Where those years have gone? - Rita ♥

Depuis quand cela avait cessé d'être amusant pour devenir effrayant ? Trop longtemps sans doute. Laurie inspecta son rétroviseur, vissé sur le siège, il martelait nerveusement le volant avec son pouce et rongeait l'autre en espérant voir se dessiner la silhouette de sa soeur qui devait sortir d'un moment à l'autre. Docilement il avait respecté sa dernière condition, celle de se garer à quelques mètres de l'école. Il savait pertinemment ce que cela sous-entendait mais Laurie jouait à l'imbécile, faisait mine de ne pas relever les invectives de sa sœur qui lui criait silencieusement toujours plus fort combien il lui faisait honte. S'il avait pu être couronné sans doute lui aurait on offert le royaume du déni, pour rien au monde Laurie Thompson n'aurait souhaité qu'on malmène son petit confort et il voulait croire que tout allait bien avec Rita. Pourtant même lui aujourd'hui arrivait au bout de quelque chose, il avait pris conscience qu'il ne pouvait se voiler plus longtemps la face au risque de briser un objet précieux et courir le risque de ne plus jamais pouvoir le réparer.

Seulement l'affrontement n'avait jamais sied au coiffeur que le conflit rendait nerveux. Des semaines qu'il respectait le silence de Rita dans son véhicule, qu'il feignait que cela lui convenait qu'elle ne lui adresse plus la parole. Il prétendait que c'était une manière de marquer des points, qu'elle l'estime pour avoir la décence d'honorer son mutisme mais finalement Laurie retardait seulement l'inéluctable explosion. Au fond ça ne lui allait pas, ça ne lui avait jamais convenu, il se raccrochait au souvenir pas si lointain des cours trajets de l'école à la maison ou les deux riaient aux éclats en singeant leur personnage de film préférés. Aujourd'hui il ne s'aventurerait pas à lui proposer de faire un détour comme autrefois, pour aller au cinéma, au phare ou manger une glace. La première fois ou elle avait décliner l'offre, il l'avait si mal vécu que Marlon l'avait récupérer dans le plus piteux des états. Alors, depuis quand ?

Il ne pouvait pas le dater, à vrai dire ce genre de chose ne se déclenchait pas du jour au lendemain. C'était une suite de signes qu'il n'avait sue ou voulue interpréter, une longue dégringolade. Il n'en finissait plus de chuter. Du mouvement derrière la voiture lui indiqua que les élèves quittaient l'établissement, bientôt, il l'aperçu fendre la foule et se diriger vers lui sans donner l'impression qu'elle l'avait vu. Pourtant sans crier gare, elle ouvrit la portière au dernier moment et s'engouffra à la place du passager avant. Il chercha vainement à croiser son regard, démarra la voiture et, chose qu'il n'avait pas fait depuis des semaines maintenant, brisa le silence.

Alors, cet exposé ?

Oui c'était mauvais, commencer par là c'était sans doute minable mais Laurie se répétait que, justement, il fallait bien commencer quelque part. Il l'avait entendu râler à propos d'un devoir qui semblait la préoccuper ces derniers jours et s'il avait correctement suivi le fils de ses propos, aujourd'hui devait être le jour J. Peut être serait elle émue de sa sollicitude, ou agacé qu'il se mêle de ses affaires. Qu'importe, tout ce qu'il éspérait c'était une réaction.

Garder la tête haute, avancée accompagnée de ses amies.

