Dans la petite ville d'Aster Cove, des choses étranges se passent...

 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
-40%
Le deal à ne pas rater :
Tefal Ingenio Emotion – Batterie de cuisine 10 pièces (induction, ...
59.99 € 99.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 (Jess) Wish you were here [TW : Violence]

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité
MessageSujet: (Jess) Wish you were here [TW : Violence]   (Jess) Wish you were here [TW : Violence] EmptyDim 25 Nov - 19:00

Octobre 1985

So, so you think you can tell
Heaven from hell
Blue skies from pain
Can you tell a green field
From a cold steel rail?
A smile from a veil?
Do you think you can tell?


Il a descendu l’allée très vite, d’habitude ça le prenait à la gorge comme une poigne beaucoup plus forte que la sienne, mais là il regardait Jessica descendre le long de la route jusque loin du pâté, il avait lâché le frisbee de Jonesy et enjambé les platebandes des voisins, dépassé leurs belles barrières blanches, parce que c’est ce qu’ils avaient ici.
Jack avait les yeux irrités, il ne savait pas si c’était l’air qui s’épaississait avec les nuages ou suivre la trace de celle qu’il a longtemps appelé « sa voisine » qui le mettait dans cet état. Il avait peut être mal vu, Jack, c’était le moment de faire demi-tour, non?



Et puis les bras dansants des arbres très hauts dans le ciel avaient répondu pour lui et il pressait le pas, Jack, il pressait le pas comme si quelque chose de terrible allait se produire et les reflets des fenêtres étaient noirs et les allées étaient désertes, et Jonesy n’aboyait plus. En dépassant quelques maisons, il l’a vue, à un carrefour, là sur un parterre avec quelques tourniquets rouillés et la grande balançoire.



La grande balançoire, Jack s’en souvenait, il s’était assis là, exactement là où Jessica est assise en ce moment, ça semblait gigantesque à l’époque, mais maintenant c’est seulement un carrefour. Lui il a dix-sept ans, il porte son blouson de populaire, elle, elle a presque le même âge à peu de choses près que les traits de son visage ne le lui donnent pas. Jack s’approche, parce qu’il était trop tard pour se demander si Jessica était un fantôme, venu le hanter, et très vite, une fois qu’il eut accepté d’entrer dans l’espace du carré d'herbe qui les séparaient, il pouvait voir: Voir ses bras, pas aussi blancs qu’ils l’étaient de loin mais bariolés de plaies. 

Il pouvait voir, et très longtemps, Jack n’avait pas vu. « Jess? »  
Revenir en haut Aller en bas
Jessica Banner
Admin
Jessica Banner
Messages : 617
Emploi : Aucun.
MessageSujet: Re: (Jess) Wish you were here [TW : Violence]   (Jess) Wish you were here [TW : Violence] EmptyJeu 3 Jan - 16:30

« N-non, c'est pas ce que tu crois, j-je
- Jessica, je t'ai déjà dit cent fois de ne pas me mentir. »


Ton glacial, peur brûlante. Gorge sèche, regard humide.

« J-je te jure qu'il ne s'est rien passé, j-j-...
- Ferme. Ta. Gueule. »


Sursaut d'angoisse face à l'inéluctable. Pas arrière, fuite dérisoire, secoue la tête.

« J-je suis désolée, j-je te promets qu-...
- J'ai toujours su que t'étais qu'une sale TRAÎNÉE ! »


La colère grimpe, la colère suinte, elle mord la chair et le regard, la silhouette est imposante, Jessica est toute petite, elle tremble, tremble d'une peur maladive, elle supplie le Monstre qui s'apprête à fondre sur elle. Dernier argument, dernière tentative, ment.

« S-Stan va rentrer dans dix minutes, t-tu ne veux pas qu'il te voit comme ç-... »

Éclat de rire qui la transperce jusqu'aux os. La douleur va venir, la douleur va tenir, ce n'est plus qu'une question de temps. Jessica supplie du regard, elle supplie de la voix, elle supplie de tout ce qu'elle a, mais elle n'a rien, elle n'est rien face au mastodonte qui menace de s'abattre sur elle.

Face à lui, elle n'a jamais été qu'une enfant. Face à lui, elle revoit le placard qui ne lui sera plus jamais d'aucun secours.

