Retour vers le futur...? [Walter & Adrienne]

Walter ne s'expliquait pas les récents événements. Walter ne s'expliquait pas l'année, il ne s'expliquait pas non plus sa réaction face à cette pauvre personne le soir d'Halloween, pas plus qu'il ne comprenait son dernier souvenir. Walter ne s'expliquait rien, et ne comprenait, de toute façon, rien du tout. Il avait perdu deux ans, deux années volées qu'il ne retrouverait jamais, malgré tous ses efforts et tous ses souhaits. La vérité, la réalité aussi, lui semblaient soudain devenus deux domaines aux frontières un peu trop floues et c'était pour les élucider, les comprendre, les préciser qu'il se rendait à cette adresse maintes fois visitée et tant aimée. Il allait retrouver un visage adoré, embrasser des lèvres chéries, retrouver la chaleur d'un foyer et rentrer. Rentrer au bout de deux années écoulées en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Rentrer après un cauchemar qui continuait de dévorer ses rêves malgré tous ses efforts pour l'oublier. Evie n'était pas cette femme qu'il avait croisé dans ses délires. Evie était sa fiancée, cette moitié de lui incarnée dans le corps d'une autre et il allait l'épouser prochainement. Evie n'était pas une meurtrière. Walter le savait, mais il avait besoin de la voir, de la sentir contre lui et de se rendre compte d'à quel point tout ceci n'était qu'une sombre idiotie à laquelle il ne devait pas prêter foi. Regardant à gauche, puis à droite, puis de nouveau à gauche, le jeune homme traversa, cette inexplicable boule au ventre rongeant toujours ses entrailles. L'immeuble qui se dressait devant lui était le sien. Le leur. À cette pensée, un mince sourire -le premier du jour- osa caresser ses lèvres. La façade n'avait pas changé. Il y avait toujours les fleurs de Miss Hyves, des pétunias. Le linge de la voisine pendait encore au balcon et il s'agissait toujours du même drap rouge tomate, tâché en son centre et qui avait sans doute son âge. Le chien des Baker aboya et Walter le trouva amaigri. Dans son souvenir, le rottweiler avait déjà bien vécu, sans doute profitait-il d'une douce retraite. Enfin, les rideaux lavandes trônaient toujours à la fenêtre du bureau. Ces rideaux, Walter les avait toujours détestés. Mais ils avaient été mis là par  le propriétaire et on ne disait jamais non à cet homme, également banquier en ville. Ce type, un peu grippe-sou sur les bords, ne laissait passer aucun retard et la seule et unique fois où le chèque avait été oublié, Walter et Evie avaient dû le recevoir le jour-même afin de régler le problème. On était pourtant le premier janvier et toute personne normale décuvait tranquillement chez soi ou se remettait d'une façon ou d'une autre de son jour de l'an. Pas Mr. Tomasson. Lui était toujours présent lorsqu'il s'agissait d'argent. On lui avait donc payé un verre, proposé un toast au foie gras qu'il avait bien évidemment accepté -et même un second, s'il vous plaît !- puis on lui avait fourni le chèque tant espéré. Un sourire satisfait avait bien vite mangé son visage lorsqu'il avait remarqué qu'il datait du 29 décembre. Ses locataires comptaient le payer. Tout allait soudainement mieux. Le chat, scrupuleusement dédaigné à son arrivée, avait même eu le droit à une caresse avant que Mr. Tomasson ne s'excuse et file retrouver sa femme. Dieu que Walter la plaignait, cette femme... La seule fois où il l'avait croisée, c'était en présence de son mari, sur une brocante, où tous deux se vêtaient pour l'année. Mr. Tomasson lui avait dit, à cette occasion, qu'il n'existait pas de petite économie ! Walter avait ri. Walter avait ri, était ensuite rentré chez lui et avait offert une journée shopping à sa fiancée. Le soir, ils étaient allés manger dans le meilleur restaurant de la ville et s'étaient octroyés une sortie cinéma juste après. C'était plus fort que lui, presque épidermique. Lorsqu'il croisait son propriétaire, Walter se sentait obligé de dépenser. Un soupir quitta ses lèvres, accompagné d'un sourire. Il ne se souvenait que trop bien du regard que lui avait lancé Evie la fois où il était rentré avec une nouvelle friteuse. Assassin. Meutrier. Puis mortellement amusé.

« Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'une friteuse, Walty ?! »

Il avait répondu qu'il ne savait pas. Ils avaient passé la soirée à rire ensemble. Ce souvenir lui faisait du bien. C'était environ un mois avant qu'il ne disparaisse. À cette pensée, le sourire qui habitait ses lèvres mourut aussitôt. Evie avait dû le détester, pleurer, s'inquiéter, se renfermer et faire la forte. Evie avait dû souffrir et cela coûtait mortellement à Walter d'imaginer que c'était sa faute. Le badge qu'il sortit de sa poche fonctionna sans problème et lui permit de pénétrer le sas d'entrée. L'odeur de celui-ci n'avait pas changé. Le produit d'entretien était toujours le même et sentait toujours aussi mauvais. Il devait toujours s'agir du moins cher du marché. L'ascenseur arriva plus rapidement que prévu et Walter y pénétra. Les lampes avaient été changées, sans doute depuis belle lurette à en voir la poussière qui les maculait. Walter secoua la tête de désapprobation. Parfois, il se demandait pourquoi ils payaient aussi cher en services. Une voix féminine annonça le quatrième étage tandis que les portes s'ouvraient. Walter sortit et se dirigea spontanément vers la troisième porte, au fond. Evie avait visiblement changé de tapis. Dommage. Il avait toujours aimé le précédent. Son doigt trouva la sonnette avec un sourire. Il voulait que ce soit une surprise. Même si elle prétendait le contraire, Evie avait toujours aimé les surprises. Et dieu seul sait à quel point elle serait grosse, celle-ci... Dans l'appartement, des pas résonnèrent en direction de l'entrée. Un sourire commença lentement à dévorer ses lèvres. Alors, Walter attendit.