Dans la petite ville d'Aster Cove, des choses étranges se passent...

 
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 “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]

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MessageSujet: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyDim 28 Oct - 22:29

Septembre. Feuilles d'automnes rougies par la vie, tapis brun sur lequel craquent les pas. Manteau d'hiver qui petit à petit se pare, jours qui s'éteignent au profit des étoiles. Jessica, aujourd'hui, s'est laissée aller, laissée errer, jusqu'à s'abandonner au milieu des dunes, assise sur un vieux bus qui a certainement le double de son âge. Sa carcasse métallique, bouleversée par les courants d'air, grince encore et encore et la jeune femme, allongée sur les dernières places encore en vie, pousse un soupir à fendre l'âme.

Aujourd'hui non plus, elle n'y parviendra pas. La réalité la frappe dans toute sa violence, toute son acidité et les espérances qu'elle a glissé dans ces actes s'effondrent au sol sans espoir de réanimation. Le livre, à son tour, gagne le tapis de poussière qui couvre les allées du vénérable véhicule et en soulève un nuage qui a le don de faire tousser Jessica. Savoir qu'elle ne lit plus la tue, elle qui a passé sa vie à se perdre entre les lignes dans l'espoir d'y déceler un avenir. La jeune femme lance un regard colérique à la couverture adorée. Christine, c'est un des romans préférés de Jessica. Elle aime la crainte qu'elle ressent en tournant les pages, en dévore chaque phrase avec délice et la plupart du temps, abandonne le roman avec l'impression d'avoir retrouvé un vieil ami. Mais pas aujourd'hui. Le ciel gris qui la dévisage depuis la tôle brisée du toit est le silencieux témoin de ses démons. Plus rien ne lui parle, ni roman ni nouvelle, et Jessica ne prend plus de plaisir à parcourir la moindre ligne. Énième soupir, destiné à une entité qu'elle ne nommera jamais, mais qui, quelque part, la déteste. Elle ne sait d'ailleurs pas pourquoi elle continue. Plus rien n'a de sens, depuis qu'Andrew l'a abandonnée. Plus rien n'a de sens, depuis que tout s'est ébruité. Les yeux de Jessica s'embuent tandis qu'ils trouvent le vague. La faute au vent et aux poussières.

Rien ne parvient plus à la satisfaire, dernièrement. Plus rien ne soulève son cœur comme avant, à part peut-être Braden O'Leary et ses sourires, mais là aussi, Jessica sait qu'elle ne doit pas s'attarder. Elle ne veut pas se briser plus qu'elle ne l'est déjà. Elle ne peut pas se briser plus qu'elle ne l'est déjà.

Un instant, les effluves salées de l'océan lui montent aux narines et le souvenir d'une nuit d'été lui revient en mémoire. Les vagues, en bas, s'écrasaient contre cette falaise sur laquelle elle dansait avec la mort, jusqu'à ce que Camden se présente à elle. Un soupir lui échappe. Même lui a disparu et elle a été incapable de l'aider à son tour. Sa vie est un échec.

Plus le temps passe et plus l'envie de suivre les pas de sa mère est forte. Qui se soucie encore d'elle, ici bas, de toute manière ? Qui n'a jamais abandonné son cas ? Ni Scarlett, ni Andrew, ni Jack ne peuvent s'en targuer. Tout le monde finit par l'abandonner. Et Jessica ne peut plus le supporter.

Lorsque la jeune femme se redresse, pourtant, des rires d'enfants lui reviennent en mémoire. Elle se revoit, sept ans tout juste, courant entre les piles de déchets et pénétrant dans le bus pour s'y dissimuler. Elle le revoit, bientôt sept ans, courant contre les dunes et filant sous les sièges pour la trouver. Sourire édenté, cheveux emmêlés, rouge aux genoux et bleus sur les bras. Un instant, elle croit même entendre sa voix.

« Trouvééééeeee ! »

Elle se revoit lui répondre en criant qu'il ne l'a pas encore attrapée et s'enfuir par la fenêtre. Les rires continuent, s'accentuent. Temps béni de l'innocence qui ne reviendra plus.

Lui aussi l'a abandonnée. Alors, comme rien ni personne ne l'attend nulle part, Jessica se laisse retomber sur les sièges dans un dernier soupir. Parfois, Jack lui manque. Mais l'époque où elle l'appelait son frère est révolue, car Jack a tout gâché.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyJeu 1 Nov - 2:21

Le bus, planté là en golem, créature laissée à la nature, au temps dégradant, les bouts de la ville s’abandonnant petit à petit, les coquillages sur le récif qui empoignent le coeur du sable et le découpent. Le bus, lui, seul, l’objet de toute une vie laissé pour compte, comme la fille aux longs cheveux dégringolants de vie mais dont le halo faiblit de jour en jour, berce Jessica: Les larmes se ravalent dans un semblant de décence humaine, ici tout est noyé de silence, un chagrin interrompu comme retenir ses pleurs au milieu d’une conversation et voir le visage se déformer. Sans nature sinon celle qui est la notre. Elle est vulnérable, et le bus n’est pas à l’épreuve des balles, si quelqu’un d’autre tirait aujourd’hui encore, Jessica serait touchée. 



Un cri résonne derrière les montagnes poudreuses, les cliquetis et autres flic-flacs continuent de rebondir à droite à gauche mais c’est Jack, le perturbateur qui traverse les sentiers entre les piles d’ordures, la chemise ouverte, le sang aux bord de la bouche, un revers de main désinvolte et violent contre son visage, il se demande d’où vient la colère - car elle suit de moins en moins la bagarre, de plus en plus les Spencer. - Les Spencer, seraient-ils maudits, seraient-ils trop lâches? Dans une bataille perdue d’avance il fuit par endroits de détresse, seules ses plaies témoignent d’une fatigue du corps, quand il saigne, ça s’écoule bien vite, faisant des bavures de tous les côtés. Et Jack s’en veut énormément.



