Peek-a-boo!Lester & Joshua And you'll fear what you found when weather comes tearing down. ( → Oats in the water )•••
Encore une nuit pour rien. Au début il n'y avait pas vraiment cru, pensant à un dysfonctionnement de l'appareil. Mais après trois nuits à monitorer ses installations, les erreurs s'enchaînaient avec une régularité qui n'avait rien à voir avec la malchance. D'abord une ombre, un mouvement imprécis capté par la bande magnétique de la caméra. Puis un craquement répétitif sur le magnétophone. S'il avait dû céder à la voix de la paranoïa, Joshua aurait juré que quelqu'un s'ingéniait à saboter son matériel. Mais qui donc ? La première fois qu'il était était tombé sur les branchements défaits il n'avait pas osé y croire. Mais le manège s'était répété les nuit suivantes et l'homme n'avait pu s'empêcher de sentir que la moutarde lui montait au nez. Quelqu'un était en train de lui jouer un vilain tour et il n'avait pas le temps pour ça. Il était loin de penser que ce petit projet personnel revêtait un quelconque besoin vital mais n'avait pu s'ôter de l'esprit qu'il touchait du doigt quelque chose d'important et que ces petites ingérences ne faisaient que retarder l'échéance.
Quelque chose était à l’œuvre. Comme si les pièces se mettaient doucement en place sur l'échiquier, déplacées par une main invisible qui avait déjà plusieurs coups d'avance sur eux. Et Joshua qui tentait désespérément de se préparer à faire face se demandait encore s'il s'agissait d'un mauvais tour de son imagination bien trop fertile. Il n'avait fait qu'effleurer le sujet, n'en parlant que peu avec les siens, de crainte de passer pour un illuminé. Quoi que ça soit probablement déjà le cas. Les regards de commisération qu'il recevait parfois parlaient bien plus que n'importe quel discours.
Alors il attendait, ombre furtive blottie au milieu des bois. La lune montante s'était cachée derrière une couche épaisse de nuages depuis plus d'une heure, le privant de ses lumières. Il ignorait si l'obscurité du soir était pire que les ombres imprécises qu'il s'était acharné à déchiffrer alors que son souffle glacé dessinait des nuages de buée dans l'air. L'atmosphère était glaciale. Plus encore que ce à quoi on s'était attendu en ce froid mois de décembre. Le gel était tombé sur le monde sans prévenir et il avait dû s'ingénier à éviter les plaques de glace traîtresses qui apparaissaient sous ses pas, déterminées à le faire chuter.
Puis s'était arrivé. Un craquement de branches mortes, le chuintement d'un corps se déplaçant entre les arbres, foulant au pied la végétation moribonde. Joshua se renfonça dans son abris, le coeur battant à tout rompre. Lui revenaient à l'esprit des souvenirs de plus d'une décennie. Il avait onze ans. L'hiver avait disparu pour faire placer à une sèche nuit de printemps. Il n'était plus qu'un petit garçon, courant entre les arbres, le cœur battant la chamade. Des images si réelles qu'il aurait juré voir la silhouette du petit fantôme filer entre les arbres. Un grognement dans l'air, le grincement de griffes pointues frottant le sol et le bruit d'une course poursuite dans les ténèbres de la forêt. Mais tout ceci n'était que le fruit d'un passé qui refusait de mourir pour de bon et le gamin fini par disparaître, silhouette évanescente emportée par les limbes de sa mémoire.
Le craquement lui ne s'évapora pas avec son souvenir. Il était bien réel et l'homme attendit encore, que la menace se montre enfin. Que ferait-il alors ? Continuerait-il de se terrer comme un lapin apeuré ? Se montrerait-il ? Il s'était toujours demandé ce que serait sa réaction s'il se retrouvait face à la bête de ses souvenirs. A présent que le moment était venu, il ne s'était jamais senti aussi incertain.
Et il lui apparu, se découpant sur l'ombre des bois. Grand, le pas furtif, silhouette se faufilant entre les arbres. Fantôme remonté des tréfonds de sa mémoire au visage imprécis mais surtout définitivement humain. Humain et familier. S'il avait dû, Joshua se serait flanqué des gifles. Envolée la peur qui l'avait saisi à la gorge, effacées les chimères. Lester Carthew se tenait face à lui dans l'obscurité de Forest Pine, comme s'il avait toutes les raisons d'être là. Et s'il ne le connaissait pas suffisamment pour le fréquenter, son visage lui était pourtant définitivement familier et bien moins monstrueux que ce à quoi il s'était attendu. Se relevant de sa cache, les deux hommes se firent fasse, Joshua presque un peu penaud de s'être laissé surprendre.
