Dans la petite ville d'Aster Cove, des choses étranges se passent...

 
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 Not a gift but a curse • Jessica

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MessageSujet: Not a gift but a curse • Jessica   Not a gift but a curse • Jessica EmptyDim 4 Nov - 20:44

 « Qu’est-ce que tu fous là? » Les syllabes s’enroulent autour de sa cigarette et Arleen la prend entre ses doigts avec un soupir. La gamine est encore là. Elle a l’impression, ces derniers temps, de la voir partout. Au café, à la supérette, dans les ruelles d’Aster Cove, absolument partout. Son nom lui a échappé, un truc qui termine en A, mais elle sait ce qu’elle veut. Discuter avec un proche, certainement, savoir ce qui se cache derrière le grand rideau, la grande porte, toutes les conneries de ce genre. « En fait, je suis pas sûre de vouloir savoir, mais je suis pas une sauvage alors tu peux entrer si tu veux. » Arleen s’efface, ou plutôt tourne le dos à la jeune fille et lui laisse le plaisir de fermer la porte branlante. L’appartement ne paye pas de mine et elle le sait - elle s’en fout, de ça aussi. Elle a choisi le premier, celui qui était libre le plus rapidement, malgré la poussière encore posée sur les meubles. D’un geste négligé, elle tire une chaise pour la petite et se dirige vers la cuisine ouverte, tout aussi minable que le reste. « Tu veux boire quelque chose ? Thé, café ? Je te propose pas de la bière… Quoi que. » Même si elle n’a que ça de frais dans son frigo. D’ailleurs, Arleen jette un coup d’oeil à l’horloge qui affiche presque dix-neuf heures et sort une bouteille qu’elle décapsule sur le comptoir d’un geste habitué.

« Tu sais que si je suis venue dans ce trou paumé, c’est certainement pas pour faire les mêmes conneries qu’à L.A., hein. J’ai d’autres choses à faire que répondre à toutes les demandes des gamins en manque d’attention… » Dieu que c’est injuste, mais Arleen ne peut pas s’empêcher. Elle n’a jamais été douée avec les gamins, jamais été douée pour dire les bonnes choses aux gens, et au lieu de s’excuser - elle sent les mots lui brûler la langue, boit une gorgée de bière tout juste fraîche. Un bref silence s’installe et l’arnaqueuse profite pour observer la jeune fille qui se tient devant elle. Quelque chose lui dit que l’affaire est plus compliquée qu’il n’y paraît - peut-être sont-ce les épaules légèrement courbées, cet air ailleurs, éloigné du monde. Elle est pourtant déterminée, puisqu’elle la suit depuis des jours, puisqu’elle revient frapper à sa porte - comment a-t-elle dégotée son adresse ? C’est un joli brin de fille, avec ses joues roses encore rondes de la jeunesse, ses grands yeux clairs et ses longs cheveux ondulés. Il y a pourtant quelque chose de désagréable chez cette gamine. Non, pas désagréable, quelque chose d’étrange, de triste, de presque violemment désespéré. Kate secoue la tête, doucement, imperceptiblement. Un truc de travers, elle ne sait où, ne sait pas encore en quoi - ne veut pas savoir de quoi il s’agit.