Mais malgré le haut sommet de la culpabilité, Jack n’a que son cri pour avertir le monde, et il se croit au bout de la terre, ici, à pouvoir déballer tout son ressenti, il bouscule, il sanglote, il fulmine. Le bus lui n’a pas bougé, tout semble être resté à sa place, il entend à nouveau les cliquetis et autres flics-flacs, Jack, il respire trop fort, se fait mal aux poumons en tirant un grand coup sur une cigarette nerveuse. « MERDE, MERDE, MERDE! »
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyJeu 1 Nov - 18:35

Le monde est vaste et Jessica est persuadée que sa bienvenue solitude ne sera brisée que par la pluie, si celle-ci se met à tomber. Le temps s'est refroidi, dernièrement, et les promenades sont devenues plus frisquettes, plus couvertes, aussi. Pourtant, aujourd'hui, la jeune femme est en t-shirt, profitant de l'opportunité de n'avoir rien à couvrir qui ne soit pas déjà connu pour se pavaner dans une tenue qu'elle ne se risque d'ordinaire jamais à arborer. Le froid est tenace, caresse sa carcasse entassée dans celle du bus et renie ses peurs pour mieux l'ancrer dans la réalité. Jessica regarde le monde d'un œil désabusé, brisé, pousse un énième soupir et se laisse happer par le trop plein de peine qui menace toujours de la submerger. Le livre ne quitte pas la poussière, les yeux de la jeune femme se ferment et elle cherche un sommeil qui la rejette en bloc, brusquement, terriblement.

Au dehors, un cri de rage. Au dehors, un cri de haine, de colère à l'état pur, brute dans sa splendeur et terrible de par son expression. Depuis son abri, Jessica se recroqueville. Des hurlements semblables à ceux-là, elle en a entendu des centaines. Ce n'est jamais bon signe. Ça ne laisse que le goût du sang dans la bouche et celui des larmes contre les lèvres. Des hurlements comme celui qui vient de déchirer la tranquillité de la décharge, ça n'a jamais rien de bon. Alors Jessica se tasse, attend que l'intrus s'éloigne mais se rend bien vite à l'évidence. Celui-ci n'a pas l'intention de partir, il s'approche même, les pas rageurs résonnant contre les débris abandonnés qui maculent tout, ici. Elle entend le bruit d'une boîte de conserve qui roule au loin, celui d'une branche qui se brise et tout ça devient de plus en plus audible, de plus en plus terrible de proximité. Le cœur de Jessica se serre bêtement et elle respire un peu moins fort, se mêle un peu plus aux sièges de son bus, pousse doucement son livre du pied pour le ramener à bon port, et attend. Les intrus ne restent jamais bien longtemps par ici. D'ordinaire, c'est le territoire des enfants et le pas adulte qui résonne, pour peu qu'il soit né près d'Aster Cove, est forcément au courant. Au terme de longues minutes, Jessica le sait, il rebroussera chemin et disparaîtra au détour d'une dune de sable. Elle se retrouvera alors de nouveau seule, perdue dans l'immensité d'un monde oublié, là où les enfants ne jouent que plus rarement depuis les récents événements. Les mères les gardent dans les quartiers, de peur qu'ils ne croisent un loup ou le meurtrier qui semble sévir dernièrement, les calfeutrant parfois même à l'intérieur, craignant qu'on leur arrache leur progéniture dans la sueur et dans le sang. Mais les sanglots perdurent, les jurons se murmurent et la colère en transpire par tous les pores. L'intrus ne semble pas décidé à fuir.

Pire encore. Jessica découvre au son de sa voix qu'il s'agit de Jack. Jack et ses grands yeux rieurs, Jack, symbole de ses années d'insouciance. Jack et le bonheur qui les liait, ce presque frère dont elle s'est peu à peu séparée, blessée et mortifiée.

C'est comme un signal. Dans un réflexe que Jessica ne maîtrise pas et pour lequel elle se maudit, la jeune femme se redresse, laissant paraître ses mèches folles au delà des fenêtres brisées. Dans un élan qu'elle se refuse à admettre et qui porte pourtant un peu trop de tendresse, elle abandonne son livre et ses démons pour se jeter hors de l'habitacle sécuritaire.

Jack. Jack et sa chemise décousue, Jack et son visage en sang, Jack et son absolue détresse.

« Jack... ? »

Sa voix n'a rien d'assurée, c'est qu'elle craint désormais ceux qu'elle sent chargés de haine et de colère. Elle a peur, peur du coup qui pourrait partir, peur de la haine qui pourrait se cristalliser dans un regard, peur des bleus qui maculeraient alors sa peau qu'elle redécouvre immaculée, à l'exception de son ventre et de la plaie qui s'y referme comme elle peut. C'est que les poings de son père, ou les pieds de celui-ci, elle ne sait plus vraiment, ont martelé la chair au point de la rouvrir. C'est que les médecins répètent en boucle qu'elle a eu de la chance, avant de lui rappeler que la cicatrice sera laide.

Ça ne lui importe pas vraiment, de toute façon. Ce n'est pas comme si elle était belle, ce n'est pas comme si elle pouvait aimer les contours de son visage, les courbes de son corps, déchirés par une vie trop amère où le bleu a trop de fois côtoyé la porcelaine.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Le ton de sa voix est inutilement incisif, cherchant à cacher l'inquiétude qui menace de poindre lorsqu'elle voit l'élan de désespoir qui dévore l'âme de son presque-frère, de celui qui a connu toutes les premières fois de son enfance, de la première dent perdue à sa première bonne note, en passant par son premier gâteau réalisé seule. Seule, ou avec lui, tout du moins. Elle lui en veut d'avoir gâché tout ça, de n'avoir pas été là aux instants les plus noirs de sa vie. Elle lui en veut de n'avoir pas su voir, de n'avoir pas compris la couleur bleutée qui menaçait la fille après avoir emporté la mère. Elle lui en veut aussi de ne pas être passé à l'hôpital, ni la première fois, ni la seconde. Mais malgré tout ça, elle ne peut rester indifférente à sa souffrance.

Il est des choses contre lesquelles il est impossible de lutter, il est des liens qui se cristallisent à jamais dans le cœur, impossibles à briser, quand bien même on frapperait dessus de toutes nos forces, tirant d'un côté plutôt que d'un autre dans l'espoir de les arracher. Ce genre de lien peut se disloquer, s'abîmer, ne plus tenir qu'à un fil, mais ce dernier fil, jamais ne se brise. Jack et Jessica. Le ressentiment ne tuera pas l'amour, sans doute, et c'est presque naturellement qu'elle s'empare du paquet de mouchoirs qu'elle transporte aujourd'hui dans son sac. Mais comme la vie est terrible, comme la vie est acide et qu'elle marque au fer rouge chacun de nos pas, Jessica hésite.