« Tu me menaces, Jessica ? »

Le ton suinte la mort et les promesses brisées. Jessica sent un sanglot la transpercer, elle voudrait attendrir, apaiser les poings avant qu'ils ne l'atteignent, éviter le baiser des pieds et la cassure de la douleur. Elle voudrait un tas de choses, mais elle n'aura rien. Pas cette fois. Pas alors qu'il l'a vue rire aux côtés de Braden. Elle n'aurait pas dû se rapprocher de lui. C'est sa faute. Elle est désolée. Ses yeux s'embuent alors que l'inéluctable s'approche encore. Encore un pas. Encore un pas...

« J-je n'ai rien fait, j-je te jure qu-...
- LA FERME ! »


Le cri la prend au vol, l'élève de quelques centimètres pour la faire retomber plus bas que terre. La baffe est retentissante, elle n'a rien de fragile et arrache à sa joue des rougeurs qui ne devraient pas être. Les larmes coulent, Jessica se redresse, vite. Elle refuse la morsure des genoux, des pieds, des jambes, elle sait que ce sont les pires. Elle a mal, elle ne sait pas pourquoi les étoiles tournent en cadence autour de son visage, elle a de la difficulté à tenir debout, Jess, elle voudrait que tout s'arrête, mais ce n'est pas cette fois qu'il s'apaisera. Elle regrette.

« J-je suis désolée, j-je voulais pas t'énerver, j-je recommencerai pas j- »

Mais il est trop tard pour les excuses et tout à l'heure, il était trop tôt. Il n'est jamais temps face à cet homme, il n'est jamais temps d'échapper à la fureur de celui qui n'a de père que le nom. La main revient, se referme, attrape et gagne les bras, maigre rempart contre l'assaut du dragon. Les sanglots sont autant de motivations pour le monstre, et soudain la pluie s'abat sur elle. C'est une pluie de coups comme on en fait rarement, même chez les Banner. C'est une pluie contre laquelle on ne luttera jamais vraiment, c'est une pluie qui la renverse, entre les hurlements, les suppliques et la douleur.

Les fenêtres sont fermées. Stan ne rentrera pas. Les yeux se ferment à leur tour, mais l'obscurité non plus, ne viendra pas. Le bruit des os, le goût du sang mêlé aux larmes, son père n'a pas besoin d'alcool pour motiver sa rage. Elle pleure, elle hurle, elle supplie, mais ses cris sont étouffés par les poings, les mots, la Haine de Jack Banner. Il n'a jamais vu sa fille, sous les traits de la traînée. Il ne voit rien d'autre qu'un échec.

Alors, les paroles reviennent, fidèles au poste, voleuses d'espoir.

« ...-ale pute ! »

Alors, les mots sont des échardes et l'arcade sourcilière explose contre un pied tandis que le cœur s'écharpe contre la violence des sonorités.

« ...-irait ta mère ? »

Alors Jessica cesse de lutter, s'abandonne à la souffrance, se perd dans une errance de fin du monde et laisse un peu plus danser les étoiles contre son front.

Lorsque son père s'éloigne enfin, pleurant et suppliant son pardon, Jessica ne l'entend pas.

« J-je voulais pas faire ça, Jess, Jess, mon cœur, je suis désolé... »


Ça n'a pas de saveur, dans cette bouche-là. Ça n'a pas d'existence, dans ce regard-là. Et elle attend. Elle attend la suite, elle attend ce pour quoi elle semble être née, cent fois entendu lorsque sa mère était à sa place et mille fois désormais.

« M-mais c'est ta faute, Jessica, j-je voulais pas te faire ça, mais tu m'y obliges... »

L'assaut final, celui qui l'achèvera et tuera la lumière dans ses yeux.

« S-si seulement tu ne me mettais pas en colère... »

Le cœur se serre, la poitrine se déchire un peu plus, la misère la couronne et les étoiles, si nombreuses, sont soudain noires de désespoir. Elle ne reverra jamais Braden. C'est décidé. Pour lui comme pour elle, pour la mémoire de sa mère et l'amour de son père, elle s'abandonne en l'abandonnant.






