Dans la petite ville d'Aster Cove, des choses étranges se passent...

 
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 Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese

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MessageSujet: Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese   Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese EmptyMar 20 Nov - 11:54


 « Qu’est-ce que tu me veux ? » La gamine la regarde depuis bien cinq minutes - dix, peut-être, mais Arleen ne veut pas exagérer et imaginer qu’elle s’est dégotée un nouveau stalker. Quoi que la gosse n’en a pas vraiment l’allure, hein, avec ses cheveux fous et ses grands yeux curieux. Ce n’est pas une fan non plus, du moins elle n’en est pas sûre. En soi, elle a l’air plutôt normale, juste un peu bizarre, et Arleen se sait bien mal placée pour juger les gens, surtout sur ce critère. L’envie de fumer la prend et, un instant, ses doigts triturent le paquet de cigarette au fond de la poche de son blouson. Est-ce que le vendeur va la virer, si elle allume une cigarette au milieu du magasin ? Est-ce qu’on fume dans ce magasin, d’ailleurs ? Il lui arrivait de le faire, à Los Angeles, quand elle se rendait au liquor store du coin de la rue, sur les coups de vingt-trois heures ou minuit. Tout le monde s’en foutait, là-bas, de vous voir entrer une clope au bec, mais Aster Cove est une petite ville et Arleen a besoin d’un emploi. Elle cherche, depuis quelques jours, elle cherche un poste, un boulot, un job, même mal payé, même un job de merde, mais rien ne vient. Elle a bien pensé au bar du coin, mais n’est pas bien sûre de savoir se tenir, entourée d’autant de bouteilles et de gens bourrés - parce qu’ils sont certainement bourrés, à un moment donné, les habitants de cette foutue bourgade.

La gamine est toujours là. Arleen était persuadée qu’avec un petit grognement et un regard en coin elle arriverait à la faire fuir, mais non. C’est presque gênant, d’acheter de l’alcool devant une adolescente - alors elle enfonce les mains dans ses poches au lieu de les sortir et d’attraper une bouteille, ses yeux allant et venant entre la gosse et le rayon bien garni. « J’ai horreur qu’on me fixe comme ça, en plus il paraît que c’est pas poli du tout. Qu’est-ce qu’on vous apprendre à l’école ici ? » Le ton n’est pas vraiment méchant - Arleen n’est pas vraiment méchante non plus, du moins c’est ce qu’elle se dit pour se donner bonne conscience quand elle envoie quelqu’un sur le carreau ou qu’elle lâche la porte sur le lien suivant. La gosse ne fait rien de mal, après tout, c’est juste dérangeant d’être observé avec de grands yeux humides. Et un peu culpabilisant, quelque part. Elle se décide toutefois et, avec un soupire, attrape une bouteille de vodka. « C’est pas un bon exemple, ça - les adultes qui achètent de l’alcool devant vous. Enfin, à mon avis, t’as pas attendu la majorité pour boire un verre, non ? J’en ai vu dans le coin, des lycéens éméchés. » Et elle ne ment même pas - peut-être étaient-ce des copain d’Alessandro, dont elle ne se rappelle plus le prénom, peut-être de simples inconnus.

« Si je t’achète une bière, t’arrête de me regarder ? Ou un soda, si tu préfères. » Et pendant que la gamine se décide, Arleen change de rayon, se dirigeant vers les grands réfrigérateurs gardant les boissons au frais. Elle a envie de glace - ça la prend comme une envie de pisser et, après avoir attrapé un pack de bières qu’elle glisse sous son bras, la jeune femme bifurque vers les congélateurs. La gamine l’a suivie - elle n’a pas besoin de regarder sur sa droite pour le savoir, les pas, légers mais peu discrets, se sont arrêtés en même temps que les siens. « Tu comptes au moins me dire comment tu t’appelles ? Non parce que si je te paye un coup, autant savoir ton nom, hein, au cas où tes parents me tombent dessus. » D’un geste décidé, Arleen ouvre le premier congélateur et attrape un pot de glace. Cookie dough et bon gros morceaux de chocolat. Lorsque la porte se referme, elle observe à nouveau la gosse qui se tient là, et lui trouve un petit truc marrant dans le visage. On doit la trouver jolie, aux alentours, et Arleen se demande ce que fait une telle gamine dans une supérette à une heure pareille.
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MessageSujet: Re: Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese   Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese EmptyJeu 29 Nov - 11:39