« Je vais approcher. »

Sa voix ne se brise pas, mais l'assurance est absente. Ses gestes sont lents, mesurés, à la manière d'une biche qui craindrait que l'homme face à elle ne sorte un fusil pour l'abattre. La distance est cependant vite franchie et le mouchoir s'égare contre les lèvres, caressant le sang qui coule pour mieux s'effacer.

Les gestes sont doux, mesurés, habitués. C'est qu'elle sait panser les plaies, Jessica, pour l'avoir trop souvent fait. C'est qu'elle sait chasser la douleur, Jessica, pour s'en être trop souvent chargée pour elle-même. Jack n'a rien vu. Jack n'a rien su et son regard à elle lance des éclairs au milieu de la tendresse, lorsqu'il a le malheur de croiser celui du jeune homme.

« Qu'est-ce que tu as encore fait... ? »

Elle n'est pas restée sourde, a entendu, a cherché, a appris les rumeurs qui courent sur Jack, désormais, sur la violence de sa vie et sur la manière dont il lutte contre la peine. Ils sont liés par une même perte, un même poison qui court dans leurs veines de la même façon. Jessica le sait au fond d'elle, ils sont forgés dans le même métal. Il est cependant bien triste que celui-ci porte le nom de Souffrance.

Et puisque les mots sont vains, et puisque les gestes, les regards, les attitudes parlent pour eux, Jessica s'absorbe à caresser, s'absorbe à effacer rien qu'un peu de la douleur qui ronge son frère, rien qu'un peu de la colère qui dévore sa chair.

« N'imagine rien. Je t'en veux toujours autant. »

Tente-t-elle malgré tout. C'est qu'elle lui en veut de l'avoir abandonnée. C'est qu'elle en souffre d'avoir perdu le seul obstacle au commencement de sa chute. Elle lui tient rigueur du moindre de ses bleus. Elle lui tient rigueur de la moindre de ses larmes. Mais tout viendra plus tard, lorsqu'il n'y aura plus de sang à sécher, de larmes à effacer, à moins que ça ne soit l'inverse. Tout viendra plus tard lorsqu'un peu du cœur de Jack sera moins à découvert. Ils ont le temps pour les reproches. Jessica sait qu'ils ne l'ont pas pour empêcher les plaies de gangrener. C'est que la Haine fait des miracles, lorsqu'elle est guidée par la Peine. Jessica ne le sait que trop bien pour y être régulièrement confrontée elle-même.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptySam 3 Nov - 22:51

Une boule d’énergie dans le coeur, on disait, à l’époque, tournait comme une toupie dans la cage thoracique de Jack, il se prenait pour un pirate sur le point de conquérir les océans, ses genoux s’enfonçaient dans le sable bouillant et gavé de verre poli. Jack était de ces enfants trop vivants et dont la voix semblait dépasser les capacités de la gorge, quand il criait il y mettait tellement de volonté que tout le monde, amusé ou agacé pouvait se retourner sur son passage. Oui, Jack portait des bandanas, ceux qui s’emmêlent aux cheveux et qui tirent quand on les dégage du crâne, il se croyait invincible, tendait une main rouge et marquée par le passage de petit cailloux plantés dans sa paume à la petite fille qui l’accompagnait, ses deux dents de devant trop grosses. Jack hurlait: « EHOH MOUSSAILLON, MOUSSAILLON QU’AVONS-NOUS LÀ UNE TRAITRESSE, UNE PIRATE, DANS NOTRE SOUTE? »

Jack passe les mains sur son visage, au creux de ses yeux. « Putain mais quel connard, mais j’comprends pas. » Il crache et le jet de salive atterrit entre deux boîtes enfoncées dans le sol, les brins d’herbe noirâtres ressortent par endroits. Jack inspire mais il est embarqué dans un mauvais sanglot qui le laisse rebondir, son souffle tressaute, cela l’agace plus que de raison. Contrairement au tableau actuel, il n’était pas de ceux qui aiment se couvrir de sang bouilli et négligemment, n’irait pas le dégager de ses joues, comme ça, tous les jours pour le plaisir. Il aimait se disputer mais dans le sens des chamailleries quand ça faisait retentir les cris des parents dans le couloir et que l’adrénaline montait. 

Là il avait l’impression d’appartenir au monde des adultes, il se disait que dans pas longtemps un des nerfs de son palpitant allait lâcher et se tendre puis le faire crier d’un coup, pour qu’il profite bien de sa chute.

Son prénom retentit, un appel, il relève la tête et ses yeux ont l’air de se serrer et de courir, comme des machines à laver nerveuses. Il la reconnait. Il la reconnaitrait entre mille, il la voyait déjà tracer son bout de route et ses cheveux se mélanger et se confondre, et se dissoudre comme de la lessive. Il aimerait tout nettoyer, Jack, entièrement, comme on s’y prend avec de la javel après une grosse bagarre. 
Il ne répond pas, d’abord, parce qu’il a le rugissement au bord des lèvres et que s’il ouvre la bouche, là, tout de suite, il risque de grogner. Il n’en est plus au stade où il veut bondir, Jack prend les coups comme un punching-ball quand les os percutent les siens. Entendre Jessica parler, c’est un peu pareil, c’est comme se dire qu’on peut esquiver sans pour autant le faire.

Jack voit le couloir et ses pieds nerveux qui se frottent l’un à l’autre dans ses baskets alors que le grand hall de l'hôpital continue de se remplir et de se vider, elle est derrière les stores, sa respiration toute régulière lui caresse déjà les bords du visage. Jack revient et garde les yeux dans les siens qui sont baissés, appliqués, il la laisse faire. Ramasser les pots cassés et corriger les dégâts, c’est comme si elle avait été conçue pour le faire, comme un de ces robots dans les films de science-fiction avec une voix cassée. La pression de sa main contre son visage l'affole, Jack.

« Qu’est-ce-que tu fais là? Tu sais que faut pas trainer toute seule ici, t’as cru que c’était sûr, t’es toujours aussi bête Jess. »

Il ne lui donne que sa voix, tout de suite car ajouter autre chose, rien qu’un peu de son air dans son espace risque de laisser imploser quelque chose, seulement il ne peut que répondre égoïstement d'inquiétude en la découvrant ici.