Il lui faut un instant, pour se décoller du comptoir. Ses doigts sont parcourus de légers picotements, les prémices de quelque chose de chiant, quelque chose de puant, de désagréable, et Arleen écrase sa cigarette dans le cendrier le plus proche. Elle apporte sa boisson à la jeune fille, si elle en veut une, et s’assoit sur la chaise qui lui fait fasse sans la lâcher du regard. Arleen n’est jamais gênée de fixer les gens et, si elle les mets mal à l’aise, attend généralement qu’ils baissent les yeux. Elle se demande si la gamine va baisser les yeux, elle aussi, ou si elle osera les relever et les braquer sur son visage. Arleen plisse les paupières, un instant, intriguée par les ombres qui dansent autour de la jeune fille - dans ses yeux, près de ses mains - et qui disparaissent en un instant. Sans rien dire, elle tire de sa poche un paquet de cigarette froissé, en allume une nouvelle, et tire longuement dessus. « Est-ce que tu te rends compte que tout ça, c’est des conneries ? Les documentaires, les séances… Des conneries. Les soit-disant contact, les planches de ouija, des conneries. Ce que je connais, c’est les supercheries, les arnaques, les promesses en l’air et les mensonges éhontés. » Est-ce que ce sera assez pour la faire fuir ? Pour avoir la paix, enfin un peu de tranquillité après des journées de route, après L.A. ? L’odeur de mort du pauvre cadavre suspendu lui envahit subitement les narines et Arleen tire longuement sur sa cigarette, une fois, deux fois. Le souvenir disparaît, simple vague dans son regard, lointaine, discrète. Pourquoi a-t-elle ouvert la porte, en fait ? Pourquoi la laisse-t-elle s’installer dans sa cuisine miteuse ? Pourquoi ne pas la chasser tout de suite ? Parce qu’elle connaît la vérité - elle sait qu’il y a quelque chose à dire, mais ne veut plus prendre cette responsabilité.
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MessageSujet: Re: Not a gift but a curse • Jessica   Not a gift but a curse • Jessica EmptyLun 5 Nov - 20:52

Jessica regarde, observe depuis sa chaise, les traits de cette femme à l'air sévère qui lui fait face. Devant elle, une tasse de thé bouillante, ses deux mains placardées dessus, les yeux plongés dans ceux de sa vis-à-vis, sans crainte aucune.

Défie-moi, hurle son regard. Ose essayer de me faire peur, crie-t-il à celle qui l'accueille chez elle après qu'elle l'ait cherchée pendant une semaine entière. Au cinéma, au diner, au supermarché, dans la rue, ça doit bien faire cinq ou six fois qu'elle l'aborde, la poursuit, car Arleen est seule à détenir le savoir dont elle a besoin. Arleen est seule à pouvoir lui expliquer pourquoi sa mère a fait ça.

« Est-ce que tu te rends compte que tout ça, c’est des conneries ? Les documentaires, les séances… Des conneries. Les soit-disant contact, les planches de ouija, des conneries. Ce que je connais, c’est les supercheries, les arnaques, les promesses en l’air et les mensonges éhontés. »

Rien ne l'arrêtera. Cela fait déjà deux ou trois fois qu'elle tente de la décourager, mais le courage n'est pas réellement ce qui motive Jessica. C'est le désespoir, suintant et languissant, qui coule dans ses veines. C'est une détresse absolue qui lui permet d'être là, c'est la pensée de la mort, sa conscience, peut-être même, qui l'a guidée ici envers et contre tout. Braden et sa colère n'ont rien pu faire pour empêcher cette rencontre. Personne ne peut la retenir. Pas même les paroles de la principale intéressée.

« Hm hm. »

Se contente-t-elle de dire tout en se penchant sur son sac, qu'elle se met à fouiller, libérant une enveloppe grasse et bien nourrie de trop de billets verts. L'argent a toujours fait tourner le monde. Jessica n'en a pas beaucoup et ses rêves s'étant envolés la dernière fois que son esprit a lâché, celui-ci est brusquement devenu futile. Les petits boulots de toute une vie sont réunis dans le cercueil scellé de ses espoirs.

« Je suis prête à prendre le risque, et j'ai de quoi vous payer. »


Elle la tend, l'enveloppe, elle la tend, la promesse d'une fin de mois aisée, car c'est depuis quatre ans que celle-ci se garnit, petit à petit, rêvant du jour où elle rencontrera Los Angeles. Un autre signe, Los Angeles. La femme face à elle vient du monde de cet avenir qui lui a été arraché par des poings trop colériques, par des pieds trop vengeurs. Jessica sait qu'il lui faut passer par elle, comme une urgence, comme un besoin presque physique.

« Il y a un peu plus de 520 dollars là-dedans. Si ça ne suffit pas, je suis prête à travailler davantage pour payer la séance... J'ai aucune idée du prix de ces choses-là, mais cet argent est à vous pour peu que vous acceptiez d'essayer. Peu importe le résultat. »

Un temps de silence pour que sa vis-à-vis puisse apprécier le prix que Jessica est prête à payer pour passer la barrière de l'interdit, pour peut-être y perdre son âme, pour arracher le peu de choses qu'il reste d'elle, mais de toute façon, que reste-t-il vraiment d'elle ?

