide depuis un bout de temps, d'un côté ça me manquait et de l'autre, j'avais aussi passé l'âge de coucher à gauche, à droite comme lorsque j'étais un adolescent.
Enfin bref, heureusement j'avais une vie très animé avec le lycée et le théâtre. Des idées pleins la tête, malheureusement pour Lester. J'avais bien vu que ce dernier était tout fier suite à mon compliment sur son don.

- haha on me le dit souvent je sais

Rétorquais je en riant légèrement. C'était un fait : j'aimais rendre les choses difficiles. Sinon, ce n'était pas drôle. Que ça soit pour des décorations ou tout simplement les rôles pour une courte pièce. Pourquoi les filles devraient elles jouer les rôles féminins ? Inversons tout ! Les garçons faisaient un peu la tronche quand je m'amusais à faire des pirouettes de distributions et c'était assez drôle.

- Oh non ça l'art c'est mon bébé, t'en fais pas pour ça ! Et puis ça sera amusant de s'occuper de fleurir l'arbre avec mon club ! Une activité collective , ils adorent ça

Certains enfants, allaient être plus excités que d'autres à mon avis, mais bon. Ils n'allaient pas avoir le choix de mettre la main à la patte si ils voulaient que les décors soient prêt pour le spectacle de Noël.
J'acceptais avec plaisir la tasse de café que Lester me tendait, faisant attention de bien la tenir. J'avais tendance à être un peu maladroit et de lâcher les objets sans m'en rendre compte. Surtout quand j'étais très fatigué. Mon médecin m'avait dit que c'était normal vu ma condition...Bon alors si c'était normal d'avoir cassé trois verres en une semaine...

- Oh vraiment tu me laisserai t'aider ?

Le questionnais je avec un sourire, les yeux pétillants tout en mettant pleins de morceaux de sucre dans la tasse - 4 ou 5 en vérité, je n'avais pas compté. Lester semblait en effet sérieux, vu qu'il se frottait les mains. Je n'avais même pas eu le temps de boire mon café que mon interlocuteur était déjà parti dans l'habillage. Je soupirai, fermant les yeux pour boire cul sec la boisson avant de reposer la tasse dans l'évier.

- Oh je vais être trop sexy avec ça

Déclarais je avant de m'attacher les cheveux en faisant un chignon et trouvant un crayon de papier que je passais à travers pour le tenir. On pouvait dire merci au coiffeur de m'avoir appris à faire ça. J'enfilai ensuite la paire de gants puis les lunettes de protections.

- Alors ? De quoi j'ai l'air ?

Demandais je en me tournant vers Lester. J'avais hâte de commencer et c'était tout excité que je pressais le menuisier vers son atelier.