La fin des cours avait sonné dorénavant, synonyme de son départ imminent vers son foyer au côté de son frère ainé. Rita avait presque oublié l’époque où Laurie ne pouvait pas la conduire en cours, faute de permis ; rapidement, le trajet en voiture était devenu une tradition, un moment de rire et de détente entre le frère et la sœur. Rita l’avait transformé en quelque chose de moins agréable, de plus tendue, bien loin des éclats de joie d’autrefois. Elle ne se précipitait plus à la voiture, elle ne lui embrassait plus la joue quand elle s’installait, elle ne lui racontait plus sa journée … Rita se contentait d’un mutisme des plus horribles. Au fond d’elle, la jeune Thompson se rendait compte des murs qu’elle bâtissait entre son frère et elle. La brune se rendait parfaitement compte de la détresse de son ainé. Rita s’efforçait juste de fermer les yeux, d’ignorer et de continuer. C’était mieux ainsi, se répétait-elle sans cesse. La jeune fille salua ses amies d’un geste de la main, riant une dernière fois d’une plaisanterie échangée avant de claquer le talon plat de ses chaussures sur le bitume, suivant une route qu’elle ne connaissait que trop bien maintenant, à l’écart des regards. A chaque pas, son ventre se resserrait un peu plus, son visage se fermait, se rapprochant inéluctablement de l’inévitable. Plus elle se rapprochait, plus la silhouette de sa tête se dessinait, ou de ses cheveux, devrait-elle penser. Elle esquissa un sourire qui s’efface tout aussi rapidement à la pensée de la coupe de cheveux de son frère : Rita avait toujours adoré les cheveux de Laurie. Il était unique en son genre, et si Aster Cove avait été assez intelligent pour le comprendre, peut-être que leur relation aurait évolué autrement. Prestement, la freshman year ouvrit la porte rapidement et s’installa sans le regarder. Ne surtout pas le regarder.

C’était la clé.

Rita attacha sa ceinture de sécurité avant de poser son coude contre le bordure de sa vitre, appuyant vaguement son front contre le verre froid, observant l’extérieur, imposant son mutisme dans la voiture, comme tous les soirs. Et Laurie démarra la voiture, ce qui persuada Rita que ce trajet serait comme tous les autres : empli d’une tension palpable et silencieuse dont elle était responsable. Pourtant, cela ne fut pas le cas. Laurie parla, Laurie posa une question. Depuis combien de temps n’avait-il plus rien tenté pour être proche d’elle ? La surprise fit tourner la tête de la lycéenne vers son frère. En soit, elle se moquait du sujet. Cela semblait juste … irréaliste. Sortant de l’ordinaire. Alors qu’il était normal pour un frère et une sœur de communiquer …. N’est-ce pas ?

Rita se crispa sur son siège, changeant de position pour croiser les bras contre sa poitrine, se refermant sur elle-même alors que sa tête s’enfonçait dans le creux de son cou lentement. Elle ne pouvait décemment pas le laisser sans réponse, n’est-ce pas ? Evidement que Laurie se souciait d’elle … Elle avait tellement pesté sur ce maudit exposé ces dernières semaines. C’était la première fois qu’elle ressentait autant de difficulté à s’investir dans un travail scolaire. Peut-être la matière qui ne l’intéressait guère ? Toujours il était que la peur de voir sa moyenne chuter et d’attirer l’attention de ses parents lui avait provoqué des maux de ventre atroce. Un soupir s’échappa de ses lèvres, sonnant comme de l’agacement, alors qu’elle se remettait une mèche de cheveux derrière les oreilles.

                - « C’est passé. Un stupide exposé en science sociale … Normalement, je devrais m’en tirer avec minimum un B+. J’espère quand même avoir un A … » grogna Rita en fixant la route, d’une voix agacée.

Agacée par ses propres performances. L’histoire l’intéressait bien plus que la géographie, mais cela n’était pas une raison pour faillir ne serait-ce que dans une seule matière … Surtout si elle espérait partir d’ici.

                - « J’espère que ce sera surtout pas un B- ou un C … » souffla l’adolescente, plus pour elle-même que pour Laurie, tentant de fermer la discussion tout en se laissant glisser dans le fauteuil, disparaissant progressivement de la vision des personnes extérieures « Non pas que ça te regarde … »

Rita se mordit soudainement la lèvre inférieure, se rendant compte de ses mots. Mais c’était de sa faute, pourquoi est-ce qu’il brisait leur nouvelle tradition ainsi ? Sans la prévenir ? La mauvaise humeur la gagna petit à petit. Idiot.