« Même si... ça ne marche pas, l'argent sera à vous. »

Jamais ses yeux ne lâchent ceux d'Arleen. Elle veut qu'elle sente. Elle veut qu'elle sache qu'elle est décidée, prête à tout pour obtenir un assentiment plutôt qu'un refus, au point d'en serrer les poings sur la table et d'avaler presque difficilement une gorgée de son thé. Cette fois, elle ne repartira pas sans un mot de sa mère. Rien qu'un. Car Jessica brûle de comprendre, se consume à la recherche d'un savoir qui lui est refusé depuis bien des années. La question qui la tue, qui perce ses veines et gangrène sa chair tient en un mot unique, solitaire au milieu des abysses. Pourquoi.
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MessageSujet: Re: Not a gift but a curse • Jessica   Not a gift but a curse • Jessica EmptyMar 6 Nov - 17:03

On dit que l’argent miroite mais c’est une connerie : ça ne miroite pas, les billets verts. L’illusion vient des possibilités qui se cachent entre chaque billet, là, dans une petite enveloppe qui déborde presque. La petite lui a mené tout ce qu’elle avait et, un instant, Arleen est tentée de la dépouiller. Après tout, elle est peut-être comme les autres, assez naïve pour croire en la supercherie, en ce qui se vend depuis la nuit des temps. Arleen a toujours méprisé ses clients, bien qu’elle ait appris à soigneusement dissimuler le sentiment. C’est comme une rancoeur tenace, quelque chose qu’elle peine à effacer malgré les années de pratique. Elle ne peut s’empêcher de voir ces gens comme des trouillards, incapables de faire face à la réalité de l’absence, de l’erreur, de la distance. Ses séances, comme les religions, comme toutes les croyances, leur permettent de tromper la mort ou l’idée même de la mort. De passer outre, d’imaginer qu’il y a quelque chose derrière, quelque chose de beau, quelque chose qui tient du pardon peut-être.

Arleen repousse l’enveloppe du bout des doigts, craignant de changer d’avis d’un instant à l’autre. « Garde ton argent, gamine. T’en auras plus besoin que moi. » Ce que ce geste veut dire, cette largesse inhabituelle chez elle, elle ne veut pas savoir. Peut-être se trompe-t-elle, mais la petite a du cran. Oui, elle est triste, désespérée même, mais elle a du cran. Arleen ne se pense pas impressionnante - elle est simplement brutale et ce dans tous les domaines. Elle n’a pas toujours été comme ça mais ne compte pas, ne veut pas faire marche arrière. La gamine n’est pas comme elle. Pas du tout. Toute en courbes délicates et en teint clair, presque pâle, celle qui se tient devant elle, les mains serrées autour de la tasse brûlante. « Je ne peux pas faire une séance. Dis-le à qui tu voudrais, mais je n’ai jamais su faire. Je peux te dire ce que je sens autour de toi, mais je ne peux pas parler avec les morts, tu moins pas comme on l’imagine. Je ne peux pas lire l’avenir non plus. C’est con, hein ? De se contenter du passé. » Ce qu’elle dit n’est pas tout à fait vrai, mais ce n’est pas un mensonge non plus. Elle ne fera danser de faux espoirs devant les yeux de cette gamine-là - Arleen n’est pas certaine qu’elle puisse le supporter.