Reese a conscience qu'elle la fixe depuis de longues secondes. Ça ne lui ressemble pas de dévisager aussi longuement, aussi ouvertement quelqu'un sans raison apparente. Reese se tient juste là, à regarder bêtement ; elle devrait détourner les yeux, reprendre le cours de sa respiration, tue quelque part entre deux inspirations surprises, reprendre ses gestes, sa route. Elle devrait oui sans aucun doute, avant qu'on la remarque. Le problème est que Reese, comme saisie par une main invisible, se trouve incapable de détacher son regard des yeux immenses et sombres, des lèvres pleines, de l'assurance brute qui colle à la peau porcelaine de l'apparition.

Reese vient d'avoir un coup de cœur aussi fulgurant qu'imprévu. Son torse est plein d'une surprise légère, soufflée sur des battements inconnus ; elle aurait beau vouloir fermer les yeux sur l'évidence même qu'elle la sentirait tout contre son cœur à virevolter sans son autorisation, narguant sa mauvaise foi et son désintérêt légendaires. C'est sidérant. Wallis a un béguin. Au premier regard. Sidérant.

La bouche pâle s'étire, les sourcils noirs se froncent : l'inconnue parle. Reese, comme si le courant venait d'être rétabli en lui envoyant une bonne décharge dans ses membres, cherche à éteindre son Walkman de sa main moite, augmente le volume au lieu d'appuyer sur le bouton stop. (l'école) entend-elle en retirant son casque d'un geste maladroit, y coinçant une mèche de ses cheveux indisciplinés.
Sa voix résonne, nouvelle, à ses tympans et elle s'interroge alors seulement vraiment : qui est-ce ? C'est la première fois qu'elle l'entend, qu'elle la voit, et en à peu plus de deux ans de vie à Aster Cove, Reese a l'impression d'avoir croisé l'essentiel de la petite ville. Fait-elle partie de la nouvelle vague de journalistes, attirés par les disparitions ? Des renforts de police, envoyés d'ailleurs ? Ou s'agit-il d'une bête coïncidence, d'un bref séjour, d'un emménagement soudain comme elle et les Wallis ?

L'inconnue parle, encore et encore, de sa voix grave et posée, se sert dans les rayons en pestant à demi-mots. Reese subjuguée, ne perd rien de son mouvement et de ses intonations, ne voit que son énergie fulgurante, aux airs de colère contre le reste du monde, le brun sombre de ses cheveux. Les paroles, les gestes en eux-mêmes sont relégués au second plan. Reese enfin, déglutit, retrouve juste assez la mécanique de son corps, le cours de ses pensées. Elle la suit, sans se poser de questions, jusqu'au rayon suivant.