***






Douleur. Peine. Mais plus de terreur. Jessica avance, s'élance presque dans les rues de son enfance, après avoir effacé le sang de son visage à grands renforts de bras douloureux. Elle veut quitter le foyer des horreurs, fuir la maison où elle n'a plus jamais reçu d'amour, elle veut guérir, partir, loin, le jardin n'est pas assez, il faut qu'elle aille ailleurs. Elle passe le portail, dépasse les éclats de rire vieux de dix ans, éloigne les souvenirs, ravale ses larmes et serre les poings. Elle boiterait, Jessica, si elle s'écoutait, mais sa gorge est serrée, l'oxygène vient à manquer, elle a besoin de fuir, alors rien ne sert de pleurer, il faut courir à point.

Sa respiration ne se calme pas. Vite. Elle veut quitter cet endroit. Ses pas s'accélèrent, elle manque de trébucher à l'arrivée et gagne une balançoire qu'elle sait presque abandonnée. Ça fait longtemps que les enfants n'y jouent plus, les parents ont peur de la rouille, ils ont la trouille, mais personne ne la connaît aussi bien qu'elle. Assise sur la nacelle d'un souvenir, elle regarde ses bras, soulève lentement le tissu qu'elle porte rouge pour ne pas que le sang se voit, elle observe ses bras, revoit le coin du meuble contre lequel elle est tombée, efface à la salive le sang qui les macule, en profite pour caresser l'arcade qui déjà se voile à nouveau, c'est fou ce que ça saigne, là-haut. Elle ne veut pas de cet aveu, elle ne veut pas de trace, elle s'en veut, elle a mal, elle lui en veut, elle souffre. Elle efface, compte les bleus, se perd, s'y remet, sanglote une seconde, se reprend, compte à nouveau, c'est difficile, le sang lui coule dans les yeux, se mêle aux larmes et ravage son visage. Elle ne sait plus si elle est bleue ou si elle est blanche, le doute se mêle, son ventre lui fait mal et ça trempe le tissu, en bas, elle ne veut pas comprendre, refuse d'entendre, les sanglots font mal et soulagent à la fois. Elle ne sait plus où elle en est, elle ne veut plus être là, elle essuie en tremblant ses bras rougis par trop de sang, bleuis par trop de haine, elle se déteste, c'est sa faute à elle, la faute du pied, aussi, et son ventre fait mal et sa gorge se serre et les pleurs s'étranglent, elle est concentrée depuis sa balançoire, compte les bleus. Elle ne sait plus où elle en est, le sang voile ses yeux, elle déteste cette putain d'arcade sourcilière, elle voudrait que ça s'arrête, que tout s'arrête, le noir. Mais lui aussi l'abandonne, la douleur monte pourtant, elle sait qu'elle a mal, mal au ventre, mal au torse, mais elle ne veut pas découvrir, elle ne veut pas risquer d'apercevoir le violet, le bleu, toutes ces couleurs qui dansent sur sa peau et la rendent si laide, elle se perd, elle ne sait plus où elle en est. Est-ce que son œil est poché ? Elle ne sait pas, tout est douloureux, le cœur, le corps, la tête, l'âme, tout. Elle est perdue, il avait promis, c'est sa faute elle a menti, incohérente incohérence, elle ne sait plus vraiment ce qu'elle pense, les étoiles dansent, moins mais elles dansent, elle compte encore, pleure à nouveau, souffre en silence, fait taire sa voix, s'apaise une seconde s'effondre ensuite, mais le masque doit revenir, elle prie pour son visage, prie pour son ventre, prie pour un jour être digne de l'amour de son père tout en sachant très bien que ce jour ne viendra pas.

Elle est bleue, laide, horrible de sa souffrance, elle tourne le dos au monde et le monde ne la regarde pas. Seule. Elle est seule, sanglot qui la traverse, assassine un peu de son âme au passage, abandonnée. Kenny ? Non, elle ne veut pas lui parler, encore moins à Scarlett, elle est seule et doit lutter contre la douleur, faire taire le sang qui coule et qui goutte, noie son regard à mesure que coulent les larmes, ou l'inverse elle ne sait plus, elle ne veut pas de cette vie-là, elle n'en veut plus, elle a mal à en crever, mais elle ne crève pas, pourquoi ?! Elle se noie dans sa solitude, seule, elle est seule. Le masque, il lui faut le masque. Semblant de sourire qui s'attache ou s'arrache, qui saurait le dire ? Tout contre le visage atrophié. Sa joue la lance, elle est écarlate, pourvu qu'il n'y ait pas de bleu, elle doit faire semblant, seule, seule pour reprendre son masque et faire taire ses larmes. Oui, voilà, comme ça. Réprimer le sanglot qui mord ses hanches, à moins que ça ne soit la plaie, ça fait mal mais ça n'existe pas.