« C’est ta mère, non ? », demande-t-elle avant de reprendre une gorgée de bière. « Ça c’est pas très compliqué à deviner : c’est souvent les parents, à votre âge, mais toi c’est compliqué. J’arrive pas à trouver, exactement, où est le problème - mais il prend de la place. Je dois te dire que tu sens la mort. » Peut-être aurait-elle dû la prévenir qu’elle ne savait pas faire dans la délicatesse. « On imagine que ça sent mauvais, mais c’est faux. C’est doux, comme odeur, tu sais, un peu comme les fleurs fanées. Doux, mais pas très agréable. » Arleen écrase sa cigarette et fait à présent tourner entre ses doigts, lentement, toujours sur la table, le cul de sa bouteille. L’étiquette apparaît et disparaît, la jeune femme inspire, peu habituée dans ce genre de moments. « Mais y a un truc plus pressant que la mort. Plus présent, en fait. Un peu plus fort. Là, ça sent le sang, et quand on sent le sang, c’est qu’il y a de la violence. » Elle quitte la bouteille des yeux pour regarder la jeune femme, fronçant les sourcils, sans compassion apparente. Où est le problème, exactement ? Plus qu’un problème, où est le noeud ? Arleen a les doigts sur la corde, sur ce fil d’Ariane qu’elle suit pour remonter une histoire, mais toutes les pièces qu’elles traversent ne sont pas bien claires sous ses yeux. Alors quand elle ne sait pas, elle utilise sa tête et se demande un instant si on tape sur cette gamine. Entre un battement de cils et l’autre, elle croit voir apparaître un bleu mais celui-ci disparaît dans la seconde, et elle ne sait pas s’il provient de son imagination ou d’une main étrangère.
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MessageSujet: Re: Not a gift but a curse • Jessica   Not a gift but a curse • Jessica EmptyJeu 3 Jan - 20:31

L'argent est refusé, les espoirs envolés. Pas d'avenir, pas d'au-delà. Le présent et le passé, rien d'autre. Pour autant, Jessica reste, Jessica attend, persuadée qu'il y a quelque chose à voir dans ce passé qu'elle évoque. Les secrets y sont bien gardés mais la vérité, ici, n'a rien d'une clé destinée aux morts. Si elle peut réellement voir le passé des gens, elle doit pouvoir voir. Elle doit pouvoir comprendre pourquoi sa mère l'a abandonnée au Monstre. Elle doit pouvoir lui dire pourquoi sa mère a fini par se suicider. Les mains accrochées à sa tasse brûlante, Jessica écoute, soutient le regard qui lui fait face, qu'elle sent presque envahissant, à force qu'il fouille en elle. Pas grave. Elle est là pour ça.

« C'est ta mère, non ? »

Sursaut, léger, mais bien présent. Jessica hoche la tête, laisse sa vis-à-vis poursuivre, désireuse d'apprendre, de savoir, d'enfin comprendre pourquoi elle s'est retrouvée du jour au lendemain abandonnée. Elle voudrait une raison de pardonner à sa mère ou à défaut, une raison de la détester plus encore. Elle ne sait pas si elle est vraiment là pour pardonner. Trop de bleus sur trop de peau lui ont donné la rage contre cette femme à laquelle elle ressemble tant.

L'explication qui suit la satisfait. Arleen ne cherche pas à la prendre pour une idiote. Jessica se refait une contenance, vouée à mourir presque immédiatement après.

« Je dois te dire que tu sens la mort. »


Le regard de Jessica se trouble et elle se sent obligée de boire une gorgée, brûlante, de son breuvage pour ne pas montrer son trouble. Ce n'est pas le fait de sentir la mort, qui la dérange. C'est le fait de savoir ce que cela signifie, si Arleen perçoit ses potentiels desseins auto-meurtriers ou si elle pense encore à sa mère et à ce suicide que Jessica n'a jamais pu oublier. Elle voudrait que ce soit ça. Elle veut éviter à tout prix que le reste s'ébruite. Elle veut pouvoir mourir en paix si elle le décide, s'arracher à l'existence terrible qui est la sienne sans que personne ne puisse lui voler ce droit-là. Lentement, elle avale sa gorgée tandis que la jeune femme qui lui fait face explique l'odeur.

« Et ça signifie quoi, cette odeur ? »


Elle doit savoir. C'est capital. Elle doit savoir si elle doit se blinder ou si elle peut se détendre. En attendant la réponse, Jessica s'empare à nouveau de sa tasse et la porte à ses lèvres dans une lente gorgée, le temps de digérer l'information qui vient et peut être aussi la suivante. Quel meilleur masque qu'une tasse brûlante dissimulant tous ses traits ? Mais ce que la demoiselle ne sait pas, c'est que le pire est à venir.