« Je m’en fous que tu m’en veuilles mais au moins va lire chez toi, tu veux? Sois sympa. Parce que tu lisais pas vrai. » Les dents de Jack se dévoilent, toutes rouges sur les deux rangées d’un côté il passe la langue dessus. Il attend.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyDim 4 Nov - 0:02

Elle dessine les contours d'un visage mille fois esquissé, mille fois tracé, par jeu, par amour, par tendresse, aussi. Elle en caresse les aspérités, efface les traces de colère qui s'y abritent encore et doucement, elle répare. Elle répare un peu du cœur effrité de ce frère, traître aux pirates, traître aux jeux d'enfant qui jamais ne reviendront.

Subtilement, la voix du passé revient, attaque et reprend. Jessica a dix ans, ses grands yeux brillent, pétillent d'un bonheur plus grand qu'elle alors qu'elle poursuit le gamin entre la vieille machine à laver et la chaise à roulette, à la recherche d'un trésor imaginaire. Il y a des éclats de rire, il y a de la joie dans les voix. Il y a des sourires en cascade et les larmes, soudain, brisent tout. Jessica est tombée, son genou ébréché à la manière d'un bol, son préféré, brisé la veille par son père alors qu'il levait la main sur sa mère. Elle pleure, la belle, elle verse le trop plein d'émotions qu'elle garde pour elle au creux du placard, elle supplie la vie de lui ôter sa douleur et le garçonnet se jette à ses côtés, efface le sang qui perle d'un revers de la main.

« C'est rien ! C'est déjà fini ! »


Lui dit-il d'une voix railleuse. Jack aux grands yeux bruns, Jack aux boucles rebelles et au parfum de l'innocence. Un baiser trouve la peau arrachée, en ressoude les contours et apaise la plaie à vif. Celle de la chair ou celle du cœur ?

« Et hop ! »

Sourire édenté, clin d’œil maladroit, les voici qui se redressent et repartent en courant. Les rires reprennent, résonnent partout autour d'eux. C'est l'époque insouciante où les vœux étaient des promesses et où l'idée d'un avenir en commun se voulait un serment. Époque révolue, les rôles s'inversent et les doigts caressent, effacent le sang qui coule avec cette même douceur de l'enfance. Jack et Jessica. Deux vies pour un regard. Un regard qu'ils s'échangent, hier rempli d'amour, aujourd'hui perclus de doutes.

« Qu’est-ce-que tu fais là ? Tu sais que faut pas traîner toute seule ici, t’as cru que c’était sûr, t’es toujours aussi bête Jess. » 

Jessica voudrait croire à l'idée qu'il s'inquiète, que le surnom qu'il lui offre est sincère et que son âme n'est pas promise à la mort à force d'espoir déçus. Elle voudrait pouvoir donner du crédit à la voix qui résonne, voudrait rêver un peu d'un amour effacé par le temps, rongé, dévoré par l'étreinte envoûtante d'un malheur au nom d'absence.

Les yeux se perdent, arrachent un peu de tendresse à ce regard adoré, fouillent à la recherche d'une vérité pour laquelle ils sont aveugles. Le cœur se tend, s'effrite, s'arrache sur les échardes du doute puis s'effondre. Elle ne peut plus, Jessica. Elle ne peut plus croire qu'il y a quoique ce soit pour elle dans ces prunelles-là, autre que du mépris et de la Haine.

« Je m’en fous que tu m’en veuilles mais au moins va lire chez toi, tu veux? Sois sympa. Parce que tu lisais pas vrai. »

C'est en silence qu'elle poursuit, ses doigts frôlent caressent et effacent les traces, toutes, le moindre détail de la souffrance, inavouable et inavouée de ce frère qui détient un morceau de son âme. Sa main se fait plus douce, elle abandonne le mouchoir pour rencontrer la peau, le silence est roi et la parole ne retentira pas. Pas maintenant. Pas encore.

Il faut laisser le temps au ressentiment de tout voler. Il faut lui laisser le droit de tout emporter et pour ça aucun liquide carmin ne doit entacher sa vision.

« Voilà... »

Voix maternelle qui par la vie s'efface, née du passée, morte au présent, rêvant d'un avenir qui jamais ne se trace. Fragile papillon qui déjà rencontre la mort, valse un instant avec elle pour mieux y perdre ses ailes.

« Je lis plus, Jack. J'y arrive plus. »

Fatal aveu qui tord les boyaux et peut-être le cœur. Jessica sans ses livres, cauchemar inconcevable d'un morceau de vie qui n'est plus. L'esprit perdu dans les romans, fouillant les lignes et aspirant l'essence même des mots à la recherche d'une envie d'exister qui peu à peu l'abandonne. Jessica la lectrice, Jessica aux milles histoires, depuis toujours mais pas pour toujours, car toujours, hier est mort.

« Et je vais où je veux. Qu'est-ce que ça peut bien te faire, de toute façon ? »

Le coup est lancé, l'arme est aiguisée, les mots font mal et Jessica les manie depuis toujours avec une force qu'on ne soupçonne pas. Le nez plongé dans les romans, toujours. Mais la musique est brisée et de ces années perdues dans le silence ne restent que les paroles assassines que Jessica décoche toujours à la manière de flèches acérées.

Les doigts, déjà s'enfuient, la caresse est morte, Jack, et seul perdure son fantôme contre ta joue. Sa main la brûle, mais elle est trop fière, Jessica aux rêves brisés. Elle n'assume pas, l'envie qu'elle a de se perdre dans ces bras-là, l'envie de crier contre lui pour mieux hurler contre la vie. Elle n'assume pas la douleur de son cœur, la transforme en brasier et cherche à tout consumer sur son passage.

C'est un chemin de mort, qu'elle trace, Jack, tout droit en direction de la crique, tout contre les falaises qui bordent la mer où vous avez joué tant de fois. Rien qu'une dernière danse, rien qu'une dernière fois avant le Grand Silence.