Ça non plus, ça ne lui ressemble pas vraiment ; ce sont ses jambes qui s'activent, son énergie qui colle au sillage de la sienne. Enfin les mots commencent à prendre forme, à retrouver leur sens, et Reese balbutie un « euh, je... » vite dévoré par la force de la jeune femme. Enfin, les gestes se précisent, et Reese la voit prendre un pot de crème glacée -son souffle s'accélère à cette découverte. « Reese », fait-elle sur son expiration, et devant le regard, le silence qu'elle lui octroie, Reese repasse une mèche de cheveux derrière son oreille -légèrement rouge, comme le reste. « Wallis, Reese... Reese Wallis, réorganise-t-elle maladroitement. Je bois pas d'alcool, juste du Mountain Dew, du Mountain Dew avec de la crème glacée ! Cookie Dough c'est un super choix, euh, excellent... Et euh je, et vous ? Votre nom, pas le Moutain Dew... » C'est la glissade, sa timidité naturelle écrasée sous le poids de sa propre confusion. Elle a à vrai dire l'impression de s'en sortir à la fois très bien, sur l'instant, et de se condamner à aller s'enterrer, de honte, pour le restant de ses jours, ensuite. Alors Reese, qui ne parle que peu d'ordinaire, continue : « C'est la première fois que je vous vois, vous venez d'arriver ? Je m'en serais rappelée, sinon. » Le regret la frappe sitôt qu'elle se rend compte de ce qu'elle vient de lui dire. Autant lui avouer franchement qu'elle la trouve très belle... Reese, rougissant visiblement ravale son sourire avec maladresse, déglutit de gêne. Elle a au visage une expression indescriptible, entre le sourire qui flanche, la surprise, l'embarras -à la recherche de son visage impassible, flanqué d'un cool factice qui, au moins, pourrait l'aider à faire bonne impression.
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MessageSujet: Re: Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese   Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese EmptyDim 9 Déc - 21:51

C’est marrant, d’être fixée par une enfant. Parce que c’est ce que sont les adolescents, non ? Arleen se demande, des fois, où les placer sur l’échelle de la vieillesse : se trouvent-ils plus proches des adultes ou des gamins ? Comment doit-on les traiter ? Il lui arrive d’avoir à faire face à des vieillards qu’il faut materner comme des nouveaux-nés - ce qu’elle ne sait pas faire. Elle ne sait pas non plus comment se comporter avec ceux-là, les bébés, les enfants, les adolescents. À vrai dire, Arleen ne sait pas comment se comporter avec beaucoup de gens et elle se doute qu’elle n’est pas censée offrir de la bière à une gamine qui a tout juste l’air d’avoir dix-huit ans - ou peut-être dix-sept, de ça non plus elle n’est pas sûre. Heureusement qu’elle n’a pas bu avant de partir, sinon elle serait incapable de réfléchir plus logiquement et risquerait certainement de faire fuir la jeune intruse. Elle a une bonne tête, cette petite, et Arleen a toujours préféré les filles aux garçons. N’allez pas en faire quelque chose de tordu, loin de là : il est toujours plus facile de communiquer avec les êtres qui vous ressemblent - les barrières ne sont pas aux mêmes endroits et il est souvent plus facile de les faire tomber. Les hommes, c’est une autre histoire. Il lui suffit de repenser au détective pour avoir envie de tous les fuir - ou de tous les sauter, elle n’est pas certaine de l’option à choisir, dans ce cas-là.

La gamine ne répond pas, sur l’instant, comme absorbée par sa musique ou son observation, et Arleen l’observe de ses grands yeux bleus qui ont tendance à ressembler à des soucoupes volantes quand elle les écarquille. C’est une ex qui lui a sorti avant de partir, qu’elle se rappelle soudain, et elle se demande si elle a vraiment l’air aussi bizarre que ça. « Enchantée Reese Wallis, attrape une Mountain Dew tant que tu y es, c’est pour moi. » Pourquoi pas, après tout ? La gosse a l’air plutôt sympa et elle pourrait peut-être lui apprendre quelque chose. Ou peut-être qu’Arleen n’a pas envie d’être tout à fait seule, ce soir, mais elle n’irait pas le dire à haute voix, c’est trop privé. Seule la glissade, le dérapage, lui font penser qu’elle peut bien partager sa glace avec une gamine inconnue dans une ville paumée et Arleen esquisse un sourire à l’intention de sa nouvelle amie. « T’es mignonne toi. Je m’appelle Arleen. Arleen Wright. » Ça a un petit côté James Bond, dis comme ça, et Arleen lui fait signe de la suivre jusqu’à la caisse, attendant ensuite qu’elle y dépose son butin. Elle en fait, parfois, des folies comme ça - payer un sandwich à sans-abris, un bonbon à un gosse dont les yeux brillent dès qu’il les regarde - mais elle s’attarde rarement pour discuter. Il faut dire qu’on en a rarement l’occasion, dans une ville comme Los Angeles, et qu’elle n’avait pas les mêmes préoccupations à Colorado Springs.