« Jess ? »

Sursaut d'horreur au cœur de l'agonie. Nom qui résonne en elle comme une terrible infamie. Jack. Presque frère. Plus rien désormais. Ne pas voir, il ne doit pas voir. Pathétique tentative de camoufler les bras couverts de rouge, de bleu, pas naturels. Heureusement, elle porte du rouge. Heureusement, elle porte du rouge.

« D-Dégage ! »

La voix est piteuse, portée par l'angoisse, elle se détourne, cherche à éviter le regard, cherche à taire la souffrance, supplie le monde de le faire partir, ses cheveux tombent en cascade, mur de protection entre elle et lui. Il n'a rien vu.

« Dégage je te dis ! J-Je veux plus jamais te voir ! »


Il n'a rien pu voir. Trop rapide, elle a été trop rapide. C'était pire, cette fois, ou peut être que c'était normal ? Elle ne sait plus, ça fait si longtemps... Plus maintenant. Incohérente, elle est incohérente, mais ce n'est pas l'important. Mordre. Elle doit mordre.

« Casse toi. J-je veux que tu disparaisses de ma vie. »

Coup final. Elle les connaît, les coups, Jessica.

« Ah, pardon, tu l'as déjà fait. Casse-toi. »

C'est comme si elle en était faite.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
MessageSujet: Re: (Jess) Wish you were here [TW : Violence]   (Jess) Wish you were here [TW : Violence] EmptyDim 6 Jan - 19:12

Un jour vous avez probablement écrasé une fourmi. Elle s’était mise à courir sur le dos de la main, elle aurait escaladé n’importe quoi pour explorer après tout, c’est ce qu’il y avait de remarquable, mais sous la moindre pression, et vous n’en saviez qu’un minimum sur le sujet, vous l’avez écrasée. La conscience ronge un instant puis la taille et le nombre de bestioles vous revient en tête, au fond, qui le saura? Qui y pensera demain? L’été chaud et fébrile s’envole et après l’assassinat, plus personne ne revient dessus, ce n’est pas comme si vous en aviez parlé à qui que ce soit? Pourquoi le faire?



Mais là, quand il s’agissait d’humains, tout était autre, le palpitant ressortait par la gorge, la vérité frappe en un seul coup géant aux sentiments. Jack se tient là, les deux pieds dans la pelouse, déjà assassin d’une fourmi, de dizaines d’escargots, accidentellement, le poids du monde étouffe, prend à la gorge, le regard est difficile, il est contrarié par une brume soudaine, les émotions affluent. Jack n’était pas doué avec les autres. Ça, Jack n’en doutait plus, mais il redoutait à présent. 



Elle n’avait pas recouvert les peintures violentes, cette fois-ci tout était sous les yeux de l’adolescent, il cherche à s’exprimer d’abord mais pas un son ne sort, il est accablé. Pas de pitié mais de terreur, c’est ce qu’elle lui transmet, dans une fulgurante remontée par la voie gastrique, oui tout, tout, commençait à faire sens avant. Aujourd’hui c’est le bouquet final, elle est à un fil, capable de tenir les coutures ensemble, encore un peu, la vision qu’a Jack de Jessica est intenable. Ses doigts tentent de créer un choc électrique vers les autres pour les lier, nerveusement la rencontre servirait d’auto-réconfort, Jack trouverait là un début de réponse.



En réalité il n’est pas paralysé sur place, parce que Jack fait partie des tueurs. Non, plutôt, il revoit cette scène décadente où sans qu’il n’en dise rien la poigne de Jack Père est trop insistante sur le fin poignet de la personne qui lui sert de fille. Il retourne, trois ans en arrière, le nez penché vers l’intérieur de la cuisine à regarder de loin, une conversation entre Jack Père et son propre père, les mains calées sur les verres de bourbon. Il a alors plusieurs supposition sur la force qu’il faut pour déformer un corps mais l’image est très vite morbide, il n’a que quinze ans, il laisse tomber. Il revient à Jessica pendant que ses joues se décolorent comme le feraient les racines brunes de la voisine après un soin chimique empestant les détergents.