Ses yeux le hurlent mais sa bouche reste muette. Dans ce regard-là ne brûle plus le feu d'antan, celui de la Vie a laissé place à celui de la Haine. La route qui s'annonce à elle possède une destination bien vaine, dont on ne revient jamais. C'est ta mère, qu'elle veut rejoindre, c'est sa mère, qu'elle veut rejoindre, mue par l'instinct qu'il s'agit là d'un destin commun à toutes les femmes de sa vie. Et les mots qui t'arrachent arrachent un peu d'elle, aussi.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyDim 4 Nov - 19:40

Sur les toits la pluie tape comme des balles rebondissantes et vient tasser le sol, Jack, de ses deux petits pieds humides regarde son visage dans la flaque et la main couverte de boue de Jessica s’écrase sur sa nuque pour lui faire peur - il a un mouvement de recul et il sautille sur le côté en se tenant le cou. -
C’est sale, qu’il lui dit, tu ressembles à un ver de terre! Les voix résonnent et malgré tout le ciel continue de pleurer, couvrant les assiettes se cognant à l’établi de la cuisine et eux deux n’ont aucune idée du théâtre de la maison, il y a quelques paroles fortes perçant les joues, des mains rougies s’affairant à remettre les pans d’une robe et d’un tablier en place. Jack fait le tour du jardin et comme il fait chaud ce jour là, les averses font retomber la pression. Jessica ne sait pas ce qu’est un pistolet mais quelque chose en presse la détente depuis des jours et des jours.

Le cuir usé du bus montre que le temps a passé mais que l’épuisement s’est fait à force. Quand ils ont abandonné le véhicule dans les contours de la décharge, ils se disaient que ce n’était pas vraiment un abandon, plutôt un investissement pour plus tard. Mais même quand Jack vient fumer par ici, il ne fume pas toute la cigarette et le petit bout de blanc s’effrite silencieusement, seulement pas en entier. Peut-être qu’elle se voit à travers les rétroviseurs, en déchet de l’humanité, que quelque part on l’y a déposée dans cette impuissance et Jack se souvient l’avoir visitée et écouté les gouttes d’eau rebondir sur les vitres sans rien ajouter. Alors que beaucoup tenteraient dans son sommeil de lui rappeler les bons moments, Jack se pressait, les genoux remuant, il espérait qu’un de ses potes apparaisse à la porte pour le sortir de là: Qu’il n’ait pas d’explications à lui apporter ni sur le pourquoi, ni sur le comment.



Elle était constamment dans l’action, dans l’optique que quelque chose de terrible allait arriver, lui se fichait bien que les plaies à son visage guérissent, elle s’empressait, même pas pour Jack mais sûrement en ayant conscience du temps que ça prendrait pour dissimuler les bosses et les fentes sous la peau et au travers. Dans une mécanique étrange que jusqu’ici elle avait dissimulée sous une simple tendresse en appuyant pas trop fort, ici tout dans les gestes de Jessica faisait office de réalité.

« Pas grand chose, ça m’fait pas grand chose, ça doit être l’habitude, tout ça. Mais bon vu que t’es une bouffonne évidemment tu crois tout d’suite que tout le monde est contre toi ou je sais pas. »

Il renifle il y a un peu de sang dans son nez, il y passe l’index et le majeur et puis, elle est encore en face et s’il s’applique il peut voir se dessiner sur elle des continents de souffrance mais rien de tel ne semble lui traverser l’esprit il est davantage occupé à se voiler du regard, à le laisser opaque, histoire que Jessica n’approche pas trop.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyDim 4 Nov - 21:10

« Pas grand chose, ça m’fait pas grand chose, ça doit être l’habitude, tout ça. Mais bon vu que t’es une bouffonne évidemment tu crois tout d’suite que tout le monde est contre toi ou je sais pas. »

Morsure de vie dans les doigts de la mort, douleur soudaine qui frappe et qui matraque, qui attaque et qui dévore, encore.

Les yeux se brisent, les larmes y perlent, la peau rougit, le cœur s'assèche. Les mots font mal, Jack, les mots sont autant de poignards que tu enfonces en son âme alors qu'elle te regarde, baisse la garde et t'offre un passage.

« ... »

Rien. Pas un mot, simple déchirure de tout son être, claque finale sur une carcasse déjà vide, romans abandonnés au profit de la lente symphonie des morts, rêves qui s'estompent tout contre la falaise.

Le vent souffle, caresse la chevelure brune, s'y engouffre et emporte la peine, la remplace par la haine, celle qui est tenace, celle que rien n'efface. Les sourcils se froncent, les crocs se montrent, le mouchoir se froisse et la colère bat des ailes.

« … T'es quel espèce de connard, Jack ? T'es quel espèce de monstre pour frapper quelqu'un déjà à terre ?! »

La douleur est forte, absolue, immuable, ininterrompue. Le sang qui se verse est métaphorique. Jamais de coups, Jessica refrène la baffe qui fourmille en ses doigts. Elle ne veut pas. Elle ne supporterait pas d'être comme son père, fier géniteur heureux de matraquer sa fille sous des prétextes éducationnels.

« M'abandonner, ça te suffit pas ?! Il faut en plus que tu viennes me bousiller jusqu'au bout, que tu viennes me montrer à quel point tu me détestes ?! »


Larme solitaire qui dans la folie s'égare contre une joue, colère furieuse qui supplie d'enfin se libérer. Jack, fauteur de troubles. Jack, qui fausse la compagnie avant même qu'elle ne se retourne. Jack, fantôme des soirs d'été qui jamais ne reviendront. Pour un peu, Jessica lui cracherait au visage, mais à celui des souvenirs, qu'elle s'attaque.

« J'ai pas besoin que tu me répètes que t'en as rien à FOUTRE ! T'en as JAMAIS rien eu à foutre ! JAMAIS ! T'es qu'un putain de beau parleur de MERDE ! Je te DÉTESTE ! »

La haine prend ses plus beaux atours tandis qu'elle s'étend au delà des pensées de Jessica. Jessica aux rêves brisés, Jessica dont la vie s'échappe plus sûrement que les secondes ne défilent.

« T'as même pas été FOUTU de venir me voir à l'hôpital ! T'as laissé tes potes me fracasser, t'as rien fait pour m'aider, tu m'as laissée derrière en même temps que ta mère, mais moi aussi, Jack, moi aussi j'ai perdu la mienne. Moi aussi, j'ai perdu ma marraine. T'es pas le seul à souffrir, tu l'as jamais été. T'es juste le SEUL foutu CONNARD à taper dans les plaies ! »

Un sanglot transperce tout son corps, fragile, frêle, dont les couleurs s'éteignent et se ternissent au fur et à mesure que le temps passe. Elle appartient peut être déjà au royaume des morts, celui qui lui tend les bras, l'appelle et lui promet l'absence de toutes ses souffrances. Elle est peut-être déjà un peu de ceux qui ne reviendront jamais, Jessica. La vie la retient d'une main mais peu à peu, l'étreinte se fait fragile et dans ses yeux elle fuit, trop apeurée pour ce qu'elle croit deviner. Emportée par sa colère, emportée par la détresse qui court dans ses veines, Jessica cède à la colère, prend les traits de son père, se terrorise et fuit son image au milieu des sanglots. Les larmes redoublent, elle serre les poings à s'en faire mal et quelques gouttes, déjà, perlent de ces monuments de rage. Elle veut souffrir physiquement aussi fort qu'elle a mal mentalement. Elle veut arracher ce cœur qui la tue et ne rien y mettre à la place. Elle le déteste. Elle se déteste. Elle déteste tout et tout le monde. Elle voudrait que tout s'effondre. Un pas qui se jette à l'océan.

