Le souffle affolé. La bête n’est pas très loin. Mais Béa, elle continue de courir. Les poumons mis à l’épreuve, les muscles des cuisses brûlant sous l’effort, le froid habituel qui ronge ses os. Se cacher, encore et encore, toujours se cacher, pour ne pas se faire attraper. Surtout, ne pas faire trop de bruit, ne pas respirer trop fort, tout faire pour effacer sa personne, faire taire cette aura humaine qui attire tant ces créatures.
Ce n’était pourtant qu’une simple course, une ronde habituelle pour trouver de quoi se nourrir, de quoi se défendre. Elle lui avait laissé entendre qu’elle reviendrait dans l’heure, qu’elle ne serait pas longue mais que si c’était le cas, il ne valait mieux pas s’inquiéter et se concentrer sur sa propre survie. A présent, la menace n’était plus dans les parages mais Béatrice était bien loin de son secteur. Il valait mieux rester à l’abris un temps.
Les couloirs du lycée d’Aster Cove avaient cette odeur acide de nostalgie. La longue jupe aérienne de Béatrice qui caressait ses genoux quand elle déambulait dans les couloirs. Queue de cheval, haute, parfaite, ce léger pull posé sur ses frêles épaules, ses yeux qui papillonnent devant Ryan et son blouson symbolique. Les baisers contre le casier, entre deux cours d’algèbre. Les commérages qui fusent pendant la pause déjeuner, dans cette cafétéria qui n’a pas changé. Les entraînements de l’équipe de crosse, le show des cheerleaders, le bal de promo, le conseil des élèves, les belles journées d’automne passées à parader dans ces allées chargées de souvenirs d’adolescence. La charge émotionnelle arrache un soupir discret à la blonde. Aujourd’hui, ses enfants devaient probablement reproduire ces mêmes mécanismes, la couronne passe d’une tête à l’autre mais revient toujours entre les mains de la royauté.
L’air est lourd entre les classes désertes, Béatrice s’avance avec précaution. Peut être trouverait-elle de quoi se défendre, une vieille paire de ciseaux, un couteau de cuisine à la cafétéria dans l’idéal, des débris de verre, pourquoi pas, une simple fourchette rouillée, n’importe quoi. Elle n’avait que cette petite paire de ciseaux à bout rond récupérée lors de sa rencontre avec Bartholomew. Paire qu’elle tenait fermement alors qu’elle pénétrait une salle. Il semblait avoir du mouvement, un bruit à peine perceptible, une présence. Le coeur de Béatrice s’affole mais elle reste calme dans ses gestes. Alors qu’elle s’approche, elle n’aperçoit qu’une ombre. Immobile. Immobile. Et le premier geste du reflet obscure l’affole, elle saute sur cette forme, arme pointée sur le visage de …
@Camden McKinnon .
Béatrice, elle pousse un grand soupire de soulagement. “
Dieu du ciel, j’ai cru que c’était cet espèce de chien de l’enfer …”. Elle se redresse, se dégage du pauvre garçon qu’elle venait de plaquer au sol. Les années l’avait rendue plus vive, elle n’hésitait pas à se jeter au cou du premier obstacle, quand bien même elle en avait parfois subis les conséquences. Elle aide le jeune homme à se relever. “
Excuse-moi.”. Le rejeton des McKinnon. La Béatrice du monde réel ne lui aurait même pas adressé un regard, enfant peu digne de son intérêt, quand il n’avait pas ce délicieux instrument posée sur l’épaule. Mais dans cet univers, les choses étaient différentes. Ce n’était plus une question de classe sociale, mais de survie. Les Humains contre ces créatures de l’enfer.