« Mais y a un truc plus pressant que la mort. Plus présent, en fait. Un peu plus fort. Là, ça sent le sang, et quand on sent le sang, c’est qu’il y a de la violence. »

Jessica manque de s'étouffer, ses yeux s'écarquillent et en elle, quelque chose se tord. C'est peut être son cœur, vidé d'énergie, de désir et d'espoir, qui hurle à l'agonie, qui hurle à l'assassinat. C'est peut être son âme, arrachée, déchirée, réduite en lambeaux depuis longtemps déjà. C'est peut être simplement son corps, brisé tant de fois qu'il décide enfin de se rebeller, ou pire. C'est peut être tout à la fois.

« Je vois pas de quoi vous parlez. Je suis venue comprendre pourquoi ma mère s'était foutue en l'air et pourquoi elle m'avait abandonnée. »

Le ton est froid, cassant, presque incisif. Elle doit recentrer le sujet, elle ne doit pas le laisser dériver, le rattraper au vol et l'empêcher de remonter le fil, l'empêcher de trouver les réponses aux interrogations qu'elle lit dans ses yeux, bloquer. Elle doit bloquer toute information. Jessica se recule, rentre à l'intérieur de sa chaise et croise les bras. Elle suit le regard de la jeune femme, prise d'une peur imbécile qu'elle découvre la vérité sur sa chair. Mais c'est fini, maintenant. Son père a promis. Plus jamais il ne lèvera la main sur elle. Plus jamais elle n'aura le moindre bleu. Plus jamais. Tout est derrière elle. Et tout doit finir par être emporté, verrouillé, jeté au fond d'un fleuve où personne, jamais plus, ne pourra le retrouver.

« Elle a jamais laissé de lettre, vous savez. Elle a rien dit. »

La colère transparaît dans les mots, vieille de plus de quatre ans. Ses bras se resserrent autour d'elle et ses yeux lancent des éclairs au souvenir d'une femme qui n'est plus.

« Elle m'a abandonnée, et j'ai jamais compris pourquoi. C'est ça, que je veux savoir. Pourquoi. »

Et au terme de cette révélation, elle décidera si elle la hait ou si, finalement, un morceau d'elle la comprend. Ce qu'elle ne sait cependant pas, c'est qu'elle aurait dû recevoir une lettre, Jessica. Elle aurait dû savoir, lire les mots de sa mère, ses excuses, ses je t'aime, ses raisons, ses espoirs et sa douleur. Au lieu de ça, la lettre a brûlé et au passage a allumé un formidable brasier de haine et d'incompréhension en elle. Elle aurait voulu savoir. Son père lui a volé ça aussi.
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MessageSujet: Re: Not a gift but a curse • Jessica   Not a gift but a curse • Jessica EmptyLun 28 Jan - 21:01

 « Ta mère t’as pas abandonné - pas volontairement, pas de son plein gré. Les gamins ont toujours tendance à penser que tout tourne autour d’eux, c’est incroyable. » Arleen n’est pas tout de suite capable de dire pourquoi la colère grimpe le long de son dos. Elle sent les griffes qui s’y enfoncent avant de se fixer là, près de ses poumons, sous ses épaules. Une rage brûlante mêlée de terreur dont, malgré de profondes respirations, elle n’est pas capable de se défaire. Ce n’est qu’après quelques secondes d’un silence chargé qu’elle comprend que ces émotions ne lui appartiennent pas, qu’elles émanent de la gamine assise en face d’elle, les mains serrées, agrippées à cette tasse brûlante qu’elle lui a filé sans vraiment se soucier de la politesse - c’est un automatisme, pour ne pas être la seule à boire, pour ne pas s’occuper les mains, l’esprit, tout le reste. Où est la vodka ? Sans plus se soucier des apparences, la jeune femme se lève, oubliant la bière qui reste sur la table, attrape la bouteille d’alcool et s’en sert un fond de verre qu’elle avale. Un instant, le goulot de la bouteille hésite au-dessus du verre vide et, brutalement, Arleen la repose. Elle doit garder l’esprit clair - ses phalanges blanchissent, sur le plan de travail, et elle sert un instant les poings avant de les relâcher. Ses ongles ont ancré des demi-lunes roses, dans sa paume. Les informations lui arrivent maintenant en cascade et faire le tri s’avère plus compliqué qu’elle ne l’avait envisagé au premier abord. Elle pensait avoir face à elle une simple gosse mal dans sa peau, en manque d’attention, de confiance en elle, bref, un classique, un grand classique de l’adolescence comme en voit dans toutes les villes pourries d’Amérique.