« J-je sais pas ce que je t'ai fait, j'arrive pas à comprendre où t'es passé, Jack. J-je vois pas pourquoi tu me pourris comme ça ! T'as pas besoin de faire ça, je le fais très bien toute seule. »

Les mots se heurtent, se cognent, se mêlent, frôlent l'incohérence et puis s'y perdent au milieu de trop d'aveux inavoués, terribles dans leur sincérité, jamais assumés. Mais Jessica est loin, loin de ces secrets qu'elle veut garder, et les mots débordent, et son cœur déborde, et sa bouche ne parvient plus à sceller les choses que personne ne doit savoir.

«  T'en fais pas je t'emmerderai bientôt plus ! T'en fais pas, t'auras plus jamais à me vomir au visage ! »

La réalisation se dessine sur les traits ravagés, la gorge se serre et la suite meurt avant de paraître. Les larmes redoublent, les sanglots perdurent mais l'angoisse naît dans les yeux oubliés.

« Je me casse, tu sais quoi ? Je sais même pas pourquoi j'ai imaginé un seul instant que ça puisse être différent. J-je sais même pas pourquoi j'y crois encore. Je dois être une foutue conne. T'as certainement raison. »


Comme un ouragan, comme une feuille emportée par le vent, Jessica se détourne, abandonne un roman qu'elle ne lira jamais plus et déjà, s'échappe, s'enfuit, s'éloigne à grands renforts de pas déchaînés, fuit ce frère qui la torture en un regard. Elle veut partir, quitter les bras qu'elle crève de sentir autour d'elle pour ne plus les imaginer autour de sa gorge. Elle te déteste, Jack, de la faire autant souffrir.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyLun 5 Nov - 0:15

Rien de colossal chez lui, en fait il était trop fin pour passer aux sélections de football américain du comté. D’ailleurs si Jack faisait partie de l’équipe de crosse c’était avec l’aval de son père et le regard en coin du coach. Rien de colossal chez Jack, une ossature friable, une cicatrisation moyenne, toujours de longues traces brunes accompagnant ses guérisons, un corps trop faible pour enchaîner les coups mais assez de volonté pour les rendre. Si Jack n’était pas un titan en revanche il était le gamin égoïste emporté dans un labyrinthe qui allait avec son futur: chaotique, bon à trébucher à chaque pas de fait. Rien de colossal chez Jack parce qu’il finissait le nez dans la poussière, soit avec sa fierté, soit avec sa connerie.



Donc il était en face de Jessica qui se vidait comme un corps après le décès, de tout ce qu’il était possible d’évacuer, un lac mais aux eaux noires et polluées qui dévastait le monde et son regard accusateur. Jack lui ne bougeait pas, il avait dans les yeux ce rien, un peu terrifiant si on l’attrapait, un silence sur les lèvres, il n’ajoutait pas à ses phrases, il n’apportait pas à ses questions de réponses. Bien sûr son système s’allumait de colère mais sans qu’il se l’explique il éprouvait un immense soulagement, qu’après tout son mutisme, Jessica ouvre enfin les vannes quitte à tout expédier trop vite, trop mal. Pour Jack il était évident que ce ne serait pas propre, qu’il y aurait des dégâts. 
Si Jessica avait fini au sol, pire qu’une flaque, il se serait abaisser pour ramasser chaque centimètre d’elle. Si elle avait plu, il aurait poussé des seaux avec le bout de ses pompes jusqu’en dessous du ciel et ainsi de suite.

Il ne lève pas les mains, ne cherche pas à se défendre contre une bête blessée, il voit la plaie qu’elle a au flanc qui la fait souffrir sans fin, ils ait qui a tiré la première balle, qui a voulu tenir le fusil et plus elle en dit, plus il sait que la partie de chasse a été longue. Elle est là, elle frissonne, sanglote, elle pourrait rugir si elle en avait encore la force mais toujours, cette retenue qui la porte et Jack, incapable de parler comme si le moniteur de son crâne s’était enfoncé très loin sans oser revenir, il regarde la proie que Jessica est devenue s’éloigner, tout est beaucoup plus sourd, jusque là. Il comprend, l’enfant qui boite, qui lutte pour ne pas aller voir une fois de plus vers ces paysages de leur enfance et pourtant...



La créature qu’il est devenu, sans nom, sans âge, sans nature la suit dans la seule odeur qu’il puisse reconnaitre, Jack s’élance alors qu’elle s’enfuit, la tire au bras, fort et mal, tout ce qu’il ne faut pas faire, il pourrait dégoupiller une grenade de plus s’il ne se savait déjà pas inconscient, lui même explosé en obus infernal, lui-même ignorant de la moindre décence, lui qui attendait d’entendre tout ce qu’elle avait à dire, pourquoi est-ce-qu’il lui en voudrait? Pourquoi encore?
Il hurle quand même. 
Il se tord quand même.

« Y a- r-rien de différent Jess! Que dalle t’entends! Ça a toujours été comme ça, j’ai toujours été comme ça! J’ai toujours été que ton voisin et rien de plus et ça je l’ai b-bien compris y a aucun doute là-dessus bordel. Ok tu veux peut être pas le voir parce que t’es trop bouchée mais je suis- comme ça, j-je suis pas en bon état tu comprends ça? J’le serai sûrement jamais alors comment t’veux que je VEILLE SUR TOI? EST-CE-QUE JE SUIS TA MÈRE? Et me dis pas que t’es parfaite parce que tu- tu gardais des choses loin de moi tu les gardais, t’es comme ça aussi. T’es dans t-ton silence murée comme ELLES. Tu fous la merde, tu fous la merde parce que tu continues d’me gaver avec ELLES, AVEC ELLE PARCE QUE ELLES SONT PARTIES?
C’est ça qui te met en rogne c’est q-que j’sois pas assez présent, que j’sois parti, est-ce-que c’est moi qui suis parti, t’es sûre, est-que c’est moi qui SUIS MORT EST CE QUE JE SUIS PUTAIN DE MORT JESSICA?
»
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyLun 5 Nov - 2:10

Il y a de la peur, dans le regard qu'elle te lance, Jack. Il y a un brin de terreur, un peu de ce je-ne-sais-quoi d'horreur qui serpente entre vous depuis toujours. Elle a un mouvement de recul, sent son cœur lâcher dans sa poitrine tandis que sa respiration se coupe au fond de ses ténèbres.