« Vous auriez deux cuillères en plastique, ou quelque chose du genre ? Oh et un paquet de Marlboro Light. S’il-vous-plaît. » Sa politesse a failli lui échapper, comme souvent, mais il ne faut pas donner le mauvais exemple. Arleen règle l’ensemble de leurs courses sans vraiment faire attention au montant, sinon elle va se mettre à calculer et se demander ce qu’elle fout encore dans ce trou paumé. « Y a un banc où on peut s’asseoir pour manger ? T’as bien deviné, je viens d’arriver en ville et je connais pas franchement les coins fréquentables ici… » Arleen se retient de dire qu’elle ne connaît, en général, que les coins les moins fréquentables d’un endroit, mais ce n’est pas tout à fait vrai, si elle repense à l’université, à chez elle, à certains lits dans lesquels elle s’est éveillée. Alors elle se tait un instant, observe la gamine - Reese, elle a prénom, à présent - et remarque qu’il n’y a rien autour d’elle. Rien de terrible, du moins, rien de dérangeant. C’est calme et frais et léger et Arleen peut enfin respirer un moment. « Et toi, alors, Reese ? Tu vis ici depuis longtemps ? Une native du coin ? J’imagine que tu vas au lycée… » Et pour une fois, Arleen est curieuse, à croire qu’elle préfère les plus jeunes à ses égaux, ou alors c’est cette gosse et son énergie, la glace dans son sac, l’alcool et la Moutain Dew, qu’elle n’a pas bu depuis des années, préférant la vodka ou le whisky. Mais ces choses non plus, ça ne se dit pas, alors elle attend, les yeux rivés sur la petite qui n’est ni petite ni très jeune, au fond.
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MessageSujet: Re: Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese   Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese EmptyMar 1 Jan - 5:51

« Arleen... Ench, enchantée, Arleen Wright. Miss Wright ? » Reese balbutie, fronce les sourcils, et quand elle se tait finalement, les balbutiements se propagent dans le corps, jusqu'à ses doigts tremblants. Dans la tempête qui se lève, soufflée par le sourire aux lèvres ourlées d'Arleen, au prénom, à son propre nom sur la voix tranquille, à l'invitation imprévue, au coup de cœur inattendu qui lui enserre la nuque dans un étau douloureux, Reese se trouve, dans un éclair de lucidité, idiote. Est-ce qu'elle a bien entendu ? Elle, mignonne ? D'un geste mécanique, comme si elle ne savait plus se servir de ses membres, elle ouvre la porte du frigo pour se prendre une Mountain Dew, tournant et retournant le compliment de l'inconnue.
Mignonne. Elle a dit qu'elle était mignonne.

Son visage chauffe, comme s'il se mettait lentement en combustion. Reese emboîte le pas d'Arleen, papillonnant, le regard incertain quant à quel point fixer sur l'inconnue. Il y a tant à voir et à enregistrer, il y a les cheveux bruns, les épaules solides, les poignets fin et la démarche sûre d'elle, prête à abattre les obstacles et les impertinences se dressant sur son chemin. Reese peut le sentir, le caractère mordant d'Arleen, ramenée à la tranquillité quand elle a compris qu'elle était inoffensive. L'admiration enfle, aux yeux d'une adolescente incertaine, à la confiance vacillante. Reese se rend compte de la rigidité de ses membres, et du cadre étroit de ses pensées.