Est-ce-que de la javel ça suffit pour nettoyer un cadavre? L’espace d’un instant il croit parler à une morte, il peut construire dans sa tête l’enterrement entier de Jessica, du début à la fin, c’est comme si, lui, Jack Père, Madame Banner, elle-même sous terre s’étaient occupés des préparatifs. 


Jack jusqu’ici essayait de suivre les boucles de Jessica, seules parcelles de son mannequin intactes jusqu’à ce qu’il y distingue les mèches collées par le sang coagulé. Jack en appelle à son humanité de s’exprimer, de ne pas se dérober encore une fois. Il sent la plupart de ses cellules simplement animées de colère, prêtes à répondre toutes en même temps avec la même violence puis, tout doucement, Jack déglutit, il regarde les balançoires, leurs balançoires. Les mains à l’intérieur de ses poches se sont blotties, elles sont très chaudes. Maintenant, il attend l’échappée de Jessica, mais c’est comme si elle n’en était plus à ce stade, qu’elle l’avait dépassé. 



C’est peut-être déplacé, familier, quoique ce soit le ton de Jack est bien moins tailladé de haine qu’il ne le pensait alors: « C’est Jack qui a fait ça? » Le sourire avorté et embêté pousse sur ses lèvres, il reprend, en pensant: Oui, Jack, peut être que c’est toi, sûrement, Jack. « C’est ton père qui a fait ça? » Il est très sérieux, très posé, calme, il l’a rarement autant été.

Revenir en haut Aller en bas
Jessica Banner
Admin
Jessica Banner
Messages : 617
Emploi : Aucun.
MessageSujet: Re: (Jess) Wish you were here [TW : Violence]   (Jess) Wish you were here [TW : Violence] EmptyDim 6 Jan - 21:01

J'ai mal.

La certitude est absolue, la détresse est totale, mon corps entier est une plaie à ciel ouvert, infectée depuis des années, rouverte mille fois mais jamais aperçue, jamais montrée au monde.

J'ai mal.

La certitude est absolue, la peur est infinie. Mon âme n'est qu'un morceau de voile que déjà, le vent chatouille, réclame et envoûte, pousse un instant vers le vide. Saute.

J'ai mal.

La certitude est absolue, le désespoir est roi de mon monde. Mon univers est en flammes, tout brûle et l'envie de vivre n'est déjà plus rien d'autre qu'un tas de cendres.

J'ai mal, mal à l'âme, mal au cœur, mal au corps, mal partout. J'ai mal, totalement, absolument, et les sanglots qui me traversent à nouveau sont d'horribles lances au creux d'un corps déjà transpercé de part en part. Je voudrais que tout s'arrête, j'ai l'impression que cette fois, c'en est trop, même pour moi. Quatre ans. Quatre ans, c'est long. Quatre ans, c'est plus que je ne peux supporter. Quatre ans, c'est sans doute le temps qu'il m'aura fallu pour comprendre.

Il n'y a plus rien d'autre pour moi que la mort.

« C’est Jack qui a fait ça? »

Sursaut d'angoisse au cœur du désespoir, déchéance d'un ange qui tente en vain de déployer ses ailes pour se dissimuler. Il découvre alors qu'elles sont noires, ces ailes et qu'il n'a plus rien à sauver. Jack ne part pas. Jack reste là. Jack me regarde et ses yeux me transpercent. Jack me fixe et il lit en moi le passé, le présent, place les pièces manquantes du puzzle et comprend.

Mes yeux s'emplissent de terreur. J'ai peur. J'ai peur. Est-ce qu'il saisit l'ampleur du tapis qu'il s'apprête à soulever ? Est-ce qu'il revoit les traits de ma mère, est-ce qu'il en goûte le sang dans la bouche, devine pourquoi les larmes ont fini par devenir des armes, pourquoi ce jour-là, elle a soulevé son verre empoisonné pour se libérer ?

Est-ce qu'il saisit ces fois, toutes ces fois, où j'ai tant pleuré pour ne pas rentrer, ces autres fois où, avant que nos chemins ne se séparent, alors que ma mère venait juste de partir, il a vu, une seconde, rien qu'une, un instant, rien qu'un seul, l'ombre du monstre glisser lentement contre ma peau ?