« C’est quand on reste qu’on trouve l’abandon. Le suicide c’est pas le manque de courage, c’est quand on en peut plus, quand on pense que ce qui nous attend est tellement horrible qu’on ne pourra jamais l’affronter. Alors oui, c’est égoïste, d’une certaine manière, mais je crois que ta mère n’a pas souvent pensé à elle - parce qu’elle pensait à toi, certainement - et à ce moment-là, à ce moment précis, c’était la seule solution qui lui paraissait envisageable. » Le souffle lui manque quand elle se tait. La vodka, devant elle, bouge doucement dans la bouteille. Il y a quelque chose dans son oreille, comme quelqu’un qui vous parle, tout bas, si bas que c’est difficile de l’entendre, de comprendre les mots, les phrases. Arleen n’est pas bien sûre qu’il s’agisse d’une femme mais il lui semble percevoir le souffle précipité, la crainte, la peur, même, derrière les syllabes avalées, la ponctuation erratique. Est-ce que c’est la mère ? Est-ce que c’est elle, qui tente de la prévenir ? Est-ce qu’elle souffre ? Il n’y a pas de paix, dans cette histoire, ni pour l’une, ni pour l’autre. C’est un chemin, deux longues routes parallèles, presque identiques, et la gamine est en danger. Le sentiment est si fort qu’Arleen l’encaisse avec son corps, reculant un instant, pliée, courbée sur le plan de travail.

« Putain… » Si j’avais su. Si j’avais su ce que tu trimballais, je ne t’aurais même pas ouvert la porte. La pensée traverse son esprit et le retour est instantané, gifle mentale violente qui fait remonter une nausée digne d’une gueule de bois. C’est un effort de volonté qui la ramène à la table où elle s’assoit après s’être servi une tasse d’un café chaussette, tièdasse, mais noir, bien noir. Elle en boit une gorgée, puis une autre, sentant le rideau se lever - c’est un rideau de fer plus que de velours, un rideau épais et lourd qu’elle tient normalement baissé, bien fermé, entre elle et le reste. Cela fait longtemps qu’elle n’a pas ouvert la porte comme ça, en grand, sans se dérober et Arleen déteste ça. Son corps et sa tête semble lui avoir été dérobés et elle est incapable de se concentrer sur la gamine en face d’elle - pas comme il le faudrait, avec considération, compassion, toute une gamme d’émotions dont elle se croit dénuée, qu’elle ne cherche pas à entretenir, qu’elle fuit depuis des années. À nouveau, le contrôle lui échappe, la parole lui échappe, et elle reprend, vite, en avalanche ou en cascade, manquant les virgules et les respirations. « Ta mère était arrivée à son point de rupture. On l’y a poussée - elle n’était pas seule, dans l’histoire, il y a toujours cette odeur, la même que la tienne, et une putain de peur à l’idée que tout va recommencer. Et toi, tu suis le même chemin. »

Elle ne doit pas lui laisser le temps de reculer, de faire demi-tour ou de s’enfuir. Arleen le sait, maintenant : on vient de la prévenir, mais son étrange transe n’est pas terminée et elle ne peut pas encore comprendre, assimiler pleinement la portées de ses paroles. Elle ne peut pas entendre ce qu’elle est en train de dire : il lui faut toujours un temps, après coup, pour tout remettre en ordre. « Il y a deux chemin : le sien, et le tien, juste à côté. Ils sont identiques, ou presque. Le sien est terminé, et tu veux faire pareil. Pourquoi, exactement, ce qu’il s’est passé, je sais pas, on ne me dit pas, mais je peux deviner que ça a certainement à voir avec ton père, quelque chose comme ça. » Son imagination prend le relais et il faut la contenir, elle n’a pas sa place dans tout ça. Arleen a déjà trop parlé : sa gorge est sèche et elle sent qu’on tire, derrière elle, qu’on tire pour avoir une place et qu’il y a plus d’une personne dans la pièce qui demande son attention à présent. « Tu es sûre qu’il n’y avait pas de lettres ? » Et la question n’en est pas une mais elle ne sait pas ce qu’elle est, à mi-chemin entre la réponse et le mystère jamais élucidé.
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