Reese dépose sa canette sur le tapis, et coule un nouveau regard à Arleen, aussi discret que possible. Elle tourne à nouveau la tête vers elle, et Reese rougit de plus belle, prise sur le fait : « Euh, oui, pas loin, euh... » Sa voix se meurt, elle ravale sa langue maladroite, au devant du regard que lui adresse Arleen. Ce n'est pas exactement inquisiteur, comme si elle semblait jauger de quelque chose en traçant un cercle de ses yeux perçants. Depuis que les disparitions ont repris, on leur dit de plus belle de faire attention, de signaler les comportements suspects, de se méfier des nouvelles têtes en ville. Si les méfiances ont tiré à Reese un vague haussement d'épaule, elles lui reviennent en un sursaut de paranoïa, attisée par l'heure tardive, la nervosité imparable que lui insuffle la nouvelle venue. Reese se reprend, surprise d'avoir sans le savoir avalé ces couleuvres diluées par les bigots d'Aster Cove. Quelque chose chez Arleen, en dépit de sa force, lui donne envie de lui faire confiance.

Reese prend sa cannette, adressant un « merci » et un début de sourire, mal assuré, encore, à Arleen. Elles sortent du magasin pour retrouver la nuit. Reese a le cou dégagé, une simple veste en jean sur les épaules, encore jeune, insensible aux élans de température parfois violents du Maine. La présence d'Arleen à ses côtés lui ôte toute sensation de froid, et ses oreilles chauffent, au lieu de subir la morsure fraîche de l'automne. « Euh, oui... Enfin non, c'est relatif, euh je suis née à Chicago... Avec mon père on est là depuis trois ans. Il est prof au lycée. Je suis en dernière année... Pourquoi vous êtes ici ? Vous êtes venue seule ? » Les questions ricochent sur ses réponses, ressorts curieux la poussant contre la vie privée de Wright. D'ordinaire, elle attendrait, grappillerait des indices dans le discours d'Arleen, ou lui demanderait au goutte-à-goutte, avec sa mesure naturelle. Déstabilisée par son propre culot, elle ouvre la cannette, et s'approche du banc à quelques mètres du magasin, légèrement en retrait sur un coin de pelouse.
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MessageSujet: Re: Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese   Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese EmptyLun 21 Jan - 22:40

 « Appelle-moi Arleen, va, c’est plus simple. Si tu m’appelles Miss Wright je vais tout à coup avoir soixante-dix ans. » Un peu plus ou un peu moins, d’ailleurs. On ne l’appelle jamais « miss ». Il faut dire qu’on ne l’appelle pas vraiment, ces derniers temps, qu’on dit « Wright ? » en fronçant les sourcils sans vraiment savoir de qui on parle, à qui s’adresser - elle est déjà partie, avant même de répondre, ne prend pas le temps de s’attarder et disparaît. Mais la petite est un peu différente : elle ne ressemble pas encore à la ville, aux adultes, aux autres gamins, insupportables, qu’elle a pu voir jusqu’ici. Ses joues sont rouges et ses yeux brillants. On ne la regarde jamais comme ça, Arleen. C’est tout nouveau, ou alors elle n’y a jamais fait attention - elle préfère penser que c’est neuf, imaginer qu’il y a un petit quelque chose, ce soir, de différent. Un espoir, une sensation à laquelle elle n’est pas habituée semble la pousser vers des gestes, des mots, des sourires peut-être un peu moins mordants, un peu moins froids. La gamine n’est pas Bloomingdale ou Holland - elle n’est pas encore énervée contre le reste du monde, pas encore pourrie jusqu’à l’os et ça, elle n’a pas besoin de la connaître pour le savoir. Il suffit de la regarder et de voir tout ce qui n’est pas là. L’absence de noirceur, de trous noirs, de toutes ces choses qui semblent s’accrocher aux gens, leur tourner autour, surtout ici, dans cette ville pourrie.