Sujet: Re: Peek-a-boo! [ft. Lester] Jeu 28 Déc - 3:17
Peek-a-boo ! Lost Pine - Décembre 1984
Il détestait ces attentes. Désagréables, longues et silencieuses ; il était pourtant le seul à leur donner le droit d’exister. Invoquées par ses propres hésitations, elles eurent bon dos de lui arracher le temps qu’il lui manquait. Il était immobile à la lisière de la forêt, et peinait presque à se donner la force d’y entrer. Il pouvait nier craindre ce qui fourmillait dans les bois une fois la nuit tombée ; secouer la tête en entendant des quêtes perdues se mettre en œuvre ; Il n’en restait pas moins que ses mises en garde ne trompaient personne. La Vieille Russe avait gangréné sa raison en citant la Bible, et il eut beau reconnaître que sa mère n’avait pas toute sa tête, il avait commencé à croire à ses histoires. Elle en était consciente. Il distinguait ses sourires satisfaits lorsqu’il finissait par se taire. Lui assurer qu’elle ne réussirait pas à lui faire avaler ses conneries ne suffisait jamais à tuer son rictus méprisant. Sa raison ébranlée, Lester restait assez terre à terre pour ne pas entendre ses mots comme ils furent prononcés. Mais s’il ne crut en ces fantômes que l’on accusait, les démons purent avoir leur rôle à jouer à l’intérieur de ses croyances. Il pinça les lèvres, sentit sa moustache lui chatouiller le nez. Le froid drainait son sang et engourdissait une nouvelle fois ses mains. L’on craignait les gelées tombées sous la lune, mais il n’y eut au final aucun instant plus calme que les nuits d’hiver. Désertes et silencieuses, ce que l’on entendît ne fût le plus souvent que le vent. Il se tapissait au sol et glissait sous les pins ; son sifflement perdu aux creux des arbres. Les complaintes et déraisons lui appartenaient, et l’aurore finissait chaque fois par se lever à la lueur d'un jour banal. Lester croyait aux disparations, aux punitions ; mais la clémence était retombée depuis plusieurs semaines, et depuis tous oubliaient qui ils purent avoir contrarié. Les fantômes étaient revenus, nourrissant les joies avant les questions. Les réponses furent insignifiantes s’ils purent être rentrés. Lui aussi ne les provoquait pas. Ses yeux se perdaient dans les bois, avides de réponses qu’il était soulagé au fond de ne jamais connaître. Les croyances suffisaient à savoir ; l’ignorance était une bénédiction. L’appréhension le tenait loin de Lost Pine une fois le travail terminé ; Le maudissait ce soir d’avoir pu y oublier ses clés. Elles cliquetaient continuellement dans la poche de son blouson, et il ne se rendit compte de leur absence qu’une fois arrivé chez lui. Au Diner les billets s’attrapaient dans les poches de son pantalon ; ses clés de voiture restaient leur journée derrière le volant. Sa maternelle lui aurait tiré l’oreille si elle avait su avec quelle délicatesse il prenait soin de ses affaires. Il était trop vieux pour les remontrances, et quelques-unes lui auraient encore fait du bien. Le chien aboyait à l’intérieur du véhicule garé près de la menuiserie. Lester l’avait retournée de fond en comble ; accroupi puis en équilibre sur les planches, comme si elles purent être restées plus haut que son nez. Il avait refermé derrière lui et rebroussé chemin dans la forêt. Il n’avait jamais à aller bien loin, mais le chemin était plus long lorsqu'on ne voyait pas même ses pieds. Il tournait le regard vers la menuiserie et la voyait à peine s’éloigner. Il éteint la lampe avant qu’elle ne grille définitivement, avança vers la piste qu’il se souvenait avoir rejoint en fin d’après-midi. Il ne croyait pas aux monstres, seulement à ceux qui furent envoyés pour les bonnes raisons. Il repoussait la peur et ce fût bel et bien un cri de surprise qui vint finalement agiter son cœur. Immobilisé devant Joshua, un pied claquant au sol pour s’y ancrer, il reprit ses esprits en même temps qu’on l’accusait de ne rien avoir à faire ici. Il plissa les yeux dans l’obscurité. « Joshua Burroughs ? » Ce n’était plus de son visage dont il doutait, mais de son nom, prononcé comme l’un de ces vieux copains de lycée, et ils n’eurent pas même été ensemble à cette époque-là. « Je bosse juste à côté, c’est plutôt à toi qu'il faut le demander. » L’amertume n'était jamais plus subtile que lorsqu'elle suintait d'un orgueil éraflé. Le myocarde calmé, il glissa les yeux sur les fourrés où Joshua était apparu. « Est-ce que… Tu dors là ? » Ses yeux s’étaient écarquillés ; A moitié sceptique et tout à la fois prêt à rire. Il ne le connaissait pas ; Tout ce qui les liait était une ville dans laquelle les noms se propageaient trop vite. « Je te juge pas hein, mais même si t’as des problèmes d’argent y a toujours moins drastique que de se les geler dehors. Si t'es sérieux je peux toujours te trouver un boulot. » Sa gorge était rêche, raclée précipitamment.