Ses yeux débordent, ses joues sont rouges, ses lèvres tremblent de peine et toi, pourtant, Jack, tu t'apprêtes à lui asséner le coup final. Les mots assassins quittent une bouche trop longtemps scellée, trouvent un cœur au supplice avec lequel résonne le tien. Jessica a mal, Jessica a peur, Jessica regrette, Jessica se meurt.

Elle laisse déborder les mots de son frère, arrache les images, défait les éclats de rire, implore les souvenirs de disparaître, elle veut faire mourir l'amour, elle veut faire taire la voix de son âme qui se tend inéluctablement vers lui, elle veut hurler au monde qu'elle ne veut plus rien, plus rien d'autre qu'abandonner, comme elle a été abandonnée, comme il a été abandonné. Les mots dérapent, accrochent sa vie au passage et l'entraînent au fond d'une chute qui la terrifie. Le ravin de la mort est un fossé dont on ne revient pas. Y aura-t-il une autre Banner au cimetière, demain soir ?

« J’ai toujours été que ton voisin et rien de plus. »


Les yeux crient une peine qu'ils ne sont pas seuls à ressentir, tout son corps supplie qu'on l'achève alors que les jeux d'enfants s'estompent au profit des silences adultes. Les châteaux de sable s'écroulent sous les vagues de désespoir qui les emportent, les aventures aux allures de merveilleux troquent leur littérature pour de la tragédie, le cœur se meurt, le sang s'écoule, il a le goût du sel, il a le goût des océans et celui de la mer. Il n'a le goût du métal qu'au fond de ses poings, alors que sa vie entière se laisse sombrer dans des abysses dont on ne revient jamais vraiment.

«  EST-CE-QUE JE SUIS TA MÈRE ? »

Non, Jack, mais tu étais son frère. Le souvenir de trop d'anniversaires se teinte d'amertume alors que l'existence s'acharne à la déchirer. Les ailes froissées au point de tomber en lambeaux, Jessica écoute sans entendre, laisse les mots couler pour mieux la noyer, boit la tasse à chaque phrase et perd sa respiration au moindre point. Elle meurt. Elle meurt dans la douleur et les mots l'arrachent.

« Tu fous la merde, tu fous la merde parce que tu continues d’me gaver avec ELLES, AVEC ELLE PARCE QUE ELLES SONT PARTIES ? »

Abandonnée. Jetée au sol puis écrasée. Petit à petit, son âme s'écorne, s'écartèle et s'achève dans un gargouillis de souffrance presque inaudible. Jessica supplie qu'on la tue, là, immédiatement, souffrant de chaque phrase, de chaque virgule et chaque point. Sa main s'arrache à la poigne de Jack, cherche à s'échapper, se dérobe aux yeux trop adorés qui aujourd'hui ont le pouvoir de tout lui voler. La joie se teinte de tristesse à mesure que s'écoulent les paroles. La vie de Jessica perd ses couleurs pour un peu d'obscurité.

« C’est ça qui te met en rogne c’est q-que j’sois pas assez présent, que j’sois parti, est-ce-que c’est moi qui suis parti, t’es sûre, est-que c’est moi qui SUIS MORT EST CE QUE JE SUIS PUTAIN DE MORT JESSICA ? »

Les yeux s'écarquillent, le souffle se perd, l'âme se recroqueville et l'espoir s'enterre. Les mots manquent à Jessica. Les mots meurent avant de naître, se coincent dans une gorge qui se serre et le temps se suspend. La vie s'arrête, retient sa respiration, la vie s'arrache, observe deux faces d'une même pièce se désolidariser, et peut-être qu'elle rit, quelque part. Peut-être que ça l'amuse, de faire autant souffrir.

Salive qui s'avale bruyamment, sanglots qui se décoincent après une éternité de silence.

« J-Jack... »

Un nom, un seul, comme un serment, comme une supplique, comme un aveu, comme une prière.

« J-je... »

Le temps d'une seconde, celui de trop de regrets, la douleur dans la gorge et les mots dans les cieux.

« J-je pensais que j'avais compté, un jour... J-je... »


C'est difficile, Jessica, de voir ta vie s'arracher, t'arracher, l'arracher, de reconnaître l'erreur et la peur dans d'autres yeux que les tiens.

« J-je t'aimais tellement, Jack... »

Un sanglot qui se brise contre une voix trop chargée, une bombe sur le point d'exploser et de tout emporter dans son sillage.

« J-je suis désolée, J-j'y arrive pas, Jack, j-je sais pas comment faire, je sais pas comment continuer, j-je... »

Une douleur qui s'assassine et assassine avec elle.

« T-tu me manques, Jack, je sais pas quoi faire pour te le dire, j-je sais pas quoi faire pour passer à autre chose, j'arrive pas à t'oublier, à t'arracher à moi, j-j'arrive pas à-... »

Un aveu, final, terrible.

« J-j'arrive pas à vivre sans toi, j-je... »

Un second, pire encore.

« J-je... Je peux pas continuer si t'es pas là, m-mais je peux pas te dire, j-je peux pas parler du placard, j-j'y arrive pas, j-... »

Un dernier pour tout achever.

« Je peux pas continuer d'exister quand la seule famille qui veut encore de moi me fout à terre et quand la seule famille que je voudrais ne veut plus de moi. »

Ultime sanglot dans une nuit sans étoiles. Aujourd'hui le ciel est gris et le soleil s'est éteint.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyMer 7 Nov - 1:42

Regarde-la à bout de souffle, comme la tête sous deux mains puissantes occupées à la maintenir sous l’eau, regarde-la se débattre - des jambes gigotant si vites, les ailes d’un papillon se distinguent, encore piégé dans un cocon épais. - Regarde-la avec ses mots, débiter si fort et pourtant, seul un amoncellement de bulles s’affaire à remonter à la surface. Regarde-la, Jack, regarde-la se battre pour toi. 