D’un geste, Arleen chasse le merci, un sourire aux lèvres, et suit la gamine jusqu’au banc désigné. Il ne fait pas chaud, il fait même plutôt froid, mais Reese n’est pas couverte, pas vraiment. Elle n’en dira rien, et Arleen non plus : elle n’est pas sa mère, elle n’est la mère de personne et n’aime pas jouer ce rôle, porter un costume qui ne lui correspond pas - et ne lui correspondra certainement jamais. « Chicago hein ? Ça doit sacrément te changer, Aster Cove. Si je me souviens bien, c’était un peu bordélique, Chicago, ou du moins y avait des quartiers pas très bien fréquenter. Mais au final, c’est partout pareil, non ? » Un sourire lui échappe alors qu’elle retire le couvercle du pot de glace et y plonge sa cuillère, tendant l’autre à la jeune Reese. Elle se demande un instant si c’est son vrai prénom, ou un surnom, peut-être, un surnom qui lui rappelle les cups au chocolat et beurre de cacahuètes qu’elle mangeait sans interruption quand elle avait l’âge de la gamine qui s’assoit à ses côtés. À croire que voir des fantômes vous fait brûler beaucoup de calories - la preuve étant qu’Arles arrache à la glace une large cuillerée qu’elle mange, bouchée par bouchée, une, deux, avant de répondre à sa voisine de dîner impromptu. « C’est ça, toute seule. Ma voiture a planté à deux mètre du panneau, à l’entrée de la ville, et je me suis dit que j’allais rester. » Ça, c’est la version courte, la version officielle, celle que l’on donne quand on n’a pas envie de répondre, de dire les choses, d’expliquer. En jetant un coup d’oeil à la jeune Wallis, Arleen sait, sent, que cela ne suffira pas et que Reese, étonnamment, risque de poser des questions précises, sérieusement, honnêtement intéressées. Elle ne sait pas si elle doit la devancer ou la laisser deviner.

Tu as perdu ta mère ? est la question qui lui vient à l’esprit, comme ça, quand elle tend l’oreille et qu’elle écoute ce qu’elle ne veut pas entendre ce soir. Elle n’a pas besoin de prononcer les mots pour savoir que, d’une manière ou d’une autre, c’est le cas. « Avec mon père » suffirait presque, comme explication, s’il n’y avait pas quelque chose d’autre, quelque chose qu’elle avait besoin de demander. Arleen se demande un instant s’il s’agit d’un besoin malsain, justement, d’un besoin de mettre le doigt sur la mort, sur la disparition, sur l’absence et tout ce qui l’accompagne. Si c’est un désir de faire souffrir, mais elle ne veut pas faire souffrir la gamine car la gamine ne lui a rien fait, ne le mérite pas. Elle reformule, hésite un bref instant, mais ne peut retenir sa langue - elle n’a jamais su le faire. « Qu’est-ce qui est arrivé à ta mère ? » Pour une fois, quelque chose ressemblant à du regret, ou plutôt du remord, se fraye un chemin jusque dans son estomac. Arleen observe, sans pitié ni fausse compassion, elle observe seulement et, pour ne pas faire marche arrière, pour ne pas s’excuser, elle avale une courte gorgée de vodka avant de rentrer la bouteille dans son sac, décidée à ne pas être arrêter pour consommation d’alcool sur la voie publique. « J’imagine que ce n’est pas le genre de question que l’on pose à une inconnue qui a la moitié de son âge et à qui on a proposé une bière à la place d’un soda. Tu remarques rapidement que j’ai tendance à d’ailleurs poser les questions qui fâchent. » Et c’est comme ça, à sa manière, détournée, un peu tordue peut-être, qu’Arleen lui offre une porte de sortie, une dérobade, en quelque sorte.
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MessageSujet: Re: Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese   Beer is proof that God loves us and wants us to be happy • Therese Empty

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