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Sujet: Re: Peek-a-boo! [ft. Lester] Jeu 4 Jan - 16:06
Peek-a-boo!Lester & Joshua And you'll fear what you found when weather comes tearing down. ( → Oats in the water )•••
En d'autres temps il aurait probablement éclaté de rire. Et il fallait admettre que la scène pouvait avoir quelque chose d'amusant, vue de l'extérieur. Lester semblait tout aussi stupéfait que lui de le trouver là et il y avait des chances qu'ils se soient fait peur mutuellement en sortant ainsi de l'ombre. Il l'avait reconnu, chose étonnante qui prouvait que malgré les années, les souvenirs avaient la vie dure. L'époque du lycée était pourtant très loin et ils n'avaient été que des mômes insouciants à l'époque. Mais la question qui suivit lui parue si incongrue que Joshua céda à l'hilarité, éclatant d'un rire qu'il ne chercha même plus à refréner dans la quiétude des bois. La scène prenait un tour de plus en plus invraisemblable et le chercheur résista à l'envie de plaisanter un peu en répondant par l'affirmative. Mais Carthew n'avait pas tord, les températures étaient résolument glaciales ce soir là et il plaignait quiconque aurait eut l'idée folle de passer la nuit là. « Les gens te diront que je suis un peu dingue, mais pas au point de venir camper en forêt par un froid pareil ! »
Il souleva le magnétophone qu'il était occupé à ranger dans sa sacoche lorsqu'il avait été interrompu. L'espace d'une seconde, Joshua se demanda si la vraie raison de sa présence ici allait paraître encore plus délirante qu'un soudain besoin de passer la nuit à la belle étoile. Comment annonçait-on nonchalamment qu'on courait la forêt à la recherche du grand méchant monstre des bois ? Il allait penser qu'il tentait de se moquer de lui. Pris entre deux feux, il se gratta un peu la tempe, comme pour se donner quelque chose à faire avant de se décider sur ce qu'il allait lui dire. « C'est sympa mais ça ira t'en fait pas, y a rien de tout ça. En fait, ça va paraître un peu improbable mais je faisais des recherches pour un article. »
Ce qui n'était pas complètement faux. Discover attendait un projet pour sa publication du prochain trimestre. Et le chercheur s'était mis en tête de s'intéresser aux habitudes nocturnes des animaux du sous-bois. Si ça servait également ses projets personnels, c'était une plus-value non négligeable. A défaut de découverte extraordinaire, il espérait au moins pouvoir fournir quelques clichés sympathiques pour illustrer l'article. « Mais je pourrais te retourner le compliment ! »
Il tentait de rassembler les souvenirs de ce qu'il avait pu entendre au sujet de l'homme qui lui faisait face. Aster Cove était une petite ville mais ça ne voulait pas dire qu'il était au courant de tous les commérages. Bien que la buraliste se fasse une joie de lui faire une mise à jour chaque fois qu'il passait acheter le journal. Mais il n'en gardait que des bribes confuses. Il y avait eut quelques murmures à l'époque, sur le môme qu'il avait été et sa mère si méfiante. Il n'allait pas mentir, enfant il avait probablement eut un peu peur de cette femme et de ses regards qui semblaient vous percer jusqu'à l'âme. Son fils c'était une autre histoire. Que faisait-il déjà ? Il travaillait à l'aciérie ? Il n'en était pas complètement sûr, n'ayant écouté les nouvelles que d'une oreille distraite.
« Mais t'as pas tord, il fait sacrément froid ce soir. C'est un drôle d'endroit pour croiser des gens non ? »
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