Cher journal,Ok, je me sens con d'avoir écrit ça, maintenant. 19 ans et j'ai toujours gardé ce truc. Si j'écris ici c'est que j'ai sûrement touché le fond. Mais j'en ai besoin, donc,
allez vous faire foutre. Qui ça, je sais pas. merde.
Putain, comment tout a pu devenir aussi merdique ? Et pourquoi je pose la question ? Je suis celle qui me fout dans cette situation et je flippe des conséquences. L'ironie du sort. C'était la merde aussi quand je suis arrivée ici. Quand papa a décidé de tromper maman et de se casser avec sa connasse. « Ça nous fera tous du bien de repartir à zéro. » - Maman, qui fait toujours de son mieux pour arranger les choses alors que la vie lui chie dessus. Je sais pas si je dois l'admirer ou la secouer... Mais bon, c'est pas la question. Faut que j'me calme, j'écris trop vite, ça fait mal.
ejezirlkeBref. C'était y'a longtemps ça, pourquoi ça me fout en boule maintenant ? Peut-être parce que ma vie est redevenue pourrie là maintenant. J'aime répondre à mes questions. Début du collège, fin du lycée, même combat pour McNamara. Mais bon, cette fois je compte pas redoubler. À part si je disparaît moi aussi, comme la chiée de personnes qui se sont volatilisées dans la ville. Mais ça, tout le monde s'en fout. Vivre ici c'est devenu aussi oppressant qu'une salle de shoot mais à part ça, choisir ses fringues pour la soirée de Machin et faire attention à bien branler son copain pour pas qu'il raconte de la merde dans ton dos, c'est ce dont quoi je devrais me préoccuper, apparemment. De la merde. J'en ai marre. J'ai tout envoyé chier cet aprem. En gros, j'ai signé mon arrêt de mort.
Ce qu'il s'est passé pendant mes années de lycée, c'est un peu le mythe d'Icare, sauf que j'ai saboté mes ailes toute seule. Chouette métaphore, n'est-ce pas. Tiens, en voilà une autre toute pétée : j'ai volé avec les aigles mais j'ai préféré m'arracher les plumes avant de finir complètement tarée. C'est même plus une métaphore, c'est n'importe quoi. Fin, on s'en fout. Le truc c'est que j'ai pas merdé. Je voulais me casser de cette situation, et j'ai explosé. Ok, les soirées c'était sympa. Avoir un petit ami que tout le monde trouve sexy, c'était sympa aussi. Mais après, y'avait quoi ? Où ils étaient ces amis quand j'avais besoin de parler de vrais trucs ? Au final c'est avec ma mère et mon frère que je suis la plus proche. J'ai autant aimé boire des bières cul sec pour rigoler que de jouer à des jeux de société avec eux, en plaids, avec un chocolat chaud. Le pire, c'est que je le cachais même pas. J'ai jamais vraiment prétendu être quelqu'un d'autre. Je me suis juste fait embarquer. Quand j'exprimais mon opinion, on rigolait et je me la fermais. J'étais la jolie fille qui disait des trucs qui finissaient dans la fosse. Au final, je pouvais être n'importe qui. On en avait juste rien à foutre.
Merde à tout ça. À quoi ça sert ? Le peu qu'ils ont exprimé envers moi c'était des reproches et du jugement que j'étais censée oublier la minute où ça avait été prononcé. Vicky, souris. Vicky, t'es chiante à dire non à ça. Vicky, t'es morte à l'intérieur ? Ouais, je suis morte à l'intérieur. Qu'est-ce que ça peut foutre ? Ça vous plaisait bien quand cette tête là faisait peur aux collégiens sans que je fasse exprès. Y avait plein de trucs qui leur plaisaient bien, au final. Maintenant, ciao... et tant pis s'ils m'en foutent plein la tronche.
Mais bon, même si ça me fout les boules, c'est pas d'eux dont j'ai le plus peur en ce moment. Il se passe vraiment des trucs bizarres ici. Mais quand on en parle, personne le croit. Ils veulent tous être barricadés dans leur petite vie parfaite. Leur petite vie merdique, plutôt. Je préfère partir à la chasse à... je sais pas quel truc maléfique se balade dehors... plutôt que de faire semblant d'être heureuse dans un stéréotype à la con. Je sais même pas si j'aurais réalisé dans quelle mare de merde je m'étais embourbée si y'avait pas eu toutes ces disparitions. Je flippe de plus en plus. Alors les problèmes du lycée je les ai trouvés bien moindres tout d'un coup.
Donc j'envoie chier tout ça. Je veux savoir ce qu'il se passe. Ce que personne veut me dire. Je veux sortir de ma bulle et affronter ce qu'il y a. À quel prix, je m'en fous. J'en ai marre d'entendre des bruits la nuit. J'en ai marre de revoir ce putain de clown qui m'avait traumatisée quand j'avais eu 8 ans, dans mes rêves. J'y crois pas à ces conneries de troubles adolescents. Les disparitions c'est pas un trouble adolescent. Les phénomènes bizarres et inexpliqués, c'est pas moi. C'est plus fort que moi, il faut que je m'y penche. J'ai plus que ça, de toute façon. Et, ptain... c'est bizarre, mais je me sens libre malgré tout ça. Je suis contente de pas être encore à demain et d'être dans ma chambre au chaud...
Bon, j'ai peut-être trouvé ça débile, mais ça m'a fait du bien d'écrire ici. Je me sens un peu plus forte. Je vais devoir en affronter des trucs. Ça va pas être facile... Mais je vais tenir bon. Garde ton visage "mort à l'intérieur" et apprécie ton chocolat chaud à sa juste valeur.