Je ne veux pas qu'il sache.

« D-Dégage. »

Pars. Disparais. Tu n'as rien à faire là, tu ne devrais pas te trouver là. Retourne d'où tu viens, laisse-moi, abandonne-moi, oublie-moi, disparais, je ne veux plus de toi, pas ici, pas maintenant, je ne veux pas que tu me vois comme ça, Jack, je ne l'ai jamais voulu. Je ne veux pas que tu regardes la mort caresser mes joues, murmurer à mon oreille ces mots que tu n'entendras pas, si tentants, si plaisants, promesse du noir que j'espère, de ce repos qui enfin viendrait, de cette absence de toute douleur, mentale ou physique.

Tu sais, Jack, maintenant je la comprends, ma mère. Je saisis pourquoi elle est partie, pourquoi elle m'a abandonnée, pourquoi elle a trouvé tant de charme à ce cimetière où je me rêve à ses côtés. Tu sais, il y a des fois, désormais, où mon regard se perd dans le lointain, où j'imagine, où je questionne la caresse du trépas, où je me demande si un couteau ne ferait pas l'affaire, mais je ne franchis pas le pas, jamais. Comme cette fois sur la falaise, où tu n'étais pas là. Tu n'es plus jamais là.

« Qu'est-ce que ça peut te faire ? Dégage. »

Acide, corrosive, je veux te voir disparaître, t'éloigner, ne jamais revenir, oublier, oublier le bleu sur mes joues sur mes bras, sur mon ventre et ailleurs, sans doute, oublier le rouge qui coule le long de mon visage, que j'efface en vain pour que tu ne le voies pas, qui macule tristement ce ventre qui ne cicatrisera jamais, comme mon âme, Jack.

Je suis de ces plaies béantes constamment hémorragiques, je suis de ces douleurs incurables que rien, jamais n'arrête et qui creusent, creusent au cœur de l'espoir, le dévorent, l'assassinent, le rongent jusqu'au jour où tout s'efface, où plus rien ne reste que le rouge, le bleu et le violet. Tu ne l'as jamais compris, Jack, et tu ne comprendras jamais l'horreur de ma vie, et si tu la comprends, je te pousserai à oublier, à effacer, à fuir.

Parce que fuir, ça tu sais faire. Pas vrai, Jack ?

« C’est ton père qui a fait ça? »

Second sursaut, plus douloureux, celui-là, et pas forcément où on l'attend. Les plaies saignent, mes côtés m'informent que la séance ne les a pas convaincues, mais c'est ailleurs, que me torture la douleur.

Il avait promis. Il avait promis, Jack. Il avait juré que c'était terminé, que les coups ne seraient plus rien d'autre qu'un mauvais rêve, qu'il n'aurait plus pour moi ces regards de Haine qui transpercent mon âme de la même manière que ses poings marquent ma peau. Il avait promis, Jack. Il avait promis que je n'aurais plus jamais à les compter, ces bleus qu'enfin tu remarques, que je n'aurais plus jamais à éponger du sang, malvenu, sur ce corps que je déteste. Il avait promis qu'enfin, il m'aimerait, que je ne serais plus cette déception constante que je lis dans ses yeux, au delà de la Haine, au delà de la peine.

Il avait promis, Jack. Il avait juré qu'il ne me ferait plus le moindre mal, il l'avait dit, il me l'avait promis, mais encore une fois, il a menti.

Mais tu sais, Jack, c'est pas ça, la douleur qui me tue. Tu sais, Jack, c'est pas ce qui me fait le plus de mal. J'ai l'habitude de ses excuses, de ses larmes, de ses erreurs. J'ai l'habitude de saigner, de souffrir, de pleurer. Non, ce qui me fait le plus mal, c'est que je l'ai encore déçu.

Un sanglot menace tandis que mes yeux, encore, se noient sous trop de larmes. Je suis un déchet, une ratée, je suis une merde qui déçoit tous ceux qui ont le malheur de m'approcher. Je suis incapable d'être digne de l'amour des autres. Je suis une erreur. Alors, ceux qui le remarquent ne font toujours que deux choses : ceux qui restent me font du mal. Les autres m'abandonnent. Et toi, Jack, en quoi je t'ai déçu ? Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait de si mal, qu'est-ce que j'ai fait qui justifie que tu m'abandonnes ainsi ? J'ai tant pleuré ton absence et alors qu'enfin, tu es là, c'est ta présence qui me fait peur.

