Trent - Hey, you know Pac-man? Well, Pac-man was originally called Puck-man.

Évidemment, c’est fourni sans notice, y a pas de tutoriel non plus. Dommage, parce que j’ai aucune idée de quoi faire ni de comment le faire. Je suis né ici, mes parents aussi, ils aimeraient me voir ailleurs. Mon père est agent immobilier, il me loue une petite maison qui se trouve juste en face de chez eux, oui nous sommes voisins, c’est assez pitoyable. Ils ne comprennent pas pourquoi j’ai arrêté l’école, ils aimeraient me voir devenir docteur, banquier, un truc respecté quoi. Mais j’ai du mal à leur en vouloir. En fait, j’ai pas envie de me fâcher avec eux, parce que j’ai toujours besoin de la voiture de temps en temps : ça m’évite de devoir en acheter une. Sinon le vélo c'est bien. C’est quoi une enfance normale ? J’ai peut-être eu une enfance normale, voilà, on a qu’à dire ça. J’ai aimé lire, imaginer et me reposer. Je crois que c’est toujours d’actualité. À l’école, j’ai appris la définition de timidité. J’ai appris à quel point le monde normal ne m’intéressait pas : celui de Hulk, des Quatres fantastiques et de Spider-man me plaisait déjà beaucoup plus. J’ai essayé de faire mes propres comics, mais je savais pas dessiner. Je sais toujours pas dessiner. Écrire, ça va. On verra quand mon livre sera sorti. Quand il sera fini. Commencé.


J’attire les ennuis au college puis après aussi. C’est une catastrophe. Le mec qui fait tomber son plateau-repas ? C’est moi. Le mec qui se mange un arbre parce qu’il était trop occupé à remarquer que ce nuage ressemble à un animal ? C’est moi. Le mec qui gâche peut-être la seule fois où ça aurait pu marcher avec une fille parce que je la compare à Black Widow ? C’est moi, elle a cru que c’était une insulte, je crois. Je tombe, je me plante, je m’ennuie. Heureusement qu’il y a les consoles à la maison, ça va tout de suite mieux, tout est beaucoup plus simple. Heureusement que mon père m’offre ses trois volumes du Seigneur des anneaux pour mon anniversaire, heureusement que la suite de Star Wars est toujours aussi bien, heureusement que l’Histoire sans fin se termine bien. La fantasy et la science-fiction deviennent mes refuges, les jeux vidéo mes meilleurs amis. Je passe des heures à lire des magazines, à me renseigner sur le sujet : j’ai l’impression que le jeu vidéo va devenir quelque chose d’important dans ce monde, je veux être parmi les premiers à tout savoir, je veux devenir un expert en la matière ! Je suis sûr que ça servira à d’autres, aux prochaines générations, si tout se passe bien, évidemment.


Finalement, l’enfance, c’était pas si mal. Maintenant, je suis toujours aussi peu adapté à cette vie, mais j’ai quand même des factures à payer, des gens à rencontrer pour changer mon téléphone, des démarches à faire… L’angoisse. J’ai aussi un travail, même si mes parents disent que ce n’est pas un vrai travail. Ça devait être pour payer les études au départ, mais finalement, les études sont parties et le petit job est resté. Comment expliquer ce que je fais d’ailleurs ? Un peu de tout, tout ce que je peux faire. J’ai mis le nez à l’intérieur des machines une fois, c’est pas si compliqué que ça. Sinon, on peut dire que c’est du social. Je renseigne, j’explique, je parle. Je dis que ça c’est bien, je dis que ça c’est pas trop mal. Je dis que ce petit plombier moustachu qui vient de sortir n’a probablement aucun avenir. Je discute avec le patron, je lui dis ce qui se passe au Japon, je lui dis ce qui est à surveiller et ce qui est à oublier. Il a horreur des gosses, c’est marrant ça. Moi je m’entends bien avec eux, alors il me laisse les gérer pendant qu’il boit son café dans son bureau, il est tout le temps au téléphone. Moi non. Il se passe pas grand-chose dans ma vie, mais le pire dans tout ça, c’est que ça me gêne pas tant que ça, je me vois bien continuer ainsi pendant les trente prochaines années de ma vie. Non vraiment, à moins qu’il se passe quelque chose d’unique dans cette ville, je vois pas comment les choses pourraient changer.