CAMPING TIME PART 1. kidnapper Jess ?
Toc, toc, toc. Kenny garde son casque vissé sur les oreilles tandis qu'il attend la réponse, sa tête dodelinant au rythme des Jackson 5. Il se retient tout juste de danser, le cœur léger et le corps débordant d'énergie. C'est un sourire que ses lèvres arborent derrière la cigarette qui fume devant son visage, floutant ses traits guillerets. Son pied tape le sol en rythme avec la mélodie. Il patiente.
Cela fait quelques semaines qu'ils préparent l'événement ensemble, Scarlett et lui. Un week-end ailleurs, hors des murs ennuyeux et dangereux d'Aster Cove, loin de l'ambiance de merde et des ragots de quartier. Camping. À la sauvage, perdus dans l'immensité forestière, isolés en bord de lac ou au fin fond d'une colline. Entre amis. Le plaisir de cette idée fait sourire Kenny plus fort encore et ses pieds s'agitent davantage contre le porche des King.
Lorsqu'enfin la porte s'ouvre, c'est un regard pétillant qu'il offre à la nouvelle venue, lui tendant les doigts pour saisir ses affaires. Il décale son casque d'une oreille avant de lâcher une bouffée de fumée.
« Prête ? », ronronne-t-il.
Il pose la question sans la poser, prend le sac pour le balancer aux côtés du sien sur son épaule, s'adosse à l'embrasure de la porte. Blouson de cuir et clope, il sait qu'il a l'air de l'opposé viscéral de ce que voudrait la mère de Scarlett comme ami pour sa fille. Oups. À vrai dire, il s'en moque. L'idée est même amusante.
« On y va ? »
Réflexe ou non, son bras libre trouve les épaules de la jolie blonde tandis qu'il la guide vers la voiture, son regard s'égarant vers les fenêtres de la maison des King. Il croit distinguer le petit frère de Scar par celle de la cuisine, lui adresse un clin d'oeil pour le faire tourner en bourrique. Ça l'amuse, de rendre le gosse jaloux.
« Sandra m'a prêté sa voiture, du coup on est nickel. », précise-t-il finalement.
Jeu des clefs, il ouvre le coffre et y dépose leurs sacs avant de se glisser côté conducteur. Ses doigts cherchent aveuglément une cassette tandis qu'il laisse à Scarlett le temps de s'installer à ses côtés, sa cigarette pendant du bout de sa main libre. Il choisit une boîte au hasard, la glisse dans l'habitacle, tourne les clefs. Ronronnement du moteur. Les basses s'éveillent en même temps que la voiture. Ils avancent sous les premières notes de
Superstition, Stevie Wonder donnant le ton de leur aventure.
« Putain, j'ai hâte. », glisse-t-il, sans vraiment s'attendre à une réponse.
Il chante, remue les doigts contre le volant selon la mélodie, fume tranquillement. Pas de prise de tête à l'horizon, pas de danger, pas de conneries sordides. Ce week-end, il s'autorise à se détendre. Nonchallament, Kenny prend la direction de la maison de Jessica. C'est la clope au bec qu'il se permet de récapituler :
« Bon. Tu fais la négoce et moi je me cache, si je me souviens bien. Le but c'est que le daron de Jess puisse pas dire non sans se faire passer pour un gros enfoiré – ce qu'il est, mais passons. »
Ses mots sont mâchés par le stick qu'il tient entre ses lèvres, mais c'est son ton qui se durcit en fin de phrase. Le père de Jess. Si seulement il pouvait lui faire bouffer ses dents une bonne fois pour toute. Si seulement il pouvait lui dégommer la mâchoire. Le jeune homme voudrait l'éloigner d'elle pour toujours, mais c'est uniquement par l'inverse qu'il peut espérer des résultats. Tant pis, tant mieux, l'important est de faire naître quelques sourires sur les lèvres amères de Jess, de lui faire comprendre que la joie peut trouver son chemin dans sa vie, qu'elle n'est pas condamnée aux ténèbres pour toujours. Que l'Enfer prendra fin, tôt ou tard, et qu'ils seront là quels qu'en soient les flammes.
Son visage redevient sérieux alors qu'il s'approche à un rythme doux de la maison. Le son de la musique se meurt, s'estompe, il met la cassette sur pause et lance un regard faussement grave à Scarlett.
« Soldat King, la mission repose sur vos épaules. »
La mission ? Kidnapper Jess.