Tu n'aurais jamais dû voir. Tu ne peux pas comprendre. Tu ne comprendras jamais, Jack. Mon père est le seul qui soit resté, mon père est le seul à être resté là, depuis toujours.

J'avale ma salive, difficilement. L'exercice est compliqué, sans doute trop rempli d'amertume. Je baisse les yeux, mes mains sont toujours couvertes de mon propre sang.

Je suis horrible, comme ça. J'aurais voulu que tu ne voies jamais ça, j'aurais voulu que tu ne puisses jamais deviner à quel point je suis laide, à quel point mon corps est monstrueux, couvert de tout ce bleu. Tu sais, Jack, les radios ne mentent pas. Mon corps est brisé d'un peu partout, mal ressoudé, souvent, surtout au niveau des côtes. Lorsque les bleus disparaissent, les cicatrices, intérieures pour la plupart, restent. Pas comme toi, Jack. Ne t'en fais pas, tu n'es pas le seul. Ma mère aussi m'a abandonnée.

Mais mon père, lui, est resté. Il est resté, et c'est de ma faute, si aujourd'hui encore a tout gâché. C'est de ma faute s'il n'a pas pu tenir ses promesses. J'ai mal, mon cœur me lance pratiquement plus que tout le reste. Dans un geste idiot, faible, maladroit, douloureux, je glisse des mèches de cheveux devant mon visage. Ne regarde pas. S'il te plaît, ne regarde pas.

« Mon père... ? »

Instant d'attente, silence. Je dois le protéger. Il est le seul à rester, à voir, à savoir, à connaître et pourtant il reste. Je dois le protéger. C'était la dernière fois. Si tu l'avais vu pleurer, Jack, si tu l'avais vu pleurer, tu comprendrais, tu saurais qu'il s'en veut. Une erreur arrive à tout le monde. Il ne recommencera plus. Je dois le protéger. Éclat de rire mensonger. C'est que je suis devenue douée pour mentir, à force de passer mes journées à souffrir sous le masque.

« Non. Il n'a rien à voir avec ça. Il n'est même pas encore rentré du travail. »

La voiture est garée, mais tu n'as pas dû la voir. Tu n'auras pas fait attention, tu n'en as plus rien à faire, jamais. Il faut que j'insiste, que j'innove, que je brode, la vérité ne doit jamais t'éblouir. Oublie les rumeurs, laisse-toi porter par mes mensonges, c'est tellement plus facile...

« Tu... Tu te souviens du tapis, en haut ? Tu sais... ? Celui qui fait tout le couloir de l'étage. »

Inspiration saccadée, brisée. Si tu savais, Jack, comme je déteste te mentir. Si tu savais comme chacun de mes mots me coûte, comme je rêverais de retourner à l'époque où tu m'aimais, à cette époque si lointaine et pourtant si proche où tu me souriais vraiment. Si tu savais... Mais tu n'en as pas idée, Jack. Ma vie s'est effondrée. Je marche au milieu des cendres et l'incendie qui fait toujours rage achève de tout consumer.

« J-je me suis pris les pieds dedans, en essayant de descendre. »

Sanglot dans la voix. J'ai mal, Jack, une part de moi voudrait que tu ne me crois pas, que tu voies le mensonge au delà des mots, que tu saches, que tu saches et que tu me prennes dans tes bras en me jurant que plus rien, jamais ne m'arrivera.

Mais ça n'arrivera pas. Personne ne peut me promettre ça. Personne d'autre que la mort. Je ne veux pas d'un après, je ne veux pas risquer une éternité à me souvenir de la douleur. Je veux oublier, effacer, ne plus jamais rien ressentir. C'est trop compliqué de vivre. Ça fait trop mal, ça me heurte et me fait chavirer.

« J-j'ai eu de la chance, de ne pas me briser la nuque. M-mais j'ai vraiment très mal, e-et j'ai jamais vraiment supporté la douleur. C-comme quand on était petits et que je pleurais pour une écorchure. T-tu te souviens... ? »

Ce temps est révolu depuis longtemps. Aujourd'hui, je supporte la douleur comme personne. Ce n'est pas une chance d'avoir survécu. C'est simplement la promesse que tout recommencera. Il a promis, tu sais. Mais je crois que je ne suis pas digne de ses promesses. Je ne l'ai jamais été.