Il y a une guerre en chaque homme, nul doute là-dessus, chacun avec son armure, chacun avec ses défenses - Il y a Jack et Jessica, double je, double j. Il y a Jack et Jessica, en parade, hostile, conquérante, les deux fers levés l’un contre l’autre. - Jessica hors de l’eau, elle se tient là, trempée, les cheveux dégoulinant de sueur, de fatigue et de larmes, Jack est sur la rive, elle a survécu à la mer sans vague, si silencieuse, si calme, qu’il était incapable d’entendre le courant. 
A présent il distingue ses extrémités, ses teintes défaillantes et jusque là mouvantes, pareilles aux mouvements des arbres, ces pointillés de rouges sur les bords, les épaules, les coudes, les mains. Il l’entend, Jessica perce les tympans, elle est, sortie de l’eau d’un côté, toujours plongée de l’autre. 

Par Jack.

« De quoi tu parles. Qu’est-ce-que tu dis? »

Un pas en avant, une méfiance, l’ombre derrière la porte du placard de Jessica, les cadavres débordant, rien que des squelettes mais le fil nerveux de Jack tire toute sa colonne vertébrale, il y a le rouge planté sur les joues, le sifflement entre ses deux rangées de dents inexactes, quand il la croise au regard, ses deux billes brunes brillent sans force, les déluges ravalés, Jack lève une main, il ne la fait pas retomber avant quelque seconde. Le joueur de crosse sent ses doigts trembler, se frotter à la poche de son jean, presque s’y érafler dans sa précipitation, il sort, habile, un briquet et une clope, il apporte à sa bouche les deux tueurs-nicotine, formant un « O » avec ses paumes pour allumer la cigarette. 

La première taffe lui remonte dans la gorge et il n’a rien connu de plus humain que de céder à ça, à dix-sept ans pourtant il est ce ridicule bout d’homme, tourmenté et agité de silences. Même sous l’eau, elle, Jessica, est capable de parler.

« T’allais partir? Comme une voleuse? T’allais partir? T’es qui pour dire qui t’aime encore ou non? T’as du culot non? Pourquoi tu parles comme si t’étais malade? T’as- t’as décidé d’me foutre la trouille c’est ça? Tu t’venges, c’est ça? »
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] EmptyMar 20 Nov - 23:51

Le monde s'écroule et son corps se brise. Le monde s'enflamme et sa vie s'efface, braises emportées au loin par le vent. Jack, face à elle, presque frère, lointain souvenir, qui déjà se détourne d'elle. Les mots sont reproches, les paroles accrochent, déchirent, volent et assassinent. Elle les laisse couler, s'étouffe au milieu d'elles, boit la tasse en croyant y trouver Jouvence mais n'y goûte que des cendres. Le monde est parti, Jessica, et il n'y a plus rien pour toi dans ce regard-là.

Elle avale sa salive, difficilement, la jeune femme en devenir dont le corps, trop souvent, a vu éclore des roses bleutées sur sa peau. Elle avale sa salive, et tandis qu'on écrase un peu plus de son âme, qu'on souffle les bougies des souvenirs, les larmes s'éteignent et la rancœur remplace tout.

« T’allais partir? Comme une voleuse? T’allais partir? T’es qui pour dire qui t’aime encore ou non? T’as du culot non? Pourquoi tu parles comme si t’étais malade? T’as- t’as décidé d’me foutre la trouille c’est ça? Tu t’venges, c’est ça? »

La vérité est cruelle et la réalité encercle la gorge fragile de ses doigts vengeurs. Il ne comprend pas, ne saisit pas, s'éloigne d'elle au lieu d'approcher. Il n'y a sûrement plus rien du passé dans ces attitudes-là, plus rien. Rien du tout, simplement le murmure des vagues dans le creux des falaises.

« ... »

Les mots se perdent en un éclat de rire amer, brisé, arraché à une gorge qui saigne trop abondamment, trop terriblement pour permettre à nouveau aux sentiments de s'échapper. Les bras se resserrent contre Jessica en une étreinte et déjà, elle s'abîme dans le lointain. Déjà, elle n'est plus qu'un souvenir aussi vague que tout le reste.

« Oui, t'as raison. T'as tout compris. Je me venge. »

Le ton est amer, il se referme, s'éloigne, puis Jessica se détourne, s'arrache à nouveau à cet homme qu'elle a un jour aimé comme un frère. Sur ses lèvres naît l'ombre d'un sourire de mauvais augure, de ces sourires sortis des abysses, qui ne se retrouvent qu'aux portes de l'Enfer. C'est là qu'elle vit, Jessica. C'est là qu'elle cherche un air qui ne vient jamais depuis bien quatre ans.

« Je voulais te faire flipper. Je voulais que t'aies mal au ventre de peur, Jack. Je voulais que ça te terrifie. »

Le regard est dur, presque violent, tout comme le mouvement qu'elle esquisse. Elle s'éloigne, la jeune femme, elle s'éloigne et ses idées sont plus noires que l'orage. Ses yeux lancent des éclairs qu'on ne voit pas autrement que par elle et sa voix en est le tonnerre sourd.

« T'en fais pas. Je me tire. »


Les sanglots se ravalent et la pluie qui battaient ses joues s'efface. Elle a mal, et la douleur, peut être, la rend belle à mesure qu'elle devient plus terrible. Ses enjambées sont certaines, décidées, inarrêtables.

Elle en oublie son livre, au milieu de sa douleur, elle en oublie ses rêves, dans les bras d'un homme qui désormais la hait. À la manière d'un mirage, elle franchit la distance, puis s'évanouit au delà des dunes. Au loin, comme si le monde s'était imprimé à son image, le ciel gronde, menaçant. Mais c'est déjà trop tard, Jack. Ça fait longtemps que l'orage est sur toi. Ça fait longtemps qu'il est sur elle aussi, si bien qu'elle a fini par s'y perdre et que ses traits en dessinent désormais les contours.
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MessageSujet: Re: “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]   “Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack] Empty

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“Mystérieux jardin de ma lointaine enfance, Royaume ensorcelé perdu dans la distance.” [ft. Jack]
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