« J-je crois que je vais rentrer, d'ailleurs. »


Tu sais, Jack, parfois, je me prends à espérer que le prochain coup me tuera.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
MessageSujet: Re: (Jess) Wish you were here [TW : Violence]   (Jess) Wish you were here [TW : Violence] EmptyDim 13 Jan - 23:15

« Le truc c’est que si j’m’en vais c’est littéralement non-assistance à personne en danger là. »

Le prisme se colore en rouge sur tous les côtés, comme un éclat de feu détaché d’une voiture après un mauvais accident. « Et j’serais bien dans la merde. » Les mains habiles et blanches de Jack se rapprochent de son visage, il appuie machinalement sur la roulette de son briquet et pince la clope. Quand il parle il articule moins. D’ailleurs c’est la combientième aujourd’hui? Il a prévu d’arrêter à la fin du mois, ces saletés finissent par percer les poumons.

Un fumeur c’est une bête morte, prête à être dépecée, ne craignant plus la lame affutée, le bruit des couteaux mêlés, le spectacle macabre en somme. Mais si Jack prend la cigarette dans sa bouche il s’avouera plus tard que c’était pour couvrir les tremblements, que s’il n’avait pas eu cette routine, à ce moment précis, il n’aurait jamais pu assurer toute la mise en scène. Le garçon imitait la gestuelle de son paternel à la perfection. On les fait comme ça les Spencer: Robustes, insondables, charmants, pragmatiques.

« Vu que ton père est pas à la maison, j’préfère pas que tu restes seule. Tu vas venir avec moi. »

Impératif meurtrier, les paroles de Jack se suivent comme il l’entend. Il ignore les beuglements de Jessica, elle a toujours été une observatrice fine. Elle est dans l’optique qu’elle doit suivre, après tout. Oui, la voici, figée dans cette bulle aux contours très instables, possiblement sur le point d’exploser et de l’abandonner au vide. Qui pourrait la blamer, qui? Jack ne peut pas s’empêcher de voir les anomalies apportées au détail de la peinture de famille idéale. Un pied pris dans le tissu très lourd, l’autre frottant le parquet, une main vers l’avant pour se rattraper, la fracture immédiate, le roulé-boulé. Il sait dans les remous de son estomac, dans le contre-coup envoyé à ses sentiments qu’il est incapable d’être indifférent mais une part de lui fulmine.



Le volcan attendait la dispute, le point de non-retour, l’occasion rêvée pour lui envoyer au visage un millier de reproches en plus, si seulement il avait le droit de briser le contrat établi auparavant dans son libre-arbitre, la défaire un peu plus de ce fil qui se dénude jour après jour, la voir si vulnérable qu’il pourrait enfin la percer à jour, la comprendre jusqu’aux émanations les plus subtiles de sa rage sordide.


Jessica et ses aboiements feraient un article de presse génial, quelques coups de plus et si ça se trouve, elle se retrouverait sous les mains habiles d’un médecin légiste qui très ironiquement annoncerait l’heure du décès. Jack le lui accorde, il y a dans le retour à la maison le déroulement tragique espéré, quelques fois, il est tentant de s’y remettre. Lui-même irait imaginer le vide, ne plus rien penser, ne plus rien repenser, ne plus rien du tout.



Néanmoins, le pouce et l’index de Jack tiennent en vie le corps friable d’une cigarette, le garçon reste sourd aux provocations. Ainsi, en relisant les termes de l’accord il se souvient très bien. C’est elle qui était comme sa soeur, c’est lui qui était comme son frère. As-tu le temps, as-tu l’énergie de l’égoïsme, Kane?

« Si j’te ramène à la maison dans cet état, tu imagines bien. Il va me tuer. »
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
MessageSujet: Re: (Jess) Wish you were here [TW : Violence]   (Jess) Wish you were here [TW : Violence] Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
(Jess) Wish you were here [TW : Violence]
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» CAMPING TIME PART 1. kidnapper Jess ? | ft. Scarlett & Jess

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Aster Cove :: Anciens rps-
Sauter vers: